Corse Matin dans la tourmente
L avenir du quotidien pourrait s'assombrir avec la mort de Bernard Tapie.
Corse-Matin dans la tourmente
L’avenir du quotidien pourrait s’assombrir avec la mort de Bernard Tapie. Xavier Niel, géant des Télécoms et fondateur de Free, semble en très bonne voie pour reprendre les rênes du journal. Seul problème : le titre, dont la distribution faiblit chaque année, pourrait avoir le même destin que son homologue antillais, « sauvé » l’an passé par l’entrepreneur, et disparu un temps des kiosques. Une restructuration générale devrait s’opérer.
Bref historique
Pour comprendre toutes les conséquences du décès de l’ancien patron de l’OM sur le devenir du journal corse, il convient tout d’abord de s’intéresser au groupe la Provence. Bernard Tapie en possédait 89 % jusqu’au 30 avril 2020, date à laquelle le tribunal de Bobigny a placé en liquidation judiciaire ses sociétés. Les 11 % restants appartiennent à Xavier Niel, qui a aussi un droit de préemption sur les autres parts et la capacité de refuser un nouvel entrant. Dans un article du Monde
daté du 4 octobre, on apprenait que ce dernier aurait garanti qu’il rachèterait toutes les parts le jour où Bernard Tapie disparaîtrait. Des procédures sont toujours en cours, et les héritiers pourraient, dans le cas d’une décision de justice favorable, décider de conserver leurs parts, intégralement ou non, mais cela semble peu probable. Les liens entre les deux hommes, tout comme l’intérêt de Xavier Niel laissent supposer à bon nombre d’observateurs que l’affaire était entendue bien en amont.
Corse-Presse future propriété exclusive du groupe la Provence
Le quotidien marseillais possède pour l’instant 51 % de Corse-Matin, qui n’est depuis le 1er décembre 2014 plus rattaché à Nice-Matin que par le nom. Les 49 % restants appartiennent au consortium CM Holding, qui a manifesté il y a déjà 4 mois la volonté de s’en défaire. Toujours d’après l’article du Monde, la chose serait en bonne voie : un conseil d’administration du groupe La Provence aurait entériné le principe du rachat de ces parts il y a 15 jours.
La stratégie de Xavier Niel
En 2019, lorsque Niel rachète 11 % de la Provence, tout le monde s’interroge : quel intérêt peut bien avoir le milliardaire, co-actionnaire du Monde, dans la cité phocéenne ? Ce n’est que plus tard que sa stratégie se dévoile peu à peu. En quelques mois, il rachète successivement Nice-Matin, France-Antilles
et Paris Turf. Son intérêt se porte dans le même temps sur la Marseillaise, journal communiste en liquidation, pour lequel il fait une offre conjointe avec La Provence, avant de finalement jeter l’éponge. Il investit aussi depuis de nombreuses années dans des médias web de différents horizons politiques, comme Mediapart, mais aussi ElectronLibre ou Causeur.
L’homme d’affaire tisse clairement sa toile dans le paysage médiatique où son influence grandit. Parallèlement, son objectif est aussi de redresser les finances de titres de presse à l’agonie, et durement impactés par la crise sanitaire. Pour cela, de nombreuses transformations devraient s’opérer, avec une réorientation franche vers le numérique. À la suite du rachat de Nice-Matin l’an dernier, un plan de départs « volontaires » a été proposé, et devrait concerner plus de 110 salariés, dont une trentaine de journalistes, sur les 850 emplois que compte le groupe. La crise sanitaire aurait par ailleurs laissé un trou de plusieurs millions d'euros dans le budget prévisionnel de l’entreprise de presse. Pour faire des économies, la création d'une nouvelle imprimerie dans le Var, commune avec La Provence, est envisagée. Ce centre, qui ouvrirait d’ici 2024, pourrait réaliser des éditions pour d'autres médias. Cette information a été confirmée depuis par la direction de Nice-Matin dans les colonnes de l’Express.
Corse-Matin dans le rouge
Le groupe Corse-Presse qui édite Corse-Matin compte actuellement près de 200 employés. Dans une lettre interne aux salariés datée de juin 2021 et consultée par l'AFP, l’intersyndicale du journal pointait un déficit de 4 millions d'euros net en 2020. En juillet, elle publiait dans ses colonnes un communiqué titrant « 200 emplois menacés ». On y apprenait que, malgré deux plans de départs « volontaires » réalisés en trois ans et ayant pour but de réduire la masse salariale, la situation financière du titre n’aurait cessé de se dégrader.
En termes de diffusion, selon l’ACPM (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias), le titre est passé de plus de 45 000 exemplaires payés en 2005, à 25 000 en 2020, dont 20 % en numérique, avec une perte sèche de 11% sur l’année en cours.
L’ombre de France-Antilles
L’arrivée de Xavier Niel aux manettes laisserait indéniablement pressentir de grandes transformations. À France-Antilles, le rachat du groupe, après liquidation, avait permis de sauver 126 emplois sur 235. La publication en avait été durement impactée. Stoppée nette en février 2020, elle avait pu reprendre en numérique au mois d’avril, avant que le quotidien soit de nouveau imprimé durant l’été. Le titre, qui comptait initialement trois versions papier (Martinique, Guadeloupe et Guyane), n’en compte désormais plus que deux. L’édition France-Guyane n’est plus disponible qu’en numérique.
Quid de l’impression en Corse ?
Nul doute que si des moyens colossaux semblent être mis en place pour créer une « super imprimerie » dans le Var, celle de Lucciana, qui produit notre PQR (presse quotidienne régionale), sera passée au crible. Plus d’une vingtaine d’emplois y sont directement liés. Une situation que semble suivre de très près Gilles Simeoni. D’après nos sources, le Président du Conseil exécutif se serait entretenu longuement, il y a quelques jours, avec Jean-Christophe Serfati, PDG de Corse-Presse et homme de confiance de Bernard Tapie. Leur échange aurait porté sur l’avenir du titre, mais surtout sur une « restructuration nécessaire ». Lors de ce rendez-vous, aurait été aussi évoqué le devenir de certains dirigeants de Corse-Matin dont celui de Roger Antech, Directeur de la rédaction du journal. Une intrusion du pouvoir politique dans la stratégie d'un journal à capital privé ? Si elle était avérée, ce ne serait sans doute pas une Première dans l’île. Qu’adviendra-t-il par ailleurs des emplois de Corse-Matin ? Un troisième plan de départs sera-t-il envisagé ? Suffira-t-il à redresser la barre ? La « restructuration » semble en tout cas, au vu de nos informations, inévitable.
L’avenir du quotidien pourrait s’assombrir avec la mort de Bernard Tapie. Xavier Niel, géant des Télécoms et fondateur de Free, semble en très bonne voie pour reprendre les rênes du journal. Seul problème : le titre, dont la distribution faiblit chaque année, pourrait avoir le même destin que son homologue antillais, « sauvé » l’an passé par l’entrepreneur, et disparu un temps des kiosques. Une restructuration générale devrait s’opérer.
Bref historique
Pour comprendre toutes les conséquences du décès de l’ancien patron de l’OM sur le devenir du journal corse, il convient tout d’abord de s’intéresser au groupe la Provence. Bernard Tapie en possédait 89 % jusqu’au 30 avril 2020, date à laquelle le tribunal de Bobigny a placé en liquidation judiciaire ses sociétés. Les 11 % restants appartiennent à Xavier Niel, qui a aussi un droit de préemption sur les autres parts et la capacité de refuser un nouvel entrant. Dans un article du Monde
daté du 4 octobre, on apprenait que ce dernier aurait garanti qu’il rachèterait toutes les parts le jour où Bernard Tapie disparaîtrait. Des procédures sont toujours en cours, et les héritiers pourraient, dans le cas d’une décision de justice favorable, décider de conserver leurs parts, intégralement ou non, mais cela semble peu probable. Les liens entre les deux hommes, tout comme l’intérêt de Xavier Niel laissent supposer à bon nombre d’observateurs que l’affaire était entendue bien en amont.
Corse-Presse future propriété exclusive du groupe la Provence
Le quotidien marseillais possède pour l’instant 51 % de Corse-Matin, qui n’est depuis le 1er décembre 2014 plus rattaché à Nice-Matin que par le nom. Les 49 % restants appartiennent au consortium CM Holding, qui a manifesté il y a déjà 4 mois la volonté de s’en défaire. Toujours d’après l’article du Monde, la chose serait en bonne voie : un conseil d’administration du groupe La Provence aurait entériné le principe du rachat de ces parts il y a 15 jours.
La stratégie de Xavier Niel
En 2019, lorsque Niel rachète 11 % de la Provence, tout le monde s’interroge : quel intérêt peut bien avoir le milliardaire, co-actionnaire du Monde, dans la cité phocéenne ? Ce n’est que plus tard que sa stratégie se dévoile peu à peu. En quelques mois, il rachète successivement Nice-Matin, France-Antilles
et Paris Turf. Son intérêt se porte dans le même temps sur la Marseillaise, journal communiste en liquidation, pour lequel il fait une offre conjointe avec La Provence, avant de finalement jeter l’éponge. Il investit aussi depuis de nombreuses années dans des médias web de différents horizons politiques, comme Mediapart, mais aussi ElectronLibre ou Causeur.
L’homme d’affaire tisse clairement sa toile dans le paysage médiatique où son influence grandit. Parallèlement, son objectif est aussi de redresser les finances de titres de presse à l’agonie, et durement impactés par la crise sanitaire. Pour cela, de nombreuses transformations devraient s’opérer, avec une réorientation franche vers le numérique. À la suite du rachat de Nice-Matin l’an dernier, un plan de départs « volontaires » a été proposé, et devrait concerner plus de 110 salariés, dont une trentaine de journalistes, sur les 850 emplois que compte le groupe. La crise sanitaire aurait par ailleurs laissé un trou de plusieurs millions d'euros dans le budget prévisionnel de l’entreprise de presse. Pour faire des économies, la création d'une nouvelle imprimerie dans le Var, commune avec La Provence, est envisagée. Ce centre, qui ouvrirait d’ici 2024, pourrait réaliser des éditions pour d'autres médias. Cette information a été confirmée depuis par la direction de Nice-Matin dans les colonnes de l’Express.
Corse-Matin dans le rouge
Le groupe Corse-Presse qui édite Corse-Matin compte actuellement près de 200 employés. Dans une lettre interne aux salariés datée de juin 2021 et consultée par l'AFP, l’intersyndicale du journal pointait un déficit de 4 millions d'euros net en 2020. En juillet, elle publiait dans ses colonnes un communiqué titrant « 200 emplois menacés ». On y apprenait que, malgré deux plans de départs « volontaires » réalisés en trois ans et ayant pour but de réduire la masse salariale, la situation financière du titre n’aurait cessé de se dégrader.
En termes de diffusion, selon l’ACPM (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias), le titre est passé de plus de 45 000 exemplaires payés en 2005, à 25 000 en 2020, dont 20 % en numérique, avec une perte sèche de 11% sur l’année en cours.
L’ombre de France-Antilles
L’arrivée de Xavier Niel aux manettes laisserait indéniablement pressentir de grandes transformations. À France-Antilles, le rachat du groupe, après liquidation, avait permis de sauver 126 emplois sur 235. La publication en avait été durement impactée. Stoppée nette en février 2020, elle avait pu reprendre en numérique au mois d’avril, avant que le quotidien soit de nouveau imprimé durant l’été. Le titre, qui comptait initialement trois versions papier (Martinique, Guadeloupe et Guyane), n’en compte désormais plus que deux. L’édition France-Guyane n’est plus disponible qu’en numérique.
Quid de l’impression en Corse ?
Nul doute que si des moyens colossaux semblent être mis en place pour créer une « super imprimerie » dans le Var, celle de Lucciana, qui produit notre PQR (presse quotidienne régionale), sera passée au crible. Plus d’une vingtaine d’emplois y sont directement liés. Une situation que semble suivre de très près Gilles Simeoni. D’après nos sources, le Président du Conseil exécutif se serait entretenu longuement, il y a quelques jours, avec Jean-Christophe Serfati, PDG de Corse-Presse et homme de confiance de Bernard Tapie. Leur échange aurait porté sur l’avenir du titre, mais surtout sur une « restructuration nécessaire ». Lors de ce rendez-vous, aurait été aussi évoqué le devenir de certains dirigeants de Corse-Matin dont celui de Roger Antech, Directeur de la rédaction du journal. Une intrusion du pouvoir politique dans la stratégie d'un journal à capital privé ? Si elle était avérée, ce ne serait sans doute pas une Première dans l’île. Qu’adviendra-t-il par ailleurs des emplois de Corse-Matin ? Un troisième plan de départs sera-t-il envisagé ? Suffira-t-il à redresser la barre ? La « restructuration » semble en tout cas, au vu de nos informations, inévitable.