Municipales : les nationalistes ont raté une marche
La vague nationaliste, régulièrement montante et toujours plus impétueuse ces dernières années, s’est brisée sur l’écueil municipal.
A l’issue du premier tour des élections municipales, dans les deux principales communes de Corse et quelques cités emblématiques où des listes nationalistes étaient en concurrence, le bilan nationaliste est globalement négatif. La victoire de la liste Jean-Baptiste Giabiconi (Femu a Corsica) à Biguglia et le ballotage favorable de la liste Jean-Christophe Angelini à Porto-Vecchio ne peuvent tromper personne et n’ont rien de vraiment significatif. Ils ne sont que des exceptions liées à des contextes particuliers. A Biguglia, le vaincu Sauveur-Gandolfi-Scheit a davantage été victime d’un dégagisme que d’une adhésion à un message nationaliste. Une grande partie de la population, y compris d’anciens partisans déclarés de l’intéressé, a congédié un maire qu’elle jugeait autocratique et qui, de surcroît, était affecté par l’usure du pouvoir (quarante-quatre ans de mandat). A Porto-Vecchio, la notoriété de Jean-Christophe Angelini, sa proximité et son travail de terrain depuis des années ainsi que la qualité de son programme et son équipe, ont été déterminants. Ils ont bien plus influé sur le résultat que l’appartenance de l’intéressé au Partitu di a Nazione Corsa. Les autres résultats apportent un véritable éclairage. S’ils sont mis bout-à-bout, ils indiquent un recul de la confiance et de l’espoir que nombre de Corses avaient mis dans la démarche Per a Corsica lors du second tour de l’élection de l’Assemblée de Corse en décembre 2017 et montrent aussi que ni une faction de Per a Corsica, ni Core in Fronte n’ont tiré leur épingle du jeu. A Corte, la liste Vannina Borromei (Partitu di a Nazione Corsa) a dû se satisfaire de 34,43% des suffrages (Per a Corsica, 58,72% en décembre 2017). A Ghisonaccia, la liste Femu a Corsica n’a obtenu que 20,23 % (Per a Corsica, 36,93 % en décembre 2017). A L’Ile-Rousse, l’unique liste nationaliste, étiquetée Partitu di a Nazione Corsa, n’a pu totaliser que 12,91% (Per a Corsica, 60,06% en décembre 2017). A Saint-Florent, la liste Femu a Corsica a plafonné à 30,62% (Per a Corsica, 57,46% en décembre 2017). Les scrutins d’Ajaccio et Bastia n’ont pas été plus favorables aux nationalistes. Les listes Femu a Corsica, Partitu di a Nazione Corsa / Corscia Libera et Core in Fronte n’ont atteint à elles trois que 32,14 % (Per a Corsica, 57,46% en décembre 2017). A Bastia, la liste du sortant Femu a Corsica Pierre Savelli a été créditée de 30,43% malgré l’appoint du Parti Socialiste et d’une partie de la droite bastiaise (Per a Corsica, 58,16% en décembre 2017). Bien entendu ces chiffres ne prétendent pas refléter la situation du nationalisme selon une exactitude absolue. La prime au sortant souvent importante dans le cadre d’élections municipales, l’abstention de certaines catégories d’électeurs du fait de la situation sanitaire, des contextes d’amitiés, d’inimitiés ou d’intérêts particuliers, l’influence du vote familial ou amical ont représenté autant de variables qui sont à prendre en compte. Mais il n’en reste pas moins vrai, si l’on considère l’ampleur des reflux, que la vague nationaliste, régulièrement montante et toujours plus impétueuse ces dernières années, s’est brisée sur l’écueil municipal.
De nombreux facteurs de reflux
Comment expliquer ces reflux ? Il relève probablement de nombreux facteurs. D’abord que toute accession au pouvoir est fatalement suivie d’impatiences et d’insatisfactions qui affaiblissent le camp des vainqueurs, surtout quand ces derniers sont à tort ou à raison accusés, ce qui est le cas actuellement, de ne jamais rien décider et de se réfugier dans l’incantation, l’appel à Paris, la réunionite et le recours aux études ou aux experts. On peut aussi relever que le triomphalisme des années 2016 et début 2017 de la majorité nationaliste qui s’est « cassé les dents » sur des dossiers importants (déchets, spéculation immobilière, prix de l’essence, arrivée massive d’allogènes accaparant une grande partie de l’offre d’emplois pérennes y compris dans des collectivités ou des entreprises administrées ou gérées par des nationalistes…) ainsi que l’impuissance de cette majorité à organiser une réelle résistance populaire et de terrain au jacobinisme macronien, ont désenchanté (démotivation, démobilisation ou écœurement de nombreux militants, sympathisants et électeurs). Par ailleurs, les effets électoraux du désenchantement ont été accentué par le fait que la base réelle de suffrages du nationalisme en décembre 2017 était à la fois : étroite (56 % de 50 % des votants) ; fragile (milliers de ralliées de la 25ème heure venus au secours de la victoire, milliers d’électeurs en déshérence car en quête de nouveaux « capi machja » et culturellement insensibles aux beaux discours sur la citoyenneté) ; mal analysée par des leaders ayant entre autres proclamé que le nationalisme avait remporté « la bataille des idées » (Jean-Guy Talamoni) et que « la quasi-totalité des Corses » étaient nationalistes (Gilles Simeoni). Mais le facteur-clé du reflux a sans doute été la concomitance, au sein de la sphère nationaliste, de la perte de repères, de la division et la représentativité contestée de certains candidats, des erreurs de campagne. Beaucoup de militants et de sympathisants considèrent que leurs leaders renoncent à certains fondamentaux, en particulier en faisant à leur tour dans le copinage en matière de distribution d’emplois, de subventions et d’attribution de chantiers ou appels à projets. La division de Per a Corsica donne à penser à la base nationaliste et à de nombreux Corses que les responsables nationalistes sont « devenus comme les autres, car privilégiant les querelles d’égos et de petits pouvoirs au détriment de l’intérêt général. Ce rejet de la division est particulièrement démontré par les scores enregistrés par Core in Fronte. Pensant pouvoir surfer sur les déceptions occasionnées par les composantes de Per a Corsica en cassant prioritairement les autres listes nationalistes (en particulier à Ajaccio, Bastia et Porto-Vecchio) ainsi qu’en brandissant « les fondamentaux » sans proposer de réels programmes municipaux, la formation de Paul-Félix Benedetti a été marginalisée par l’électorat. Enfin, beaucoup de nationalistes ont estimé que la composition et le discours de certaines listes nationaliste ne reflétaient en rien cinquante ans de luttes. Celle de Femu a Corsica à Ajaccio a été l’exemple de ce qui était rejeté : tête de liste non-nationaliste psalmodiant quelques idées générales tirées d’extraits de discours de Gilles Simeoni ; personnalités venues de tous les horizons politiques conduisant à faire dire que sur cette liste « on trouvait tout, même des nationalistes ». Encore et pour de bon enfin, il est aussi apparu que trop d’éléments programmatiques de listes nationalistes étaient en décalage avec les problèmes économiques et sociaux rencontrés par des dizaines de milliers de Corses : à Ajaccio, polémique sans fin concernant le parking Diamant ou ritournelles sur l’éthique et la transparence ; à Bastia, polémique sur la pertinence de construire ou non un nouveau port ou relativisation de l’angoisse par un projet de rénovation urbaine déclaré bien ficelé par les experts mais très mal compris par les habitants des immeubles HLM voués à la rénovation ou à la démolition. Conclusion claire de tout cela : le 15 mars dernier, les nationalistes ont raté une marche.
De nombreux facteurs de reflux
Comment expliquer ces reflux ? Il relève probablement de nombreux facteurs. D’abord que toute accession au pouvoir est fatalement suivie d’impatiences et d’insatisfactions qui affaiblissent le camp des vainqueurs, surtout quand ces derniers sont à tort ou à raison accusés, ce qui est le cas actuellement, de ne jamais rien décider et de se réfugier dans l’incantation, l’appel à Paris, la réunionite et le recours aux études ou aux experts. On peut aussi relever que le triomphalisme des années 2016 et début 2017 de la majorité nationaliste qui s’est « cassé les dents » sur des dossiers importants (déchets, spéculation immobilière, prix de l’essence, arrivée massive d’allogènes accaparant une grande partie de l’offre d’emplois pérennes y compris dans des collectivités ou des entreprises administrées ou gérées par des nationalistes…) ainsi que l’impuissance de cette majorité à organiser une réelle résistance populaire et de terrain au jacobinisme macronien, ont désenchanté (démotivation, démobilisation ou écœurement de nombreux militants, sympathisants et électeurs). Par ailleurs, les effets électoraux du désenchantement ont été accentué par le fait que la base réelle de suffrages du nationalisme en décembre 2017 était à la fois : étroite (56 % de 50 % des votants) ; fragile (milliers de ralliées de la 25ème heure venus au secours de la victoire, milliers d’électeurs en déshérence car en quête de nouveaux « capi machja » et culturellement insensibles aux beaux discours sur la citoyenneté) ; mal analysée par des leaders ayant entre autres proclamé que le nationalisme avait remporté « la bataille des idées » (Jean-Guy Talamoni) et que « la quasi-totalité des Corses » étaient nationalistes (Gilles Simeoni). Mais le facteur-clé du reflux a sans doute été la concomitance, au sein de la sphère nationaliste, de la perte de repères, de la division et la représentativité contestée de certains candidats, des erreurs de campagne. Beaucoup de militants et de sympathisants considèrent que leurs leaders renoncent à certains fondamentaux, en particulier en faisant à leur tour dans le copinage en matière de distribution d’emplois, de subventions et d’attribution de chantiers ou appels à projets. La division de Per a Corsica donne à penser à la base nationaliste et à de nombreux Corses que les responsables nationalistes sont « devenus comme les autres, car privilégiant les querelles d’égos et de petits pouvoirs au détriment de l’intérêt général. Ce rejet de la division est particulièrement démontré par les scores enregistrés par Core in Fronte. Pensant pouvoir surfer sur les déceptions occasionnées par les composantes de Per a Corsica en cassant prioritairement les autres listes nationalistes (en particulier à Ajaccio, Bastia et Porto-Vecchio) ainsi qu’en brandissant « les fondamentaux » sans proposer de réels programmes municipaux, la formation de Paul-Félix Benedetti a été marginalisée par l’électorat. Enfin, beaucoup de nationalistes ont estimé que la composition et le discours de certaines listes nationaliste ne reflétaient en rien cinquante ans de luttes. Celle de Femu a Corsica à Ajaccio a été l’exemple de ce qui était rejeté : tête de liste non-nationaliste psalmodiant quelques idées générales tirées d’extraits de discours de Gilles Simeoni ; personnalités venues de tous les horizons politiques conduisant à faire dire que sur cette liste « on trouvait tout, même des nationalistes ». Encore et pour de bon enfin, il est aussi apparu que trop d’éléments programmatiques de listes nationalistes étaient en décalage avec les problèmes économiques et sociaux rencontrés par des dizaines de milliers de Corses : à Ajaccio, polémique sans fin concernant le parking Diamant ou ritournelles sur l’éthique et la transparence ; à Bastia, polémique sur la pertinence de construire ou non un nouveau port ou relativisation de l’angoisse par un projet de rénovation urbaine déclaré bien ficelé par les experts mais très mal compris par les habitants des immeubles HLM voués à la rénovation ou à la démolition. Conclusion claire de tout cela : le 15 mars dernier, les nationalistes ont raté une marche.