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Une planète emmurée

Les murs poussent de partout comme si de les ériger alait régler les problèmes de fonds qui sont l'injustice économique et la crise climatique

Une planète emmurée


Les murs poussent de partout comme si de les ériger allait régler les problèmes de fonds qui sont l’injustice économique et la crise climatique. La tendance contemporaine du monde occidental est à « l’emmurement du monde », pour reprendre l’expression de Damien Simonneau, chercheur au Collège de France et auteur de L’Obsession du mur.


Une ghettoïsation de la planète

Après une génération d’ouverture nous voilà passés à celle de l’enfermement. De six murs en 1989 — année de la destruction de celui de Berlin — nous voilà passés à 63 murs physiques dans le monde. Et ça n’est qu’un début. Près de 60 % de la population mondiale vit dans un pays ayant muré ses frontières, le plus souvent pour lutter contre le terrorisme, la contrebande ou l’immigration non autorisée. En Europe, la tendance est à la régression coercitive. Les accords Schengen stipulaient la libre circulation des personnes. Ce sont pourtant 1 000 kilomètres de murs qui ont été construits le long de ses frontières durant ces vingt dernières années, principalement pour lutter contre l’immigration illégale. Et qui n’était avant que des murs répressifs est désormais présenté comme un rempart de la civilisation occidentalo-chrétienne contre l’envahisseur musulman. C’est tout au moins ce qu’affirme Viktor Orbàn qui, lui, a monté son mur de 175 kilomètres entre la Hongrie et la Serbie pourtant chrétienne orthodoxe. Il a depuis fait des émules en Autriche, en Slovénie, en Bulgarie et en Macédoine, qui ont agi de même à leurs frontières. Il va donc falloir imaginer une nouvelle Europe fermée à elle-même, mais aussi au monde extérieur. Or ces murs ne réduisent pas les phénomènes migratoires, mais les amènent à se déplacer en les rendant plus dangereux pour les voyageurs sans que cela ne les décourage.


Un ensauvagement des états

L’autre conséquence des murs est un durcissement des mentalités des pays qui se cloîtrent. Les citoyens qui s’estiment menacés par « un grand remplacement » éprouvent de moins en moins d’empathie pour d’autres êtres humains qu’eux-mêmes. Ils deviennent indifférents aux malheurs de leurs voisins nationaux, mais aussi à leurs voisins proches de même nationalité puis aux membres de leurs propres familles. Deuxième conséquence, les migrants n’hésitent plus à risquer leur vie en jouant sur la masse comme cela s’est passé à Ceuta et à Melilla, les enclaves espagnoles situées au nord du Maroc. Enfin, l’érection de murs favorise parfois des comportements extrêmes des forces de l’ordre forçant le décalage conséquence : le passage clandestin de migrants devient une affaire de plus en plus lucrative pour les passeurs presque toujours émanations des mafias qui multiplient ainsi les profits.


Le témoignage des conflits toujours latents

Daniel Simonneau insiste avec pertinence que les premiers murs existent toujours et témoignent de l’incapacité des belligérants à trouver une solution pacifique à leurs différends. Il cite Chypre, Belfast ou encore le mur de Corée, celui du Sahara. Bref, les murs une fois qu’ils sont érigés non seulement ne règlent pas une question devenue un conflit, mais ils l’enferment dedans. Mieux, ils favorisent généralement la présence d’une grande puissance comme c’est le cas en Géorgie avec la présence désormais pérenne de la Russie. Le mur érigé en 2002 par Israël le long de « la ligne verte » en Cisjordanie était au départ conçu pour lutter contre les attaques terroristes dans le contexte de la Seconde Intifada. Puis il est devenu une arme d’annexion des territoires de Cisjordanie et donc un ferment de conflits à venir. Condamné depuis 2004 par la Cour de justice internationale, le mur de béton de neuf mètres de haut se entre le droit national et le droit international faisant ainsi le jeu d’une extrême droite nationaliste. Dernière trouve en effet à 85 % en Cisjordanie et isole presque 10 % du Territoire palestinien. Toujours en construction, l’ouvrage doit à terme atteindre 712 kilomètres de long. Mais les murs répondent à l’angoisse de peuples qui ne veulent rien abandonner de leur supposée richesse et surtout sont la réponse figée de nations incapables de vivre en autarcie à une mondialisation non maîtrisée. Mais soyons assurés qu’ils ne régleront rien et finiront par étouffer ceux qui les construisent.



GXC
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