Guadeloupe, Martinique : Antillais dans la rue, Etat à la rue
Il semble qu'ayant jugé que la crise de ces derniers jours avait pour fondement réel des problèmes économiques et sociaux....
Guadeloupe, Martinique : Antillais dans la rue, Etat à la rue
Il semble qu’ayant jugé que la crise de ces derniers jours avait pour fondement réel des problèmes économiques et sociaux et qu’il était incapable d’apporter des solutions, le pouvoir macronien veuille instiller la peur d’une moindre présence de l’État et d’une remise en cause des politiques d’assistanat.
La Guadeloupe a été le théâtre de plusieurs nuits de violences commises par quelques centaines d’émeutiers. La répression a très vite suivi : recours à des gendarmes en provenance de l’Hexagone, au GIGN et au RAID, interpellations, condamnations à des peines de prison ferme… Un refus de l’obligation vaccinale par les personnels hospitaliers et les pompiers ainsi que la colère suscitée par la suspension de plusieurs soignants ont provoqué l’embrasement. En effet, c’est après qu’un collectif d’organisations syndicales et citoyennes ait, le 15 novembre dernier, appelé à une « grève générale » pour s’opposer à l’obligation vaccinale et aux sanctions, que des barrages routiers ont été mis en place et qu’ont débuté les destructions de biens publics et privés, les pillages et les affrontements avec les forces de l’ordre.
Le gouvernement, le représentants local de l’État et le Président de la République ont d’abord mis en avant une volonté de fermeté. Le porte-parole du gouvernement a affirmé que l’Etat ferait preuve de fermeté et dénoncé « la petite minorité qui essaye d’instrumentaliser cette situation ». Le préfet de la Guadeloupe à déploré « l’organisation de manifestations non déclarées dont le but est de perturber l’ordre public ».Emmanuel Macron a demandé qu’il ne soit pas cédé « au mensonge et à la manipulation ».
Mais, quelques jours plus tard, il a pu être constaté une nette évolution : la gestion de la crise par le pouvoir macronien est passée d’une séquence dénoncer et réprimer à une séquence dialoguer et lâcher du lest. Le Premier ministre a organisé une visioconférence avec les représentants syndicaux et les élus guadeloupéens. Le ministre des Outre-mer a réuni les maires de la Guadeloupe en visioconférence. L’instauration de l’obligation vaccinale des soignants concernant les Antilles a été repoussée au 31 décembre et il a été annoncé la mise en place d’un accompagnement individuel pour les soignants refusant la vaccination.
Enfin, lors d’une allocution télévisée destinée à la population guadeloupéenne, il a été fait une annonce que personne n’attendait.
Une question « hors sujet »
Le 26 novembre dernier, disant avoir perçu « en creux » que certains élus guadeloupéens souhaitaient « plus de liberté de décision par les décideurs locaux », le ministre des Outre-mer a déclaré que le gouvernement était disposé à mettre sur la table la question de l'autonomie et expliqué : « Il n'y a pas de mauvais débats du moment que ces débats servent à résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens ». Cette annonce a très vite donné lieu à de nombreuses réactions.
A droite, à gauche ainsi qu’à la Guadeloupe, elles ont toutes été défavorables ou empreintes de défiance. Marine Le Pen y a vu une tentative « d’acheter les indépendantistes radicaux ». Xavier Bertrand a dénoncé une « fuite en avant » et « une forme de démembrement de l'unité nationale ». Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) a affirmé qu’il était prioritaire de résoudre « l’urgence sociale et sanitaire ». Victorin Lurel, sénateur Parti Socialiste de Guadeloupe et ancien ministre des Outre-Mer, a souligné que l'autonomie est « une demande des élus mais pas forcément de la population » et ne fait pas partie des revendications des syndicats. Plusieurs autres élus guadeloupéens ont montré leur irritation d’être pris au dépourvu en communiquant que s’agissant des compétences de l’État, ils exigeaient « la venue en Guadeloupe d’une délégation interministérielle permettant d’apporter des réponses aux problèmes des Guadeloupéens, en lien avec les propositions des élus ».
La question de l’autonomie est « hors sujet » a de son côté répondu Elie Domota, emblématique figure du syndicalisme guadeloupéen et porte-parole du collectif syndical. En revanche, ce qui n’était sans doute pas un effet recherché, la déclaration du ministre des Outre-mer n’a pas déplu aux nationalistes de chez nous. Ils y ont vu une occasion de relancer la revendication d’un statut d’autonomie pour la Corse. Ils ont fait remarquer que le pouvoir macronien accordait plus d’attention à quelques centaines d’émeutiers ne demandant aucune évolution institutionnelle, qu’à 70 % de votants ayant accordé leur confiance à des candidats ouvertement autonomistes ou indépendantistes.
Grâce girondine ?
Il est compréhensible que le pouvoir macronien ait ouvert le dialogue et repoussé au 31 décembre l’application de l’obligation vaccinale concernant les soignants. Des appels à la grève générale et la violence ayant gagné la Martinique et un mouvement de grève se dessinant en Polynésie, il était indispensable de consentir des gestesd’apaisement pour contenir la fronde montante et préserver des activités économiques reposant essentiellement sur la fréquentation touristique.
Par ailleurs, à quelques mois des élections présidentielles, privilégier l’intransigeance et la répression aurait dangereusement accentué l’image d’un Emmanuel Macron autoritaire, peu soucieux d’être à l’écoute du peuple et incapable de maintenir ou rétablir la confiance dans l’action de l’État. Le pouvoir macronien peut d’ailleurs d’autant moins jouer les cartes de l’intransigeance et de la répression qu’un conflit violent pourrait, dans les jours qui viennent, éclater en Nouvelle-Calédonie du fait du maintien du referendum d’autodétermination en dépit de l’appel des indépendantistes à le boycotter.
Mais pourquoi, sans la moindre préparation et la plus élémentaire pédagogie, le ministre des Outre-mer a-t-il été jusqu’à évoquer, la perspective d’une autonomie de la Guadeloupe alors que personne ne la revendiquait ? Le pouvoir macronien a-t-il été touché par la grâce girondine ? Rien n’est moins sûr. Il semble plutôt qu’ayant jugé que la crise de ces derniers jours avait pour fondement réel des problèmes économiques et sociauxaussi anciens que structurels et qu’il était incapable d’apporter des solutions, il veuille inciter les plus défavorisés des Guadeloupéens, et aussi des Martiniquais, à la passivité et à la résignation en instillant la peur d’une moindre présence de l’État et d’une remise en cause des politiques d’assistanat. Xavier Bertrand n’a sans doute pas eu tort de dénoncer une « fuite en avant ».
La Guadeloupe et la Martinique sont dans la rue et y seront peut-être encore quelque temps. Au vu de l’improvisation de ces derniers jours, le pouvoir macronien et probablement aussi l’État si Emmanuel Macron est réélu, sont à la rue et ne sont à la veille de trouver le bon chemin.
Pierre Corsi
Il semble qu’ayant jugé que la crise de ces derniers jours avait pour fondement réel des problèmes économiques et sociaux et qu’il était incapable d’apporter des solutions, le pouvoir macronien veuille instiller la peur d’une moindre présence de l’État et d’une remise en cause des politiques d’assistanat.
La Guadeloupe a été le théâtre de plusieurs nuits de violences commises par quelques centaines d’émeutiers. La répression a très vite suivi : recours à des gendarmes en provenance de l’Hexagone, au GIGN et au RAID, interpellations, condamnations à des peines de prison ferme… Un refus de l’obligation vaccinale par les personnels hospitaliers et les pompiers ainsi que la colère suscitée par la suspension de plusieurs soignants ont provoqué l’embrasement. En effet, c’est après qu’un collectif d’organisations syndicales et citoyennes ait, le 15 novembre dernier, appelé à une « grève générale » pour s’opposer à l’obligation vaccinale et aux sanctions, que des barrages routiers ont été mis en place et qu’ont débuté les destructions de biens publics et privés, les pillages et les affrontements avec les forces de l’ordre.
Le gouvernement, le représentants local de l’État et le Président de la République ont d’abord mis en avant une volonté de fermeté. Le porte-parole du gouvernement a affirmé que l’Etat ferait preuve de fermeté et dénoncé « la petite minorité qui essaye d’instrumentaliser cette situation ». Le préfet de la Guadeloupe à déploré « l’organisation de manifestations non déclarées dont le but est de perturber l’ordre public ».Emmanuel Macron a demandé qu’il ne soit pas cédé « au mensonge et à la manipulation ».
Mais, quelques jours plus tard, il a pu être constaté une nette évolution : la gestion de la crise par le pouvoir macronien est passée d’une séquence dénoncer et réprimer à une séquence dialoguer et lâcher du lest. Le Premier ministre a organisé une visioconférence avec les représentants syndicaux et les élus guadeloupéens. Le ministre des Outre-mer a réuni les maires de la Guadeloupe en visioconférence. L’instauration de l’obligation vaccinale des soignants concernant les Antilles a été repoussée au 31 décembre et il a été annoncé la mise en place d’un accompagnement individuel pour les soignants refusant la vaccination.
Enfin, lors d’une allocution télévisée destinée à la population guadeloupéenne, il a été fait une annonce que personne n’attendait.
Une question « hors sujet »
Le 26 novembre dernier, disant avoir perçu « en creux » que certains élus guadeloupéens souhaitaient « plus de liberté de décision par les décideurs locaux », le ministre des Outre-mer a déclaré que le gouvernement était disposé à mettre sur la table la question de l'autonomie et expliqué : « Il n'y a pas de mauvais débats du moment que ces débats servent à résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens ». Cette annonce a très vite donné lieu à de nombreuses réactions.
A droite, à gauche ainsi qu’à la Guadeloupe, elles ont toutes été défavorables ou empreintes de défiance. Marine Le Pen y a vu une tentative « d’acheter les indépendantistes radicaux ». Xavier Bertrand a dénoncé une « fuite en avant » et « une forme de démembrement de l'unité nationale ». Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) a affirmé qu’il était prioritaire de résoudre « l’urgence sociale et sanitaire ». Victorin Lurel, sénateur Parti Socialiste de Guadeloupe et ancien ministre des Outre-Mer, a souligné que l'autonomie est « une demande des élus mais pas forcément de la population » et ne fait pas partie des revendications des syndicats. Plusieurs autres élus guadeloupéens ont montré leur irritation d’être pris au dépourvu en communiquant que s’agissant des compétences de l’État, ils exigeaient « la venue en Guadeloupe d’une délégation interministérielle permettant d’apporter des réponses aux problèmes des Guadeloupéens, en lien avec les propositions des élus ».
La question de l’autonomie est « hors sujet » a de son côté répondu Elie Domota, emblématique figure du syndicalisme guadeloupéen et porte-parole du collectif syndical. En revanche, ce qui n’était sans doute pas un effet recherché, la déclaration du ministre des Outre-mer n’a pas déplu aux nationalistes de chez nous. Ils y ont vu une occasion de relancer la revendication d’un statut d’autonomie pour la Corse. Ils ont fait remarquer que le pouvoir macronien accordait plus d’attention à quelques centaines d’émeutiers ne demandant aucune évolution institutionnelle, qu’à 70 % de votants ayant accordé leur confiance à des candidats ouvertement autonomistes ou indépendantistes.
Grâce girondine ?
Il est compréhensible que le pouvoir macronien ait ouvert le dialogue et repoussé au 31 décembre l’application de l’obligation vaccinale concernant les soignants. Des appels à la grève générale et la violence ayant gagné la Martinique et un mouvement de grève se dessinant en Polynésie, il était indispensable de consentir des gestesd’apaisement pour contenir la fronde montante et préserver des activités économiques reposant essentiellement sur la fréquentation touristique.
Par ailleurs, à quelques mois des élections présidentielles, privilégier l’intransigeance et la répression aurait dangereusement accentué l’image d’un Emmanuel Macron autoritaire, peu soucieux d’être à l’écoute du peuple et incapable de maintenir ou rétablir la confiance dans l’action de l’État. Le pouvoir macronien peut d’ailleurs d’autant moins jouer les cartes de l’intransigeance et de la répression qu’un conflit violent pourrait, dans les jours qui viennent, éclater en Nouvelle-Calédonie du fait du maintien du referendum d’autodétermination en dépit de l’appel des indépendantistes à le boycotter.
Mais pourquoi, sans la moindre préparation et la plus élémentaire pédagogie, le ministre des Outre-mer a-t-il été jusqu’à évoquer, la perspective d’une autonomie de la Guadeloupe alors que personne ne la revendiquait ? Le pouvoir macronien a-t-il été touché par la grâce girondine ? Rien n’est moins sûr. Il semble plutôt qu’ayant jugé que la crise de ces derniers jours avait pour fondement réel des problèmes économiques et sociauxaussi anciens que structurels et qu’il était incapable d’apporter des solutions, il veuille inciter les plus défavorisés des Guadeloupéens, et aussi des Martiniquais, à la passivité et à la résignation en instillant la peur d’une moindre présence de l’État et d’une remise en cause des politiques d’assistanat. Xavier Bertrand n’a sans doute pas eu tort de dénoncer une « fuite en avant ».
La Guadeloupe et la Martinique sont dans la rue et y seront peut-être encore quelque temps. Au vu de l’improvisation de ces derniers jours, le pouvoir macronien et probablement aussi l’État si Emmanuel Macron est réélu, sont à la rue et ne sont à la veille de trouver le bon chemin.
Pierre Corsi