Nathalie Lanfranchi : un parcours militant, "L'école est un moyen important de faire vivre les traditions et la langue"
Impliquée depuis sa plus tendre enfance dans tout qui touche à la langue corse, Nathalie Lanfranchi incarne toute une génération qui cherche à en transmettre les valeurs et la fibre. Dans l’enseignement pour ce qui la concerne…
Un parcours militant
Impliquée depuis sa plus tendre enfance dans tout qui touche à la langue corse, Nathalie Lanfranchi incarne toute une génération qui cherche à en transmettre les valeurs et la fibre. Dans l’enseignement pour ce qui la concerne…
Nul n’est besoin de lui parler en corse pour comprendre l’intérêt que Nathalie Lanfranchi porte à sa langue natale. « C’est notre langue et le véhicule de notre peuple, glisse-t-elle en guise d’entrée en matière, il n’y a pas à se poser la question. »
Sa silhouette, qui n’est pas sans rappeler la célèbre « Colomba » de Mérimée plante, à elle seule, le décor. Les mots viennent ensuite. Plus qu’un attachement, le corse est une passion viscéralement ancrée dans ses gènes. Et son parcours serait, en quelque sorte, une boucle débutée en classe de CP à l’école annexe d’Ajaccio, là même où elle vient d’être nommée directrice et où elle souhaite terminer sa carrière d’enseignante.
Après l’école annexe jusqu’en CP, c’est à Cauro où la famille déménage, puis au collège de Porticcio qu’elle a poursuivi son cursus. « Mes plus belles années scolaires, ajoute l’intéressée, l’adolescence et son côté insouciant, une formidable ambiance et surtout madame Dominique Foata, une enseignante en corse que j’ai retrouvée plus tard à l’IUFM. Elle a su me transmettre sa passion pour la langue mais aussi la culture. »
Licence de corse et l’IUFM
Après le lycée Fesch, elle décroche un Bac L et continue le plus logiquement du monde ses études par une licence de... corse. Au passage, elle va croiser quelques grands noms de la langue parmi lesquels Ghjuvan Maria Comiti, Alanu Di Meglio, Francè Albertini, Tony Fogacci sans oublier les deux références, Ghjacumu Thiers et Ghjacumu Fusina. « J’étais l’une des rares sudistes, toute la Corse était représentée, l’ambiance était très familiale avec seulement quinze élèves par cours. Un vrai petit cocon et l’idéal pour bien travailler. »
Originaire de Frassettu par son père et de Lunghignanu (Balagna) par sa mère, Nathalie Lanfranchi a, il est vrai, plutôt opté pour le parler « pumuntincu ». Mais elle se présente comme la plus « militante » des cinq frères et sœurs. L’enseignement, quant à lui, est venu, plus par défaut. « Au départ, je voulais être journaliste bilingue et j’ai effectué un DESS communication mais cela n’a pas accroché pour ce qui est du journalisme. »
Qu’importe, la future enseignante passera le concours bilingue en 2005. Mais auparavant, elle fait partie de la toute première génération des intervenants en langue corse. Un statut qu’elle considère comme particulièrement ingrat. Ce qui apparemment n’a guère changé aujourd’hui. Après une année et demi de cette expérience délicate, elle réussit au concours et effectue ses premiers stages d’enseignante à Mezzavia et Muratellu. Titulaire, la jeune enseignante tournera une douzaine d’années entre Sartène, Porto-Vecchio, Propriano... Avant de poser ses valises dans la Cité Impériale il y a quatre ans avec les CM1 de l’école Simone Veil.
Cette année, elle obtient son premier poste de direction à l’école annexe. Là même où elle débuta son parcours scolaire. Une façon de boucler la boucle en espérant passer pourquoi pas le témoin, un jour prochain à ses enfants Diana (10 ans) et Letizia (7 ans)…
Nathalie Lanfranchi : « L’école est un moyen important de faire vivre les traditions et la langue »
C’est votre premier poste de directrice, qui plus est là où vous avez débuté votre cursus scolaire. Qu’est-ce que cela représente à vos yeux ?
C’est surtout une grande responsabilité. Il y a aussi, après seize années d’enseignement, ce désir d’aller un peu plus loin dans ma carrière. Une directrice d’école, c’est le chef d’établissement, elle doit mettre en place une certaine émulation au sein de l’équipe pédagogique et développer des projets. Nous devons également veiller au volet sécurité. Personnellement, c’est en quelque sorte, la suite logique de mon parcours.
Vous passez de l’élémentaire à la maternelle. Pourquoi ce choix ?
Quand j’ai débuté ma carrière, j’avais une classe de moyenne section. J’ai toujours aimé travailler avec les plus petits. Cela n’était pas évident d’avoir un poste de direction dans ce type d’école, qui plus est en centre-ville où le barème est assez élevé. En passant l’habilitation et en demandant une direction, j’avais une chance de plus d’être retenue.
L’école annexe ?
C’est une ancienne école d’application, on y formait les professeurs. Même si elle a changé de cap, cette structure a un passé. C’est une école assez familiale dans un quartier plutôt vivant. Nous avons deux classes bilingues et deux classes standard où nous effectuons des échanges de service.
Que représente la langue corse pour vous ?
C’est notre langue tout simplement. Elle devrait être obligatoire. Tout le monde doit parler corse mais nous avons de moins en moins de locuteurs. D’Où l’importance de l’apprentissage en milieu scolaire. Il est primordial de commencer avec des petits, ils s’imprègnent et apprennent très vite.
Le corse en milieu scolaire doit-il aller, selon vous, au-delà de l’enseignement ?
Nécessairement ! Le corse c’est aussi tout ce qui est culturel, une manière de concevoir et conceptualiser le monde, la transmission de traditions qui, elles aussi, sont menacées. L’école est un moyen important de faire vivre les traditions et la langue. Tout ce qui fait notre peuple.
L’éta t de santé de la langue corse ?
Je dirais qu’elle est malade mais que l’on peut la guérir. On a connu une période de flottement. Aujourd’hui, des moyens conséquents sont mis à disposition par l’Education Nationale ou les collectivités. La volonté est là, nous devons poursuivre dans cette voie et faire en sorte que notre langue perdure.
Le concept d’école immersive ?
C’est une excellente initiative. Nous avons un site immersif à l’école Andria Fazi des Salines, c’est un concept qu’il faudrait développer. Il fonctionne, du reste, très bien ailleurs notamment en Bretagne ou au Pays Basque. Deux régions qui obtiennent d’excellents résultats. Pourquoi pas s’en inspirer.
On dit que parler corse à l’école est réducteur et qu’il est primordial de sortir justement du contexte scolaire. Qu’en pensez-vous ?
Comment fait-on pour ceux qui ne parlent pas corse en dehors de l’enceinte scolaire ? Le corse ne se parlant plus à la maison, toute une génération n’a plus pratiqué et il y a eu une coupure. Sans l’école, cette rupture serait encore plus grande aujourd’hui. J’ai suivi, moi-même, des cours de corse du primaire jusqu’à l’université et je suis très contente d’avoir reçu cet enseignement. À moins d’avoir les deux parents qui parlent corse régulièrement à leurs enfants, ce qui est très rare de nos jours, la situation est difficile. Il faut que la langue puisse perdurer et c’est là tout le rôle de l’enseignement en milieu scolaire. En y ajoutant bien sûr, son développement progressif dans toutes les couches de la société.
Interview réalisée par Philippe Peraut
Impliquée depuis sa plus tendre enfance dans tout qui touche à la langue corse, Nathalie Lanfranchi incarne toute une génération qui cherche à en transmettre les valeurs et la fibre. Dans l’enseignement pour ce qui la concerne…
Nul n’est besoin de lui parler en corse pour comprendre l’intérêt que Nathalie Lanfranchi porte à sa langue natale. « C’est notre langue et le véhicule de notre peuple, glisse-t-elle en guise d’entrée en matière, il n’y a pas à se poser la question. »
Sa silhouette, qui n’est pas sans rappeler la célèbre « Colomba » de Mérimée plante, à elle seule, le décor. Les mots viennent ensuite. Plus qu’un attachement, le corse est une passion viscéralement ancrée dans ses gènes. Et son parcours serait, en quelque sorte, une boucle débutée en classe de CP à l’école annexe d’Ajaccio, là même où elle vient d’être nommée directrice et où elle souhaite terminer sa carrière d’enseignante.
Après l’école annexe jusqu’en CP, c’est à Cauro où la famille déménage, puis au collège de Porticcio qu’elle a poursuivi son cursus. « Mes plus belles années scolaires, ajoute l’intéressée, l’adolescence et son côté insouciant, une formidable ambiance et surtout madame Dominique Foata, une enseignante en corse que j’ai retrouvée plus tard à l’IUFM. Elle a su me transmettre sa passion pour la langue mais aussi la culture. »
Licence de corse et l’IUFM
Après le lycée Fesch, elle décroche un Bac L et continue le plus logiquement du monde ses études par une licence de... corse. Au passage, elle va croiser quelques grands noms de la langue parmi lesquels Ghjuvan Maria Comiti, Alanu Di Meglio, Francè Albertini, Tony Fogacci sans oublier les deux références, Ghjacumu Thiers et Ghjacumu Fusina. « J’étais l’une des rares sudistes, toute la Corse était représentée, l’ambiance était très familiale avec seulement quinze élèves par cours. Un vrai petit cocon et l’idéal pour bien travailler. »
Originaire de Frassettu par son père et de Lunghignanu (Balagna) par sa mère, Nathalie Lanfranchi a, il est vrai, plutôt opté pour le parler « pumuntincu ». Mais elle se présente comme la plus « militante » des cinq frères et sœurs. L’enseignement, quant à lui, est venu, plus par défaut. « Au départ, je voulais être journaliste bilingue et j’ai effectué un DESS communication mais cela n’a pas accroché pour ce qui est du journalisme. »
Qu’importe, la future enseignante passera le concours bilingue en 2005. Mais auparavant, elle fait partie de la toute première génération des intervenants en langue corse. Un statut qu’elle considère comme particulièrement ingrat. Ce qui apparemment n’a guère changé aujourd’hui. Après une année et demi de cette expérience délicate, elle réussit au concours et effectue ses premiers stages d’enseignante à Mezzavia et Muratellu. Titulaire, la jeune enseignante tournera une douzaine d’années entre Sartène, Porto-Vecchio, Propriano... Avant de poser ses valises dans la Cité Impériale il y a quatre ans avec les CM1 de l’école Simone Veil.
Cette année, elle obtient son premier poste de direction à l’école annexe. Là même où elle débuta son parcours scolaire. Une façon de boucler la boucle en espérant passer pourquoi pas le témoin, un jour prochain à ses enfants Diana (10 ans) et Letizia (7 ans)…
Nathalie Lanfranchi : « L’école est un moyen important de faire vivre les traditions et la langue »
C’est votre premier poste de directrice, qui plus est là où vous avez débuté votre cursus scolaire. Qu’est-ce que cela représente à vos yeux ?
C’est surtout une grande responsabilité. Il y a aussi, après seize années d’enseignement, ce désir d’aller un peu plus loin dans ma carrière. Une directrice d’école, c’est le chef d’établissement, elle doit mettre en place une certaine émulation au sein de l’équipe pédagogique et développer des projets. Nous devons également veiller au volet sécurité. Personnellement, c’est en quelque sorte, la suite logique de mon parcours.
Vous passez de l’élémentaire à la maternelle. Pourquoi ce choix ?
Quand j’ai débuté ma carrière, j’avais une classe de moyenne section. J’ai toujours aimé travailler avec les plus petits. Cela n’était pas évident d’avoir un poste de direction dans ce type d’école, qui plus est en centre-ville où le barème est assez élevé. En passant l’habilitation et en demandant une direction, j’avais une chance de plus d’être retenue.
L’école annexe ?
C’est une ancienne école d’application, on y formait les professeurs. Même si elle a changé de cap, cette structure a un passé. C’est une école assez familiale dans un quartier plutôt vivant. Nous avons deux classes bilingues et deux classes standard où nous effectuons des échanges de service.
Que représente la langue corse pour vous ?
C’est notre langue tout simplement. Elle devrait être obligatoire. Tout le monde doit parler corse mais nous avons de moins en moins de locuteurs. D’Où l’importance de l’apprentissage en milieu scolaire. Il est primordial de commencer avec des petits, ils s’imprègnent et apprennent très vite.
Le corse en milieu scolaire doit-il aller, selon vous, au-delà de l’enseignement ?
Nécessairement ! Le corse c’est aussi tout ce qui est culturel, une manière de concevoir et conceptualiser le monde, la transmission de traditions qui, elles aussi, sont menacées. L’école est un moyen important de faire vivre les traditions et la langue. Tout ce qui fait notre peuple.
L’éta t de santé de la langue corse ?
Je dirais qu’elle est malade mais que l’on peut la guérir. On a connu une période de flottement. Aujourd’hui, des moyens conséquents sont mis à disposition par l’Education Nationale ou les collectivités. La volonté est là, nous devons poursuivre dans cette voie et faire en sorte que notre langue perdure.
Le concept d’école immersive ?
C’est une excellente initiative. Nous avons un site immersif à l’école Andria Fazi des Salines, c’est un concept qu’il faudrait développer. Il fonctionne, du reste, très bien ailleurs notamment en Bretagne ou au Pays Basque. Deux régions qui obtiennent d’excellents résultats. Pourquoi pas s’en inspirer.
On dit que parler corse à l’école est réducteur et qu’il est primordial de sortir justement du contexte scolaire. Qu’en pensez-vous ?
Comment fait-on pour ceux qui ne parlent pas corse en dehors de l’enceinte scolaire ? Le corse ne se parlant plus à la maison, toute une génération n’a plus pratiqué et il y a eu une coupure. Sans l’école, cette rupture serait encore plus grande aujourd’hui. J’ai suivi, moi-même, des cours de corse du primaire jusqu’à l’université et je suis très contente d’avoir reçu cet enseignement. À moins d’avoir les deux parents qui parlent corse régulièrement à leurs enfants, ce qui est très rare de nos jours, la situation est difficile. Il faut que la langue puisse perdurer et c’est là tout le rôle de l’enseignement en milieu scolaire. En y ajoutant bien sûr, son développement progressif dans toutes les couches de la société.
Interview réalisée par Philippe Peraut