Quand Zemmour se prend pour Napoléon ou la guerre si française des prénoms
Avant ce si paradoxal 1er avril 1803, les Français étaient libres de choisir le prénom pour leurs enfants.
Quand Zemmour se prend pour Napoléon ou la guerre si française des prénoms
Avant ce si paradoxal 1er avril 1803, les Français étaient libres de choisir le prénom pour leurs enfants. Généralement, ils optaient au moment du baptême pour le nom d’un personnage religieux. Mais à la Révolution, de plus en plus de citoyens décidèrent de donner le nom de grands révolutionnaires à leur progéniture. Une pratique que n’apprécia pas le consul Bonaparte bien décidé à remettre de l’ordre en France.
Une volonté de combattre l’athéisme révolutionnaire
La Révolution française avait mené une guerre impitoyable contre un certain catholicisme, celui qui refusait de reconnaître la République. De nombreux prêtres réfractaires avaient été guillotinés, des églises avaient été détruites. Malgré Thermidor et la fin de Robespierre, il resta toutefois dans certains secteurs de la population une volonté de perpétuer les valeurs radicales de la Révolution en donnant des prénoms de grands révolutionnaires à la progéniture. C’est pourquoi le premier Consul Napoléon Bonaparte, désormais consul à vie, décida de légiférer en la matière et fit voter la loi du 11 germinal an XI soit le 1er avril 1803. Ne furent plus autorisés que « les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne. » C’était l’État, et plus précisément les « officiers publics » qui s’arrogeaint le droit de refuser tel ou tel prénom. Napoléon entama ainsi une déconstruction de la culture révolutionnaire. Deux ans plus tard, le 22 fructidor an XIII soit le 9 septembre 1805 il fera abroger le calendrier institué le 5 octobre 1793. L’idée napoléonienne était de redonner à la France une identité catholique galliciste c’est-à-dire étroitement contrôlée par l’État intimement lié à l’Empereur.
Une loi aux contours plus vastes que ne le dit Zemmour
La loi de 1803 permettait l’usage de prénoms autres que ceux d’origine chrétienne. Germinal, par exemple, issu du calendrier républicain, connut un véritable succès au début du XIXe siècle. Le prénom Sadi fut donné par Lazare Carnot à son fils en hommage au poète persan du XIIIe siècle. C’est ce prénom que recevra son petit-fils, futur président de la République. Il y avait donc une volonté politique derrière la décision de Napoléon qui n’a pas été sans poser de vrais problèmes dans son application et notamment dans les provinces à forte personnalité. En Corse par exemple l’usage des prénoms écrits en italien perdura jusqu’à la IIIe république. La proximité entre langues latines permet ce « laxisme ». En revanche dans les provinces à langues celtes ou basques, l’administration est inflexible jusqu’à l’absurdité. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 novembre 1964, décida l’inexistence légale de quatre enfants dont les prénoms bretons avaient été refusés. De ce fait, ils se retrouvaient sans état civil et donc dépourvus de tout droit. La mère ne put toucher d’allocations familiales. Suite à une campagne locale, une première circulaire ministérielle du 12 novembre 1966 assouplit un peu les règles.
La guerre du tilde
C’est en 1993, sous l’impulsion d’élus locaux que la loi du 8 janvier consacra le principe de la liberté du choix des prénoms par les parents. Néanmoins, l’officier de l’état civil peut encore demander à ce que le prénom soit changé a posteriori, quand il lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant. Dans ce cas, c’est le juge aux affaires familiales qui prend la décision finale. Il restait toutefois à régler la question du tilde présent dans l’orthographe bretonne qui ressemble au ñ espagnol. Ça n’est qu’en octobre 2018 que la cour d’appel de Rennes autorisa l’orthographe bretonne du prénom « Fañch » et donc son attribution légale à un enfant. En première instance, le tribunal de Quimper l’avait refusé oubliant au passage que le tilde avait été utilisé en français jusqu’au XVIIIe siècle. « L’entêtement pour imposer le français comme langue unique est tel que la France a émis une réserve en ratifiant la Convention sur les droits de l’enfance [en 1990] », s’étonnait El Periódico de Catalunya indiquant que l’article 30 de la Convention, relatif aux droits culturels, religieux et linguistiques des minorités, n’avait pas lieu de s’appliquer dans l’Hexagone : « La France considère que, sur le territoire de la République, il n’existe pas de minorités, qu’elles soient culturelles ou linguistiques ». C’est dire que ce jacobinisme absurde et stupide, convaincu d’être le seul chemin pour la France, incarné entre autres personnes par Eric Zemmour, n’est pas près de mourir.
GXC
Avant ce si paradoxal 1er avril 1803, les Français étaient libres de choisir le prénom pour leurs enfants. Généralement, ils optaient au moment du baptême pour le nom d’un personnage religieux. Mais à la Révolution, de plus en plus de citoyens décidèrent de donner le nom de grands révolutionnaires à leur progéniture. Une pratique que n’apprécia pas le consul Bonaparte bien décidé à remettre de l’ordre en France.
Une volonté de combattre l’athéisme révolutionnaire
La Révolution française avait mené une guerre impitoyable contre un certain catholicisme, celui qui refusait de reconnaître la République. De nombreux prêtres réfractaires avaient été guillotinés, des églises avaient été détruites. Malgré Thermidor et la fin de Robespierre, il resta toutefois dans certains secteurs de la population une volonté de perpétuer les valeurs radicales de la Révolution en donnant des prénoms de grands révolutionnaires à la progéniture. C’est pourquoi le premier Consul Napoléon Bonaparte, désormais consul à vie, décida de légiférer en la matière et fit voter la loi du 11 germinal an XI soit le 1er avril 1803. Ne furent plus autorisés que « les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne. » C’était l’État, et plus précisément les « officiers publics » qui s’arrogeaint le droit de refuser tel ou tel prénom. Napoléon entama ainsi une déconstruction de la culture révolutionnaire. Deux ans plus tard, le 22 fructidor an XIII soit le 9 septembre 1805 il fera abroger le calendrier institué le 5 octobre 1793. L’idée napoléonienne était de redonner à la France une identité catholique galliciste c’est-à-dire étroitement contrôlée par l’État intimement lié à l’Empereur.
Une loi aux contours plus vastes que ne le dit Zemmour
La loi de 1803 permettait l’usage de prénoms autres que ceux d’origine chrétienne. Germinal, par exemple, issu du calendrier républicain, connut un véritable succès au début du XIXe siècle. Le prénom Sadi fut donné par Lazare Carnot à son fils en hommage au poète persan du XIIIe siècle. C’est ce prénom que recevra son petit-fils, futur président de la République. Il y avait donc une volonté politique derrière la décision de Napoléon qui n’a pas été sans poser de vrais problèmes dans son application et notamment dans les provinces à forte personnalité. En Corse par exemple l’usage des prénoms écrits en italien perdura jusqu’à la IIIe république. La proximité entre langues latines permet ce « laxisme ». En revanche dans les provinces à langues celtes ou basques, l’administration est inflexible jusqu’à l’absurdité. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 novembre 1964, décida l’inexistence légale de quatre enfants dont les prénoms bretons avaient été refusés. De ce fait, ils se retrouvaient sans état civil et donc dépourvus de tout droit. La mère ne put toucher d’allocations familiales. Suite à une campagne locale, une première circulaire ministérielle du 12 novembre 1966 assouplit un peu les règles.
La guerre du tilde
C’est en 1993, sous l’impulsion d’élus locaux que la loi du 8 janvier consacra le principe de la liberté du choix des prénoms par les parents. Néanmoins, l’officier de l’état civil peut encore demander à ce que le prénom soit changé a posteriori, quand il lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant. Dans ce cas, c’est le juge aux affaires familiales qui prend la décision finale. Il restait toutefois à régler la question du tilde présent dans l’orthographe bretonne qui ressemble au ñ espagnol. Ça n’est qu’en octobre 2018 que la cour d’appel de Rennes autorisa l’orthographe bretonne du prénom « Fañch » et donc son attribution légale à un enfant. En première instance, le tribunal de Quimper l’avait refusé oubliant au passage que le tilde avait été utilisé en français jusqu’au XVIIIe siècle. « L’entêtement pour imposer le français comme langue unique est tel que la France a émis une réserve en ratifiant la Convention sur les droits de l’enfance [en 1990] », s’étonnait El Periódico de Catalunya indiquant que l’article 30 de la Convention, relatif aux droits culturels, religieux et linguistiques des minorités, n’avait pas lieu de s’appliquer dans l’Hexagone : « La France considère que, sur le territoire de la République, il n’existe pas de minorités, qu’elles soient culturelles ou linguistiques ». C’est dire que ce jacobinisme absurde et stupide, convaincu d’être le seul chemin pour la France, incarné entre autres personnes par Eric Zemmour, n’est pas près de mourir.
GXC