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Bernard Tapie et la Corse : une idylle

Pierre Cangioni : << Bernard Tapie est un homme d'exception >>

Bernard Tapie et la Corse : une idylle



L’histoire sportive de Bernard Tapie est indéniablement liée à la Corse à travers deux événements majeurs, l’un dramatique (la catastrophe de Furiani) et l’autre plus festif (le 16e de finale de coupe de France GFCA-OM de janvier 1990). sans oublier les trois saisons passées à l’OM par Pascal Olmeta où l’intérim assuré à la présidence du club par Pierre Cangioni.


Qu’on l’aime ou non, Bernard Tapie ne sera jamais passé inaperçu dans toutes les activités où il a apposé sa griffe. Député, Ministre, Conseiller Général, homme d’affaires, c’est bien sûr, le monde du football et ses déferlantes médiatiques qui aura marqué le plus sa carrière, celle notamment qui couvre la période 1986-1993 de l’Olympique de Marseille marquée par quatre titres de champion de France, un doublé, deux finales de coupe de France, une finale de Coupe des Coupes, une demi-finale de Ligue des Champions tristement célèbre (1990 la main de Vata), une finale perdue aux tirs aux buts (1991 à Bari) et le sacre de Munich (1993, le tout premier d’un club français) avant le déclin lié à l’affaire VA-OM. Il contribuera, néanmoins, à écrire les plus belles pages du club phocéen en attirant les meilleurs joueurs de la planète football avec le transfert de Maradona qui échouera d’un rien…


GFCA-OM et le drame de Furiani

Tapie et la Corse, ce serait un peu à l’image du personnage. Soit tout blanc, soit tout noir mais pas de gris, cela ne lui correspondait pas. Quelques années avant le drame de Furiani, l’OM est battu par le Sporting en 32e de finale de la coupe de France (1988). Mais le match le plus festif reste ce GFCA-OM et ses stars de légende dans la Pignatta de Mezavia en janvier 1990. Quelques mois avant la demi-finale contre Benfica. « Un grand moment, se souvient Michel Mancini, directeur sportif du club ajaccien à l’époque, avant le match, il voulait retirer son équipe à la suite des bombes agricoles mais tout s’était bien passé. C’était un homme malin et intelligent, il avait su gagner notre confiance, nous avait tutoyés mais tenu sa promesse en laissant la recette au club...Je l’ai revu quelques années plus tard alors qu’il était en campagne à Ajaccio pour les Européennes. Il avait traversé la rue pour venir me saluer comme si nous étions des amis de longue date. C’était un grand monsieur. On lui a fait beaucoup de misères... »

Pascal Olmeta, ancien gardien, a évolué trois saisons sous l’OM de Tapie (1991-1993). « Je retiens surtout l’homme,
précise-t-il, avec qui je n’ai pas eu que des bons moments. Mais il a apporté beaucoup au football français et à nous autres joueurs. Personnellement, il m’a permis d’être champion d’Europe. C’était l’objectif avec Jean-Luc Lagardère au Matra, Bernard Tapie, lui, a réussi à me donner ce rêve de gamin. »

Plus tragique sera le drame de Furiani où, sur la pelouse, Bernard Tapie sera particulièrement actif tout au long de cette nuit noire du football corse. Adulé ou non, Bernard Tapie n’aura, finalement laissé personne indifférent dans l’île comme ailleurs. Pour preuve, les hommages se sont succédé sur les réseaux sociaux et lors de ses obsèques ou partisans et détracteurs étaient présents. Les supporters marseillais, eux, lui ont rendu un hommage poignant et vrai...

Pierre Cangioni : « Bernard Tapie est un homme d’exception »


Que peut-on retenir aujourd’hui de Bernard Tapie ?

Bernard Tapie a eu une vie qui n’a quasiment pas d’équivalence. Il a touché à tout avec une grande réussite. Il arrivait dans des milieux qu’il ne connaissait pas du tout, bousculait tout pour, in fine, briller dans tous ces domaines. Il a été chanteur au début de sa vie, dans les affaires, la politique, le sport (football mais aussi cyclisme puisqu’il a remporté le tour de France avec Bernard Hinault et Greg Lemond), le théâtre, le cinéma avec le même succès. C’était un hyper-actif qui, par ailleurs, n’avait pas les défauts que l’on attribue d’ordinaire aux gens qui font fortune. Sur la fin, il y a quatre ans de souffrance et pendant la maladie, il a eu le temps de penser à la vie et les dernières fois où il s’est exprimé, c’était une merveille de logique et de bon sens. C’était un homme d’exception.


Vous avez assuré un intérim à la présidence de l’OM. Quels étaient vos rapports avec Bernard Tapie ?

J’ai été contacté par des amis que nous avions en commun. Des amis de longue date en ce qui me concerne. Pour aller à Marseille, il faut connaître les Marseillais et ne pas avoir peur de tenir tête à Bernard car il avait toujours son mot à dire. Au début, tout allait bien et puis j’ai commencé à comprendre qu’on laissait penser que j’étais un homme de paille. Pourtant, j’avais neuf voix sur douze au conseil d’administration du club, ce que Bernard Tapie lui-même ne savait pas. Nos rapports se sont un peu tendus.


Bernard Tapie et le football ?

L’OM est le seul club qui a remporté la coupe d’Europe après l’avoir perdue de très peu deux ans auparavant. J’ai été aux deux finales. Munich était un moment fabuleux au goût amer puisque l’on savait déjà, en coulisses, que l’affaire VA-OM mijotait et risquait d’être grave. Tapie s’est trouvé au sommet avant de redescendre très rapidement. Mais il reste l’homme qui a marqué le football français.


Des pressions politiques avaient été évoquées concernant l’affaire VA-OM. Qu’en pensez-vous ?

L’affaire de Valenciennes est absolument invraisemblable. Il peut arriver, lors de certains matchs, de demander à une équipe de « lever le pied » pour ne pas avoir de blessés. Là, il a fallu que des gens s’en mêlent et qu’ils aillent payer des joueurs, cela a coûté très cher à Bernard Tapie. Je ne crois pas, pour autant, à une pression politique. Quand je lui ai succédé, je rencontrais souvent Robert Vigouroux le maire de Marseille. D’autres candidats tels que Jean-Claude Gaudin m’avaient assuré que si la Ville reprenait l’OM, ils rebâtiraient le club avec moi, il n’ont pas tenu parole, ils ne faisaient pas la guerre sur le terrain politique. Noël Le Graët se vantait d’avoir chassé Tapie mais il l’appelait quatre fois par jour. Il y a la vitrine où l’on fait semblant de se disputer et la réalité.


Bernard Tapie et la Corse ?

Il y a bien sûr le drame de Furiani. Il m’avait raconté lui-même avoir offert le stade Vélodrome et la recette aux Bastiais s’ils acceptaient de jouer à Marseille, il sentait sans doute qu’à Furiani, la pression serait trop forte pour le stade. Sur le terrain, il a été admirable, je le vois encore courir de tous les côté, prendre des décisions…

Philippe Peraut
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