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LREM : la machine peut-elle perdre ?

Créé en amont de la dernière Présidentielle, le parti d'Emmanuel Macron se prépare pour une prochaine élection d'avril.
LREM : la machine peut-elle perdre ?

Créé en amont de la dernière Présidentielle, le parti d’Emmanuel Macron se prépare pour la prochaine élection d’avril. En parallèle, la montée de l’extrême droite et le manque d’unité des partis traditionnels compliquent toute lecture de l’échiquier politique. Si l’officialisation de la candidature du chef de l’Etat tarde, une question perdure : peut-il réellement être inquiété ?

Peut-on remporter une élection présidentielle avec seulement un quart d’électorat favorable ? Il semblerait que ce soit le pari d’Emmanuel Macron à deux mois du premier tour. La division qui règne au sein des partis traditionnels et l’empiétement d’Éric Zemmour sur les votes RN et LR semblent toutefois consolider le leadership d’En Marche, sans pour autant que le Président soit complètement à l’abri de toute surprise. Au dernier sondage Opinion Way (31 janvier), Emmanuel Macron était crédité de 24% d’intentions de vote. La 2e place se jouait entre Marine Le Pen et Valérie Pécresse (17%), mais dans cette configuration, selon le sondeur, aucune des deux ne parviendrait à battre le Président de la République au second tour. À gauche, c’est Christiane Taubira qui a été plébiscitée par le vote populaire, mais les autres leaders ayant fermé la porte à tout ralliement, l’accession au second tour semble d’emblée difficile.

La gauche morcelée

Le 30 janvier, 467 000 votants ont participé à la Primaire populaire afin de déterminer qui serait le plus à même de rassembler la gauche. Déjà avant le vote, ce scrutin était contesté par bon nombre de protagonistes. Avec 79% d'avis positifs allant de "très bien" à "assez bien", c’est Christiane Taubira, seule postulante à s’être engagée à respecter l’avis populaire, qui sort en tête. Rassembler sera néanmoins difficile, car bon nombre de socialistes ont la rancune sévère, et lui reprochent toujours d’avoir fait perdre Lionel Jospin en 2002. L’ancienne Garde des sceaux, candidate à l’époque, avait totalisé quelques 2% des voix, qui manquèrent à Jospin pour accéder au second tour. Cette défaite avait, concernant la Corse, mis un frein net et définitif au processus de Matignon.

Au classement de la Primaire, arrivent ensuite Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Anne Hidalgo, 5ème
(derrière l’eurodéputé Pierre Larrouturou), sort très affaiblie de ce scrutin, et pourrait perdre bon nombre de soutiens socialistes. Si l’on additionne les intentions de vote de la gauche à celles des écologistes, on obtient 23%, pas assez pour inquiéter Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon, qui partira certainement seul, arrive pour l’instant en tête de ces différentes composantes, crédité de 10 %.

Quid des écologistes ?

Yannick Jadot, candidat d’Europe Ecologie les Verts (EELV), tente d'imposer depuis 2019 une ligne « ni droite ni gauche » loin de faire l'unanimité au sein de son parti, et qui n’est pas sans rappeler le discours macroniste. Candidat investi depuis la primaire d’EELV de septembre, il avait alors totalisé 51 % des voix au second tour. Parallèlement à l’essor du mouvement sur la scène internationale, cette fracture au sein des Verts et le monopole macroniste au centre semblent pénaliser la percée écologiste en France. L’eurodéputé, qui avait offert la 9ème place de sa liste à François Alfonsi pour le contingent Régions & Peuples solidaires, lui permettant ainsi de retrouver un siège à Bruxelles, n’est pour l’heure crédité que de 5 % des intentions de vote.

L’Extrême droite divisée

Si l’extrême droite grimpe dans les sondages, la candidature d’Éric Zemmour semble affaiblir autant LR que RN, avec de nombreux ralliements récents pour Reconquête. Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen, a elle-même laissé planer le doute d’un soutien futur dans Le Parisien. Dès lors, si Zemmour ne semble pas, pour l’heure, en position d’accéder au second tour, sa présence à elle seule pourrait suffire à déstabiliser Marine Le Pen comme Valérie Pécresse. Ainsi, concernant la seconde place, nécessaire pour se maintenir, les paris sont toujours ouverts. Les Républicains, bien que faisant front commun, semblent n’avoir que très peu de marge de manœuvre concernant ce premier tour de l’élection.

Le chef de l’Etat poursuit donc, sans trop d’inquiétude pour l’instant, le lancement de sa campagne. Le 31 janvier, les "Jeunes avec Macron" faisaient leurs propositions. La plupart d’entre elles devraient être reprises par l'actuel Président. Le site de campagne Avecvous2022.fr est déjà en ligne.

En décembre vous étiez à l'Élysée avec d’autres maires venus de toute la France : de quoi a-t-il été question ?

Ce fut un temps très court avec Emmanuel Macron mais nous avons quand même pu nous entretenir avec lui, grâce notamment à l'intervention de mon ami Stéphane Travert, ancien ministre de l'Agriculture. Avec les élus corses qui m'accompagnaient, nous l'avons interpellé sur la situation politique dans l’île, et l’urgence d’améliorer les relations entre la Collectivité de Corse et Paris.

Il y avait beaucoup de sujets au même timing : la loi 3DS sur la décentralisation en discussion à l'assemblée, ou encore la visite à Paris d'une délégation pour rencontrer les groupes de l'Assemblée nationale concernant le devenir des prisonniers nationalistes toujours incarcérés. Ces sujets ont-ils été abordés ?

Pas dans la rapidité avec laquelle nous avons vu le Président. De façon générale, j'ai depuis toujours essayé de servir les intérêts de la Corse et faciliter le rapprochement entre Paris et Ajaccio, afin que le président de l'Exécutif puisse avancer sur des dossiers qui font consensus. Je pense notamment à la question délicate des prisonniers. Il y a eu sur cette question une avancée significative sous la mandature actuelle, à l'exception du commando Erignac. Pour l’humaniste que je suis, ce n'est pas acceptable. J’ai accompagné le candidat Emmanuel Macron à Vescovato à la rencontre des associations de prisonniers. Lui-même avait dit alors qu'il n'y avait pas de prisonniers politiques en France. S’il n'y a pas de prisonniers politiques, il n'y a pas de raison qu'il y ait une exception pour quelques prisonniers que ce soit. Aujourd'hui, le droit français doit s'appliquer : nous devons rapprocher le commando Erignac.

Aux dernières Territoriales, vous étiez candidat avec le soutien de LREM mais sans son investiture. Vous aviez alors affirmé vouloir adopter une position plus locale ?

Mon ambition était d'aller au-delà de la majorité présidentielle : il y avait sur ma liste des gens ne se revendiquant pas de cette majorité, ainsi que des personnes issues de la société civile. J’avais aussi défendu mon appartenance à la ligne gauche de LREM. Je suis un social-démocrate, et ça ne m'empêche pas d'accepter l'idée de travailler avec des élus du centre-droit, sinon je ne serai pas aux côtés du Président de la République. Je suis un soutien d'Emmanuel Macron parce que j'ai partagé avec lui bon nombre d'idées politiques. Je peux avoir des fois des divergences mais il est clair que je me reconnais dans la majorité présidentielle et que j'entends jouer le petit rôle qui doit être le mien.

Fin janvier, la ministre Marlène Schiappa venait à Bonifacio en tant que représentante du Président vous remettre la médaille de l'Ordre national du mérite : une reconnaissance du travail accompli pour LREM ?

Il s’agissait plutôt ici – et c’est pour moi très important – d’une reconnaissance du travail de la municipalité de Bonifacio, et je considère cette médaille comme une récompense collective.

Donc rien à voir avec votre responsabilité en tant que leader dans l'île ?

Marlène Schiappa est venue vérifier sur le terrain que les mesures prises par le gouvernement fonctionnent. Vous savez qu'il y a des moments qui relèvent de la visite ministérielle et des moments qui relèvent de l'action privée où personnelle du ministre. Nous avons eu un échange, d’une représentante de la majorité présidentielle à un représentant de cette même majorité dans l'île. Elle m'a demandé par ailleurs d’organiser un déjeuner avec des élus locaux qui avaient déjà soutenu le Président, pouvant le faire dans les mois à venir, ou encore qui auraient simplement envie de débattre avec elle du quinquennat qui s'achève et des défis à relever.

On parle beaucoup d'autonomie actuellement, en Guadeloupe aussi où le ministre de l'Outre-mer a affirmé n’être pas fermé à cette discussion. Plusieurs observateurs ont alors posé la question de la Corse. L'autonomie serait-elle une possibilité dans un futur proche ?

J'invite tout le monde à regarder les combats qui ont été les miens : je suis depuis toujours un autonomiste convaincu. L’Assemblée de Corse est actuellement composée à 70% de nationalistes, et à droite, Laurent Marcangeli est lui aussi connu pour défendre une vision très girondine de notre île. Il est clair que la Corse doit bénéficier d'un statut spécifique. Petite parenthèse : Emmanuel Macron avait annoncé à Furiani et Bastia sa volonté d’inscrire la Corse dans la Constitution, ce qui devait être une véritable avancée. Vous savez comme moi que les sénateurs ont bloqué le processus. Je continue à dire que, dans ce domaine-là, le futur chef de l’Etat devra donner un coup d'accélérateur, et davantage de signes forts. Plus que des paroles, on doit maintenant passer à des actes clairs.

Selon vous, en Corse, que peut-on attendre de cette élection ?

Il est certain qu’il faudra que l'ensemble des candidats, y compris Emmanuel Macron, nous annoncent une feuille de route pour la Corse des 5 années à venir. Si Macron gagne, il devra prendre en considération ce territoire insulaire métropolitain dans lequel 70% des gens ont voté pour des nationalistes, voire des indépendantistes.

Vous le dites vous-même, vous êtes toujours un socialiste convaincu. Quelle est votre position quant à la situation de la gauche ?

Je lisais encore ce matin que trois grands maires socialistes pourraient rejoindre la majorité présidentielle. Le phénomène apparu en 2017 s’accentue. Selon moi, Emmanuel Macron était déjà à l’époque le candidat de la social-démocratie. Aujourd'hui, quand il est annoncé à 24% alors qu’Anne Hidalgo est à 3% et Christiane Taubira à 5%, c’est toujours le cas.

Ensuite, on a Jean-Luc Mélenchon avec qui il y a un véritable fossé idéologique. À l'inverse, je suis souvent interpellé – et je ne suis pas le seul au sein de LREM – par les positions du Parti communiste français qui, sur les questions concernant le communautarisme, le nucléaire ou encore le pouvoir d'achat, a des positions très intéressantes. Cette gauche-là est fracturée et à mon avis dans l'incapacité d'être au second tour. J'appartiens pour ma part à une gauche qui aspire à diriger, à ne pas être dans la protestation mais dans la construction, avec notamment le centre-droit. Si j'analyse la situation, c'est ce qu’il se passe aussi ailleurs : en Irlande par exemple, où les écologistes jouent un rôle important avec des libéraux, ou encore en Allemagne où le centre gauche et le centre droit dirigent ensemble.

Un mot peut-être concernant la montée de l'extrême droite ?


Le combat de ma vie, c'est le combat contre l'extrême droite et les idées qu'elle véhicule. Quand aujourd'hui on additionne Zemmour et Le Pen, et que Le Pen devient presque « molle », je suis très inquiet. Cela veut dire que l’on a des défis à relever. Il faut réfléchir à la société que l’on veut construire, à la place de la religion, de l'immigration, des politiques sociales. C'est pour ça que je suis aux côtés d'Emmanuel Macron : pour éviter que ce camp-là, qui peut être rejoint
par une droite dure, ne gagne.

Propos recueillis par Petru Ghjaseppu Poggioli
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