Portugal : un miracle ravageur
L' incitation à un fort développement de l'économoe résidentielle et touristique est d'abord apparue comme génératrice d'un << miracle portugais >>
Portugal : un miracle ravageur
L’incitation à un fort développement de l’économie résidentielle et touristique est d’abord apparue comme génératrice d’un « miracle portugais ». Qu’en-est-il aujourd’hui ?
L'Observatoire européen sur la fiscalité vient de publier un rapport portant sur les régimes fiscaux avantageux consentis par certains pays européens aux retraités à fort pouvoir d'achat afin de doper la consommation et doper l’économie. Ce document est très instructif. En 1994, l'Union Européenne recensait cinq régimes de ce type. En 2020, elle en comptait vingt-huit. Plus de 200 000 contribuables aisés profitent de ces régimes de faveur. Un des plus connus est celui du Portugal. En 2009, ce pays a instauré un régime fiscal permettant aux retraités s'installant sur son territoire d'être totalement exemptés d'impôts sur le revenu et les pensions durant 10 ans, s’ils résidaient au moins six mois par an.
Aujourd’hui, le taux d'imposition y est encore très avantageux (10% depuis 2020). L’encouragement aux constructions à vocation de résidence secondaire, d’installation de retraités aisés ou d’activités touristiques a aussi été une priorité économique majeure des gouvernements portugais des dix dernières années. Les étrangers ont bénéficié de forts avantages fiscaux les poussant à bâtir ou à acheter.
Cette incitation à un fort développement de l’économie résidentielle et touristique est d’abord apparue comme génératrice d’un « miracle portugais ». Elle a d’abord attiré vers le pays de Camões d’une part des investisseurs, d’autre part des visiteurs et des ménages à fort pouvoir d’achat ce qui a dopé la vie économique par l’apport de financements au BTP et de recettes aux secteurs du tourisme, de la consommation et des services.
Qu’en-est-il aujourd’hui ? Exit le « miracle ». Le bilan est des plus mauvais. Il apparaît qu’en deux décennies, si l’on considère son classement mondial selon le PIB par habitant, le Portugal qui était trente-cinquième en 1999 sera probablement quarante-sixième en 2025. Depuis 1999, la croissance économique portugaise a été une des plus faibles de la zone euro. Le produit intérieur brut n'a augmenté que de 28 %, soit une hausse moyenne annuelle de 1%.
Désastre environnemental donc mais aussi désastre social !
À ce mauvais bilan économique, il s’est ajouté une dégradation de l’environnement et de la vie sociale. Un exemple significatif de cette dégradation est constatable dans une région située au sud de Lisbonne (L’Alentejo). Sur un territoire comprenant une soixantaine de kilomètres de plage, d’immenses dunes abritant une riche biodiversité ainsi que des pinèdes er des exploitations agricoles qui s’étalent vers l’intérieur, et ce sur des terrains dont certains sont classés Natura 2000, des centaines d’engins de chantier font sortir de terre des résidences de luxe et des terrains de golf et fractionnent la trame naturelle. Comment est-ce possible ? Réponse : d’abord, à la fin des années 1990, les projets prévoyant la construction de ces résidences et l’implantation de ces terrains de golf ont été qualifiés d’intérêt national, ce qui a permis à leurs promoteurs de bénéficier de simplifications administratives et de contourner la plupart des règles environnementales ; ensuite, l’Union Européenne a ouvert une procédure contre le Portugal en raison du non-respect de la réglementation Natura 2000 mais la crise financière de 2008 ayant éclaté et les projets ayant été gelés faute de financements, la procédure a été abandonnée ; enfin, il y a quelques années, avec l’arrivée de nouveaux investisseurs et la reconnaissance de « droits acquis » par la législation portugaise, les projets gelés ont été ressortis des cartons et les chantiers ont été lancés.
Désastre environnemental donc mais aussi désastre social ! L'achat ou la construction de résidences de luxe par des célébrités et l'acquisition de maisons traditionnelles ou d'appartements ou villas neufs par des retraités aisés a fait s’envoler les prix du foncier. Quand les projets immobiliers en cours auront été réalisés, le nombre de lits proposés aux vacanciers et résidents secondaires, sera supérieur au nombre d’habitants des principales communes concernées. Clôtures et panneaux « Accès est interdit », légaux ou sauvages, matérialisent ou déterminent une quasi-privatisation de l’espace public. Ne pouvant accéder à la location ou à la propriété du fait de la cherté du logement ou du foncier, de nombreux habitants n’ont d’autre choix que de partir. L'installation de jeunes ménages et d'exploitants agricoles devient impossible.
Pourtant, y compris et même beaucoup chez nous, l’économie résidentielle et touristique fait encore recette...
• Alexandra Sereni
L’incitation à un fort développement de l’économie résidentielle et touristique est d’abord apparue comme génératrice d’un « miracle portugais ». Qu’en-est-il aujourd’hui ?
L'Observatoire européen sur la fiscalité vient de publier un rapport portant sur les régimes fiscaux avantageux consentis par certains pays européens aux retraités à fort pouvoir d'achat afin de doper la consommation et doper l’économie. Ce document est très instructif. En 1994, l'Union Européenne recensait cinq régimes de ce type. En 2020, elle en comptait vingt-huit. Plus de 200 000 contribuables aisés profitent de ces régimes de faveur. Un des plus connus est celui du Portugal. En 2009, ce pays a instauré un régime fiscal permettant aux retraités s'installant sur son territoire d'être totalement exemptés d'impôts sur le revenu et les pensions durant 10 ans, s’ils résidaient au moins six mois par an.
Aujourd’hui, le taux d'imposition y est encore très avantageux (10% depuis 2020). L’encouragement aux constructions à vocation de résidence secondaire, d’installation de retraités aisés ou d’activités touristiques a aussi été une priorité économique majeure des gouvernements portugais des dix dernières années. Les étrangers ont bénéficié de forts avantages fiscaux les poussant à bâtir ou à acheter.
Cette incitation à un fort développement de l’économie résidentielle et touristique est d’abord apparue comme génératrice d’un « miracle portugais ». Elle a d’abord attiré vers le pays de Camões d’une part des investisseurs, d’autre part des visiteurs et des ménages à fort pouvoir d’achat ce qui a dopé la vie économique par l’apport de financements au BTP et de recettes aux secteurs du tourisme, de la consommation et des services.
Qu’en-est-il aujourd’hui ? Exit le « miracle ». Le bilan est des plus mauvais. Il apparaît qu’en deux décennies, si l’on considère son classement mondial selon le PIB par habitant, le Portugal qui était trente-cinquième en 1999 sera probablement quarante-sixième en 2025. Depuis 1999, la croissance économique portugaise a été une des plus faibles de la zone euro. Le produit intérieur brut n'a augmenté que de 28 %, soit une hausse moyenne annuelle de 1%.
Désastre environnemental donc mais aussi désastre social !
À ce mauvais bilan économique, il s’est ajouté une dégradation de l’environnement et de la vie sociale. Un exemple significatif de cette dégradation est constatable dans une région située au sud de Lisbonne (L’Alentejo). Sur un territoire comprenant une soixantaine de kilomètres de plage, d’immenses dunes abritant une riche biodiversité ainsi que des pinèdes er des exploitations agricoles qui s’étalent vers l’intérieur, et ce sur des terrains dont certains sont classés Natura 2000, des centaines d’engins de chantier font sortir de terre des résidences de luxe et des terrains de golf et fractionnent la trame naturelle. Comment est-ce possible ? Réponse : d’abord, à la fin des années 1990, les projets prévoyant la construction de ces résidences et l’implantation de ces terrains de golf ont été qualifiés d’intérêt national, ce qui a permis à leurs promoteurs de bénéficier de simplifications administratives et de contourner la plupart des règles environnementales ; ensuite, l’Union Européenne a ouvert une procédure contre le Portugal en raison du non-respect de la réglementation Natura 2000 mais la crise financière de 2008 ayant éclaté et les projets ayant été gelés faute de financements, la procédure a été abandonnée ; enfin, il y a quelques années, avec l’arrivée de nouveaux investisseurs et la reconnaissance de « droits acquis » par la législation portugaise, les projets gelés ont été ressortis des cartons et les chantiers ont été lancés.
Désastre environnemental donc mais aussi désastre social ! L'achat ou la construction de résidences de luxe par des célébrités et l'acquisition de maisons traditionnelles ou d'appartements ou villas neufs par des retraités aisés a fait s’envoler les prix du foncier. Quand les projets immobiliers en cours auront été réalisés, le nombre de lits proposés aux vacanciers et résidents secondaires, sera supérieur au nombre d’habitants des principales communes concernées. Clôtures et panneaux « Accès est interdit », légaux ou sauvages, matérialisent ou déterminent une quasi-privatisation de l’espace public. Ne pouvant accéder à la location ou à la propriété du fait de la cherté du logement ou du foncier, de nombreux habitants n’ont d’autre choix que de partir. L'installation de jeunes ménages et d'exploitants agricoles devient impossible.
Pourtant, y compris et même beaucoup chez nous, l’économie résidentielle et touristique fait encore recette...
• Alexandra Sereni