La rentrée des Tribunaux de commerce
Analyses des présidents des Tribunaux de Commerce de Bastia et Ajaccioo
Gilles Filippi, président du Tribunal de Commerce de Bastia
« La sortie de crise dépendra de l’activité économique de la Corse en 2022 »
Comment s’est déroulée la rentrée du 29 janvier dernier ?
C’était une rentrée particulière puisque nous avions décidé qu’elle se déroule à huis clos en raison de la situation sanitaire. En ce qui concerne les chiffres, on note une diminution des procédures collectives entre 2020 et 2021, ce qui est logique car nous vivons au rythme des ordonnances. Ce qui est en revanche plus inquiétant, ce sont les augmentations des injonctions de payer. Ce qui démontre que les trésoreries commencent à se tendre. Enfin, point positif, l’augmentation des immatriculations au Registre du Commerce et en particulier des sociétés commerciales. Ce pourrait être « l’effet positif », si l’on peut l’appeler ainsi, de la crise Covid.
L’année 2021 par rapport à 2020 ?
Sur les trois points évoqués, nous n’observons pas de grand changement. On peut, toutefois, s’interroger sur l’année à venir et se dire qu’il y aura certainement des difficultés. En même temps, l’augmentation des immatriculations, ce qui implique une certaine appétence pour l’entreprenariat, est de bon augure dans la perspective d’une relance future de l’économie insulaire.
Vous évoquez des difficultés. Dans quels domaines ?
Elles seront essentiellement dues à la trésorerie puisque l’ensemble des dispositifs mis en place par l’État, la Collectivité de Corse ou les Chambres de Commerce vont progressivement s’estomper. Les aides vont donc diminuer et l’on doit peut-être s’attendre à une période difficile. Quelles seront les conséquences ? On ne peut le savoir à l’heure actuelle.
Quelques chiffres ?
Nous sommes en baisse de 30 % sur les procédures collectives. Les injonctions de payer ont augmenté de 30 % par rapport à 2020. Et les immatriculations au Registre du Commerce sont, elles aussi, en hausse de 30 %. Des chiffres à peu près similaires à la Corse-du-Sud. Le tissu économique est à peu près le même d’un bout à l’autre de l’île, les problématiques restent également les mêmes.
Quelles perspectives pour l’année 2022 ?
Il y a beaucoup d’incertitudes. Nous allons avancer au coup par coup en tenant compte des ordonnances prises par le Gouvernement. Quant à l’éventuelle sortie de crise, elle dépendra de l’activité économique de la Corse au cours de cette année. On espère, bien sûr, qu’il y aura une relance mais on ne sait pas, aujourd’hui, quelles seront les perspectives économiques de la Corse en 2022. Nous savons, à ce jour, que le trafic aéroportuaire est en baisse de 30 %. C’est une diminution assez significative qui démontre, si besoin est, que des secteurs importants de l’économie insulaire ont été touchés. Et cela ne s’effacera que dans le temps.
Les atouts de la région bastiaise et d’une manière générale de la Haute-Corse ?
Le tissu économique est globalement le même qu’en Corse-du-Sud, il se compose essentiellement de TPE. Le Sud est peut-être plus touristique mais la problématique reste la même. L’essentiel, dans le Nord comme dans le Sud serait, et je le dis depuis plus d’un an, de miser sur un tourisme étalé au moins sur dix mois de l’année. Les privés peuvent impulser une dynamique mais ce sont les politiques qui ont les cartes en main pour changer la donne et modifier le développement économique de la Corse. En tout cas pour que l’activité de l’île puisse avoir une croissance notable. Il va falloir, lors de la période post-covid, se démarquer et la Corse dispose d’atouts pour bien négocier ce virage et miser sur un autre développement en faisant le pari, par exemple, de l’hydro ou du solaire. Je crois que l’autonomie d’une région commence déjà par une autonomie en termes d’approvisionnement électrique.
Frédéric Benetti, Président du Tribunal de Commerce d’Ajaccio
C’est une audience de rentrée solennelle sur fond de pandémie et avec, de ce fait, des restrictions sanitaires qui s’est déroulée le 29 janvier dernier à Ajaccio. L’occasion, pour Frédéric Benetti, président du Tribunal de Commerce, de dresser le bilan de l’année écoulée et d’évoquer les perspectives.
.« Si le premier pilier, qui est le tourisme, fonctionne, les retombées directes et indirectes permettront à la Corse de sortir de cette crise. »
Quelle analyse faites-vous, de l’année écoulée ?
Les chiffres confirment l’année 2020 et l’on observe, encore une fois, un net recul des procédures collectives. Malgré ce recul, qui est quasiment de l’ordre de 50 % par rapport à 2019, on note une augmentation des liquidations directes.
Quelles conclusions peut-on en tirer ?
On observe une absence d’assignation des institutionnels tels que l’URSSAF ou le SIE qui ont mis en œuvre des politiques de conciliation en faveur des entreprises avec des plans d’apurement de la dette fiscale ou sociale interne. Au lieu d’assigner, on a basculé vers une politique de conciliation avec l’entreprise en accordant des délais d’apurement pouvant aller de 36 à 48 mois. C’est pour cette raison que les assignations de ces organismes ne sont pas aussi prépondérantes qu’en 2019. On note encore une volonté de s’inscrire dans la même politique gouvernementale de soutien des entreprises en difficulté.
Quelques chiffres ?
On a ouvert 51 procédures collectives contre 105 en 2019. L’année 2021 confirme 2020. En revanche, on note au niveau des dossiers du Tribunal concernant notamment la prévention, une absence totale dans ce domaine.
Un signe encourageant ?
Oui dans le sens où la politique de soutien aux entreprises menée depuis le début de la pandémie fonctionne. Mais elle va s’estomper progressivement. Jusqu’au 31 décembre 2021 par exemple, les PGE ont été maintenus, certains secteurs pouvaient même demander un report des charges et l’ensemble des entreprises pouvaient également solliciter des délais et une flexibilité de règlement de leurs dettes fiscales et sociales. Y aura-t-il ensuite, des retombées négatives ? On l’ignore. Nous allons sûrement nous rediriger vers un système normal du fonctionnement du Tribunal de Commerce d’Ajaccio qui s’est toujours appuyé sur une stabilité des procédures collectives. A noter cependant, un élément positif, qui est l’inscription de 1100 entreprises au RCS , ce qui est un record.
Quelles perspectives à court et moyen terme ?
L’activité insulaire sera déterminée par l’activité touristique de 2022. Où en sera la pandémie ? Y aura-t-il de nouvelles restrictions sanitaires ? Si tout cela est terminé et que la saison touristique repart, c’est de bon augure. D’autant qu’au niveau national, nous approchons les 7 % de croissance, un chiffre plus qu’optimiste pour l’avenir. C’est une excellente nouvelle pour l’activité en général. Au niveau régional il ne reste plus qu’à espérer que l’activité touristique, qui est le moteur de l’économie corse, sera au rendez vous cette année. On est, dans l’île, dans un microcosme où toutes les activités sont liées entre elles. Si le premier pilier fonctionne, à savoir le tourisme, les retombées directes et indirectes permettront à la Corse de se sortir définitivement de cette période et de manière honorable.
La sortie de crise ?
La saison 2021 atiré son épingle du jeu. En 2022, il faudra compter sur une bonne saison touristique maissans doute faudra t il à l’avenir repenser le modèle économique en changeant la matrice qui est la nôtre depuis trop de temps. Il faudrane plus limiter l’activité touristique à deux mois pleins et quatre en demi-teinte. La Corse doit miser sur un tourisme durable. Nous en avons les capacités mais cela ne pourra seréaliser que sur des politiques à moyen ou longterme.
Propos recueillis par Philippe Peraut
« La sortie de crise dépendra de l’activité économique de la Corse en 2022 »
Comment s’est déroulée la rentrée du 29 janvier dernier ?
C’était une rentrée particulière puisque nous avions décidé qu’elle se déroule à huis clos en raison de la situation sanitaire. En ce qui concerne les chiffres, on note une diminution des procédures collectives entre 2020 et 2021, ce qui est logique car nous vivons au rythme des ordonnances. Ce qui est en revanche plus inquiétant, ce sont les augmentations des injonctions de payer. Ce qui démontre que les trésoreries commencent à se tendre. Enfin, point positif, l’augmentation des immatriculations au Registre du Commerce et en particulier des sociétés commerciales. Ce pourrait être « l’effet positif », si l’on peut l’appeler ainsi, de la crise Covid.
L’année 2021 par rapport à 2020 ?
Sur les trois points évoqués, nous n’observons pas de grand changement. On peut, toutefois, s’interroger sur l’année à venir et se dire qu’il y aura certainement des difficultés. En même temps, l’augmentation des immatriculations, ce qui implique une certaine appétence pour l’entreprenariat, est de bon augure dans la perspective d’une relance future de l’économie insulaire.
Vous évoquez des difficultés. Dans quels domaines ?
Elles seront essentiellement dues à la trésorerie puisque l’ensemble des dispositifs mis en place par l’État, la Collectivité de Corse ou les Chambres de Commerce vont progressivement s’estomper. Les aides vont donc diminuer et l’on doit peut-être s’attendre à une période difficile. Quelles seront les conséquences ? On ne peut le savoir à l’heure actuelle.
Quelques chiffres ?
Nous sommes en baisse de 30 % sur les procédures collectives. Les injonctions de payer ont augmenté de 30 % par rapport à 2020. Et les immatriculations au Registre du Commerce sont, elles aussi, en hausse de 30 %. Des chiffres à peu près similaires à la Corse-du-Sud. Le tissu économique est à peu près le même d’un bout à l’autre de l’île, les problématiques restent également les mêmes.
Quelles perspectives pour l’année 2022 ?
Il y a beaucoup d’incertitudes. Nous allons avancer au coup par coup en tenant compte des ordonnances prises par le Gouvernement. Quant à l’éventuelle sortie de crise, elle dépendra de l’activité économique de la Corse au cours de cette année. On espère, bien sûr, qu’il y aura une relance mais on ne sait pas, aujourd’hui, quelles seront les perspectives économiques de la Corse en 2022. Nous savons, à ce jour, que le trafic aéroportuaire est en baisse de 30 %. C’est une diminution assez significative qui démontre, si besoin est, que des secteurs importants de l’économie insulaire ont été touchés. Et cela ne s’effacera que dans le temps.
Les atouts de la région bastiaise et d’une manière générale de la Haute-Corse ?
Le tissu économique est globalement le même qu’en Corse-du-Sud, il se compose essentiellement de TPE. Le Sud est peut-être plus touristique mais la problématique reste la même. L’essentiel, dans le Nord comme dans le Sud serait, et je le dis depuis plus d’un an, de miser sur un tourisme étalé au moins sur dix mois de l’année. Les privés peuvent impulser une dynamique mais ce sont les politiques qui ont les cartes en main pour changer la donne et modifier le développement économique de la Corse. En tout cas pour que l’activité de l’île puisse avoir une croissance notable. Il va falloir, lors de la période post-covid, se démarquer et la Corse dispose d’atouts pour bien négocier ce virage et miser sur un autre développement en faisant le pari, par exemple, de l’hydro ou du solaire. Je crois que l’autonomie d’une région commence déjà par une autonomie en termes d’approvisionnement électrique.
Frédéric Benetti, Président du Tribunal de Commerce d’Ajaccio
C’est une audience de rentrée solennelle sur fond de pandémie et avec, de ce fait, des restrictions sanitaires qui s’est déroulée le 29 janvier dernier à Ajaccio. L’occasion, pour Frédéric Benetti, président du Tribunal de Commerce, de dresser le bilan de l’année écoulée et d’évoquer les perspectives.
.« Si le premier pilier, qui est le tourisme, fonctionne, les retombées directes et indirectes permettront à la Corse de sortir de cette crise. »
Quelle analyse faites-vous, de l’année écoulée ?
Les chiffres confirment l’année 2020 et l’on observe, encore une fois, un net recul des procédures collectives. Malgré ce recul, qui est quasiment de l’ordre de 50 % par rapport à 2019, on note une augmentation des liquidations directes.
Quelles conclusions peut-on en tirer ?
On observe une absence d’assignation des institutionnels tels que l’URSSAF ou le SIE qui ont mis en œuvre des politiques de conciliation en faveur des entreprises avec des plans d’apurement de la dette fiscale ou sociale interne. Au lieu d’assigner, on a basculé vers une politique de conciliation avec l’entreprise en accordant des délais d’apurement pouvant aller de 36 à 48 mois. C’est pour cette raison que les assignations de ces organismes ne sont pas aussi prépondérantes qu’en 2019. On note encore une volonté de s’inscrire dans la même politique gouvernementale de soutien des entreprises en difficulté.
Quelques chiffres ?
On a ouvert 51 procédures collectives contre 105 en 2019. L’année 2021 confirme 2020. En revanche, on note au niveau des dossiers du Tribunal concernant notamment la prévention, une absence totale dans ce domaine.
Un signe encourageant ?
Oui dans le sens où la politique de soutien aux entreprises menée depuis le début de la pandémie fonctionne. Mais elle va s’estomper progressivement. Jusqu’au 31 décembre 2021 par exemple, les PGE ont été maintenus, certains secteurs pouvaient même demander un report des charges et l’ensemble des entreprises pouvaient également solliciter des délais et une flexibilité de règlement de leurs dettes fiscales et sociales. Y aura-t-il ensuite, des retombées négatives ? On l’ignore. Nous allons sûrement nous rediriger vers un système normal du fonctionnement du Tribunal de Commerce d’Ajaccio qui s’est toujours appuyé sur une stabilité des procédures collectives. A noter cependant, un élément positif, qui est l’inscription de 1100 entreprises au RCS , ce qui est un record.
Quelles perspectives à court et moyen terme ?
L’activité insulaire sera déterminée par l’activité touristique de 2022. Où en sera la pandémie ? Y aura-t-il de nouvelles restrictions sanitaires ? Si tout cela est terminé et que la saison touristique repart, c’est de bon augure. D’autant qu’au niveau national, nous approchons les 7 % de croissance, un chiffre plus qu’optimiste pour l’avenir. C’est une excellente nouvelle pour l’activité en général. Au niveau régional il ne reste plus qu’à espérer que l’activité touristique, qui est le moteur de l’économie corse, sera au rendez vous cette année. On est, dans l’île, dans un microcosme où toutes les activités sont liées entre elles. Si le premier pilier fonctionne, à savoir le tourisme, les retombées directes et indirectes permettront à la Corse de se sortir définitivement de cette période et de manière honorable.
La sortie de crise ?
La saison 2021 atiré son épingle du jeu. En 2022, il faudra compter sur une bonne saison touristique maissans doute faudra t il à l’avenir repenser le modèle économique en changeant la matrice qui est la nôtre depuis trop de temps. Il faudrane plus limiter l’activité touristique à deux mois pleins et quatre en demi-teinte. La Corse doit miser sur un tourisme durable. Nous en avons les capacités mais cela ne pourra seréaliser que sur des politiques à moyen ou longterme.
Propos recueillis par Philippe Peraut