Après le Covid 19 : les décideurs devront revoir leur copie
Afin que la sortie de crise ne tourne pas à la remise en cause de leur légitimité ou au chaos, les décideurs politiques feraient bien d’anticiper les tendances fortes que révèlent le terrain et les enquêtes.
Après le reflux de l’épidémie et la fin du confinement, beaucoup s’accordent pour le dire ou l’écrire, tout ne redeviendra pas comme avant. Chez nous, la façon de voir les choses sera probablement autant impactée par notre vécu de la crise en tant qu’habitants d’un territoire à la fois insulaire, montagneux et sous-équipé et à travers notre rapport particulier avec Paris, que par notre appartenance à une société française et à un village global. Les couvertures hospitalières et sanitaires étant apparues insuffisantes et inadaptées et les chaînes de commandement ayant été affectées de tergiversations, de lourdeurs et de blocages, d’importants changements devront être opérés concernant les politiques publiques. Nous devrons changer de priorités et faire évoluer les mécanismes décisionnels. Après des semaines de blocage de la vie quotidienne individuelle et collective, après des semaines d’angoisse et de souffrances, après la perte d’être chers étant décédés sans l’accompagnement des leurs et ayant dû être inhumés ou incinérés quasiment dans la précipitation, il sera impératif que le secteur de la santé devienne au niveau budgétaire une priorité forte, et que davantage de pouvoir décisionnel soit reconnu à la Collectivité de Corse. Pour mieux comprendre ce caractère impératif, il suffit de se référer à quelques exemples. Il est inacceptable qu’un manque criant de moyens contraigne à l’éloignement de douze malades dès un début de crise. Il est inacceptable que les acteurs de la santé publique doivent, en cas de crise majeure, en appeler à la générosité de la pollution et à des solutions relevant du Système D. Il est inacceptable que le chef de l’exécutif d’une collectivité insulaire ne puisse disposer des moyens d’imposer le strict respect de mesures de prévention ou de précaution à des personnes en provenance de zones infectées ou à des opérateurs des transports maritime ou aérien. Il est inacceptable que la Collectivité de Corse étant confrontée à l’urgence du fait des défaillances de l’Etat soit : d’une part entravée dans son action de commande d’équipements (commande massive de masques par exemple) par la réglementation relative aux marchés public ; d’autre part contrainte de s’en remettre à l’Agence Régionale de Santé pour obtenir un nombre suffisant de tests de dépistage et de médicaments nécessaires à des protocoles de traitement expérimentaux ou massifs. Dès le début de la crise, le Conseil Exécutif avait d’ailleurs demandé, dans le cadre d’une proposition en dix points, que soient intégrées les spécificités de la situation de la Corse : prise en compte de la nature d’île-montagne de la Corse ; extension immédiate à la Corse entière des mesures préfectorales de prévention prises pour Ajaccio ; renforcement des contrôles dans les ports et aéroports ; davantage de moyens de dépistage ; renforcement du système de prise en charge sanitaire aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé : associer pleinement les représentants du secteur médical privé ; plan spécifique d’action à destination des 75 000 personnes âgées de l’île ; participation de la Collectivité de Corse au cofinancement des moyens de prévention ; plan de communication sur l’importance des gestes barrière ; anticipation des conséquences économiques et sociales de l’épidémie.
Six évolutions probables
Mais la Corse n’est pas isolée du reste du monde. Aussi, il y a fort à parier que ses habitants, outre développer une vision leur étant propre de ce que devra être l’avenir, feront leurs des évolutions des modes de vie individuels et collectifs qui se dessineront sans doute à l’échelle hexagonale (enquête annuelle du Groupe Ifop portant sur les tendances des valeurs et modes de vie). Et ils appartiendra aux décideurs et aux acteurs de la société corse de ne pas les ignorer ou les sous-estimer ! Six évolutions probables ont été pointées. Premièrement : le règne de la « e-life » va s’accélérer. Cela relève d’ailleurs presque de l’évidence si l’on considère que le confinement vulgarise et banalise le recours à la « e-life », et que la longueur et la pénibilité des déplacements du fait de la géographie et de l’état du réseau routier de l’île, inciteront à rester fidèle au télétravail, au e-contact, aux e-démarches administratives, au e-commerce, à la e-médecine, aux e-loisirs… L’aspiration à renouer des liens directs ne concernera essentiellement que l’envie de retrouver la famille et les amis. Deuxièmement : les individus se recentreront sur l’essentiel. Le confinement conduit à avoir le temps de s’interroger sur le sens de sa vie en se disant « Qu’est-ce qui compte vraiment pour moi ? » Il permet aussi d’être déconnecté des sollicitations directes de la société de la performance, de la consommation et du paraître, de consacrer du temps à soi-même, à ses proches et à son intérieur, de donner du contenu aux contact avec ceux que l’on aime (par exemple en usant du téléphone, des messageries et du tchat). Troisièmement : la rationalisation de la consommation se poursuivra. Depuis quelques années, outre chercher les meilleurs prix et prendre plus de temps pour passer à l’acte d’achat, l’individu a de plus en plus recours au marché de l’occasion. Si, après le confinement, l’individu aura probablement une énorme envie de consommer, les problèmes économiques et sociaux qui s’annoncent, inciteront très vite à revenir à l’acte d’achat raisonné. Quatrièmement : le retour au collectif va s’affirmer. L’importance du service public et des chaînes de solidarité durant la crise mais aussi les carences en équipements collectifs, remettent fortement en cause le libéralisme et l’individualisme. Cinquièmement : vouloir préserver sa santé va accentuer la progression de la conscience écologique. L’épidémie et ses conséquences vont renforcer la conviction partagée que « notre civilisation va bientôt disparaître » et conduire à être de plus en plus attentif à l’impact négatif sur la sécurité sanitaire de l’hyper circulation des hommes et des marchandises, et sur la santé des nuisances de l’activité économique et de la dégradation de l’environnement. Enfin, sixièmement : le rapport au travail poursuivra sa mutation. Le confinement va sans doute accentuer le sentiment que si pouvoir travailler est nécessaire à la construction de l’identité individuelle et sociale, cela ne doit pas nuire à une existence équilibrée et épanouie. La concrétisation de ce qui est écrit dans le présent article n’est pas inscrite dans le marbre de la certitude. Toutefois, afin que la sortie de crise ne tourne pas à la remise en cause de leur légitimité ;ou au chaos, les décideurs politiques feraient bien d’anticiper les tendances fortes que révèlent le terrain et les enquêtes.
Six évolutions probables
Mais la Corse n’est pas isolée du reste du monde. Aussi, il y a fort à parier que ses habitants, outre développer une vision leur étant propre de ce que devra être l’avenir, feront leurs des évolutions des modes de vie individuels et collectifs qui se dessineront sans doute à l’échelle hexagonale (enquête annuelle du Groupe Ifop portant sur les tendances des valeurs et modes de vie). Et ils appartiendra aux décideurs et aux acteurs de la société corse de ne pas les ignorer ou les sous-estimer ! Six évolutions probables ont été pointées. Premièrement : le règne de la « e-life » va s’accélérer. Cela relève d’ailleurs presque de l’évidence si l’on considère que le confinement vulgarise et banalise le recours à la « e-life », et que la longueur et la pénibilité des déplacements du fait de la géographie et de l’état du réseau routier de l’île, inciteront à rester fidèle au télétravail, au e-contact, aux e-démarches administratives, au e-commerce, à la e-médecine, aux e-loisirs… L’aspiration à renouer des liens directs ne concernera essentiellement que l’envie de retrouver la famille et les amis. Deuxièmement : les individus se recentreront sur l’essentiel. Le confinement conduit à avoir le temps de s’interroger sur le sens de sa vie en se disant « Qu’est-ce qui compte vraiment pour moi ? » Il permet aussi d’être déconnecté des sollicitations directes de la société de la performance, de la consommation et du paraître, de consacrer du temps à soi-même, à ses proches et à son intérieur, de donner du contenu aux contact avec ceux que l’on aime (par exemple en usant du téléphone, des messageries et du tchat). Troisièmement : la rationalisation de la consommation se poursuivra. Depuis quelques années, outre chercher les meilleurs prix et prendre plus de temps pour passer à l’acte d’achat, l’individu a de plus en plus recours au marché de l’occasion. Si, après le confinement, l’individu aura probablement une énorme envie de consommer, les problèmes économiques et sociaux qui s’annoncent, inciteront très vite à revenir à l’acte d’achat raisonné. Quatrièmement : le retour au collectif va s’affirmer. L’importance du service public et des chaînes de solidarité durant la crise mais aussi les carences en équipements collectifs, remettent fortement en cause le libéralisme et l’individualisme. Cinquièmement : vouloir préserver sa santé va accentuer la progression de la conscience écologique. L’épidémie et ses conséquences vont renforcer la conviction partagée que « notre civilisation va bientôt disparaître » et conduire à être de plus en plus attentif à l’impact négatif sur la sécurité sanitaire de l’hyper circulation des hommes et des marchandises, et sur la santé des nuisances de l’activité économique et de la dégradation de l’environnement. Enfin, sixièmement : le rapport au travail poursuivra sa mutation. Le confinement va sans doute accentuer le sentiment que si pouvoir travailler est nécessaire à la construction de l’identité individuelle et sociale, cela ne doit pas nuire à une existence équilibrée et épanouie. La concrétisation de ce qui est écrit dans le présent article n’est pas inscrite dans le marbre de la certitude. Toutefois, afin que la sortie de crise ne tourne pas à la remise en cause de leur légitimité ;ou au chaos, les décideurs politiques feraient bien d’anticiper les tendances fortes que révèlent le terrain et les enquêtes.