Monseigneur Olivier de Germay, Evêque du diocèse d’Ajaccio
« Cette crise nous révèle que sans Dieu, nous ne sommes rien »
Le monde est à l’arrêt depuis le début de l’année. Avec la politique, l’économie ou le sport, la religion est, elle aussi touchée par l’interdiction des rassemblements. Pour la première fois, la Semaine Sainte, point essentiel sur lequel repose la liturgie chrétienne, est frappée par ces mesures d’interdiction liées à la pandémie du coronavirus. À cette occasion, Monseigneur Olivier de Germay, Evêque du diocèse d’Ajaccio analyse, d’un point de vue spirituel, cette nouvelle donne. Il livre également, en tant qu’homme de Foi, son analyse sur les dérives de la société actuelle…
Point fort de la liturgie, la Semaine Sainte est fortement perturbée cette année. Quelle organisation, l’Eglise de Corse a-telle prévue?
Les célébrations publiques étant interdites, il a fallu s’organiser. Plusieurs offices sont retransmis en vidéo sur le site du diocèse ou sur les réseaux sociaux. Il y a également de nombreuses initiatives qui sont prises pour rester en communion spirituelle les uns avec les autres. Par ailleurs, de nombreux « outils » sont proposés pour prier ou lire la Parole de Dieu à la maison. On voit des personnes qui (re)découvrent la prière en famille ; c’est une belle grâce.
Malgré tous ces efforts, il n’y aura ni procession, ni même le Catenaccio, comment permettreaux fidèles du monde rural de rester présents lors de cette célébration ?
La suppression de ces manifestations publiques est difficile pour les catholiques de Corse. Nous partageons le même sort que les autres, je pense en particulier aux professionnels du spectacle ou à tous ceux dont l’activité professionnelle implique des rassemblements. Nous sommes attentifs aux fidèles qui sont les plus isolés, en particulier les personnes âgées qui vivent seules et parfois sans connexion. De nouvelles formes de solidarités et de liens apparaissent.
Pâques, période de la Résurrection, sans fidèle ne perd elle pas tout son sens religieux ?
Pâques n’est pas d’abord un rassemblement liturgique. C’est la mémoire d’un événement qui a changé l’histoire de l’humanité. En réalité, la vie chrétienne est un équilibre entre une démarche personnelle et une démarche collective. Aujourd’hui la dimension collective se vit différemment, mais ce peut être l’occasion d’approfondir la dimension personnelle. En effet, la participation à des célébrations est essentielle, mais si elle n’est pas accompagnée d’une prière personnelle, elle porte peu de fruits spirituels. Quand on ne peut se rassembler pour célébrer (cela est parfois le cas pour des Chrétiens persécutés ou emprisonnés), on peut faire une expérience incomplète mais réelle de la résurrection car elle est aussi une expérience de libération intérieure.
« J’espère que cette crise sera l’occasion de mettre en place un nouveau système où tout ne sera pas commandé par l’argent. »
Faut-il voir un signe dans l’épreuve que traverse l’humanité ?
Dieu ne s’amuse pas à nous envoyer un virus pour nous éprouver. En revanche, il peut utiliser cette épreuve pour nous ouvrir les yeux et nous fortifier dans la foi. Saint Paul écrit que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ». Si nous vivons cette épreuve dans la confiance, Dieu pourra faire surgir un bien de ce mal. Notre conviction, c’est que Dieu est avec nous dans nos épreuves. Il ne nous abandonne jamais, et quelle que soit la tempête, avec lui nous n’avons rien à craindre.
Finalement, cette période de confinement n’est-elle pas propice à une forme d’introspection et à retrouver l’essentiel de la vie?
Ce temps de confinement sera certainement l’occasion de prendre du recul, de s’interroger sur le sens de la vie, et effectivement de revenir à l’essentiel. Nous vivons dans un monde qui va trop vite. Bien souvent, nous courrons sans savoir où nous allons. Il faut profiter de ce temps pour faire silence, intérioriser, laisser monter à la surface nos désirs profonds, réfléchir au sens de notre vie, à ce vers quoi nous voulons tendre. Sans intériorité, nous nous laissons ballotés par les publicistes et autres fabricants d’opinons. En développant notre intériorité, nous grandissons en liberté.
Certains n’hésitent pas à comparer cette période de surconsommation et de mondialisation avec le mythe du veau d’or de l’ancien testament. L’homme moderne s’est-il écarté de la voie spirituelle?
Notre société ressemble un peu à une grande machine qui s’est emballée ; une machine à produire, à consommer, à jeter et finalement à polluer. J’espère que cette crise sera l’occasion de mettre en place un nouveau système où tout ne sera pas commandé par l’argent. Cela demandera des décisions courageuses, des ruptures, des purifications aussi, mais pour accéder à un mode de vie plus sobre, plus en harmonie avec la nature, et où les relations humaines sont au centre.
Au niveau des religions, cette période n’est-elle pas, elle aussi, propice à un rassemblement et un renouveau spirituel ?
Il existe déjà depuis quelques dizaines d’années une attirance pour le « spirituel », mais cette quête est parfois faussée par le relativisme. Pour trouver Dieu, il ne suffit pas d’être attiré par le « spirituel », il faut aussi chercher la Vérité. Sinon, on prend le risque de se fabriquer un Dieu à son image, un Dieu tel qu’on se l’imagine. Le veau d’or que vous évoquiez tout à l’heure ne désigne pas que les biens matériels ; il désigne aussi un Dieu fabriqué par l’homme, y compris par son imagination. Il y a cependant déjà des signes encourageants ; une épreuve comme celle que nous traversons rend plus humble. Et l’humilité est le chemin qui conduit à la Vérité.
Quel message, l’Eglise, et plus particulièrement l’Eglise de Corse peut adresser à ses fidèles ?
Spontanément, je pense à la phrase de Jésus : « tournez-vous vers Dieu et vous serez sauvés ». Cette crise fait fonction de révélateur. Elle révèle bien des bassesses humaines, mais aussi de beaux élans de solidarité. Elle révèle également que, malgré les prouesses de la science, nous ne sommes pas tout-puissants. La pandémie révèle notre fragilité, notre finitude et notre interdépendance. Elle peut être l’occasion de reconnaitre que nous sommes dans la même barque, et favoriser une plus grande solidarité. Regardez ce qui se passe autour des personnels soignants ; c’est plein d’espérance ! Cette crise nous révèle aussi que sans Dieu, nous ne sommes rien. Elle peut nous inciter à nous tourner vraiment vers Dieu. Prenons au sérieux l’appel de l’Evangile ; remettons Dieu au centre de nos vies pour nous aimer les uns les autres.
Les cérémonies religieuses reprendront un cours normal au terme du confinement. Envisagez-vous de reprendre certaines célébrations telles que la Madonnuccia ?
Certaines célébrations, comme Pâques, ne peuvent être différées. D’autres peuvent l’être commeeffectivement la Madonnuccia à Ajaccio. A Bastia, la fête de Saint Joseph a été reportée au 1 er mai. C’est le cas aussi bien sûr de célébrations de mariage.
Point fort de la liturgie, la Semaine Sainte est fortement perturbée cette année. Quelle organisation, l’Eglise de Corse a-telle prévue?
Les célébrations publiques étant interdites, il a fallu s’organiser. Plusieurs offices sont retransmis en vidéo sur le site du diocèse ou sur les réseaux sociaux. Il y a également de nombreuses initiatives qui sont prises pour rester en communion spirituelle les uns avec les autres. Par ailleurs, de nombreux « outils » sont proposés pour prier ou lire la Parole de Dieu à la maison. On voit des personnes qui (re)découvrent la prière en famille ; c’est une belle grâce.
Malgré tous ces efforts, il n’y aura ni procession, ni même le Catenaccio, comment permettreaux fidèles du monde rural de rester présents lors de cette célébration ?
La suppression de ces manifestations publiques est difficile pour les catholiques de Corse. Nous partageons le même sort que les autres, je pense en particulier aux professionnels du spectacle ou à tous ceux dont l’activité professionnelle implique des rassemblements. Nous sommes attentifs aux fidèles qui sont les plus isolés, en particulier les personnes âgées qui vivent seules et parfois sans connexion. De nouvelles formes de solidarités et de liens apparaissent.
Pâques, période de la Résurrection, sans fidèle ne perd elle pas tout son sens religieux ?
Pâques n’est pas d’abord un rassemblement liturgique. C’est la mémoire d’un événement qui a changé l’histoire de l’humanité. En réalité, la vie chrétienne est un équilibre entre une démarche personnelle et une démarche collective. Aujourd’hui la dimension collective se vit différemment, mais ce peut être l’occasion d’approfondir la dimension personnelle. En effet, la participation à des célébrations est essentielle, mais si elle n’est pas accompagnée d’une prière personnelle, elle porte peu de fruits spirituels. Quand on ne peut se rassembler pour célébrer (cela est parfois le cas pour des Chrétiens persécutés ou emprisonnés), on peut faire une expérience incomplète mais réelle de la résurrection car elle est aussi une expérience de libération intérieure.
« J’espère que cette crise sera l’occasion de mettre en place un nouveau système où tout ne sera pas commandé par l’argent. »
Faut-il voir un signe dans l’épreuve que traverse l’humanité ?
Dieu ne s’amuse pas à nous envoyer un virus pour nous éprouver. En revanche, il peut utiliser cette épreuve pour nous ouvrir les yeux et nous fortifier dans la foi. Saint Paul écrit que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ». Si nous vivons cette épreuve dans la confiance, Dieu pourra faire surgir un bien de ce mal. Notre conviction, c’est que Dieu est avec nous dans nos épreuves. Il ne nous abandonne jamais, et quelle que soit la tempête, avec lui nous n’avons rien à craindre.
Finalement, cette période de confinement n’est-elle pas propice à une forme d’introspection et à retrouver l’essentiel de la vie?
Ce temps de confinement sera certainement l’occasion de prendre du recul, de s’interroger sur le sens de la vie, et effectivement de revenir à l’essentiel. Nous vivons dans un monde qui va trop vite. Bien souvent, nous courrons sans savoir où nous allons. Il faut profiter de ce temps pour faire silence, intérioriser, laisser monter à la surface nos désirs profonds, réfléchir au sens de notre vie, à ce vers quoi nous voulons tendre. Sans intériorité, nous nous laissons ballotés par les publicistes et autres fabricants d’opinons. En développant notre intériorité, nous grandissons en liberté.
Certains n’hésitent pas à comparer cette période de surconsommation et de mondialisation avec le mythe du veau d’or de l’ancien testament. L’homme moderne s’est-il écarté de la voie spirituelle?
Notre société ressemble un peu à une grande machine qui s’est emballée ; une machine à produire, à consommer, à jeter et finalement à polluer. J’espère que cette crise sera l’occasion de mettre en place un nouveau système où tout ne sera pas commandé par l’argent. Cela demandera des décisions courageuses, des ruptures, des purifications aussi, mais pour accéder à un mode de vie plus sobre, plus en harmonie avec la nature, et où les relations humaines sont au centre.
Au niveau des religions, cette période n’est-elle pas, elle aussi, propice à un rassemblement et un renouveau spirituel ?
Il existe déjà depuis quelques dizaines d’années une attirance pour le « spirituel », mais cette quête est parfois faussée par le relativisme. Pour trouver Dieu, il ne suffit pas d’être attiré par le « spirituel », il faut aussi chercher la Vérité. Sinon, on prend le risque de se fabriquer un Dieu à son image, un Dieu tel qu’on se l’imagine. Le veau d’or que vous évoquiez tout à l’heure ne désigne pas que les biens matériels ; il désigne aussi un Dieu fabriqué par l’homme, y compris par son imagination. Il y a cependant déjà des signes encourageants ; une épreuve comme celle que nous traversons rend plus humble. Et l’humilité est le chemin qui conduit à la Vérité.
Quel message, l’Eglise, et plus particulièrement l’Eglise de Corse peut adresser à ses fidèles ?
Spontanément, je pense à la phrase de Jésus : « tournez-vous vers Dieu et vous serez sauvés ». Cette crise fait fonction de révélateur. Elle révèle bien des bassesses humaines, mais aussi de beaux élans de solidarité. Elle révèle également que, malgré les prouesses de la science, nous ne sommes pas tout-puissants. La pandémie révèle notre fragilité, notre finitude et notre interdépendance. Elle peut être l’occasion de reconnaitre que nous sommes dans la même barque, et favoriser une plus grande solidarité. Regardez ce qui se passe autour des personnels soignants ; c’est plein d’espérance ! Cette crise nous révèle aussi que sans Dieu, nous ne sommes rien. Elle peut nous inciter à nous tourner vraiment vers Dieu. Prenons au sérieux l’appel de l’Evangile ; remettons Dieu au centre de nos vies pour nous aimer les uns les autres.
Les cérémonies religieuses reprendront un cours normal au terme du confinement. Envisagez-vous de reprendre certaines célébrations telles que la Madonnuccia ?
Certaines célébrations, comme Pâques, ne peuvent être différées. D’autres peuvent l’être commeeffectivement la Madonnuccia à Ajaccio. A Bastia, la fête de Saint Joseph a été reportée au 1 er mai. C’est le cas aussi bien sûr de célébrations de mariage.