Italie : Fratelli d'Italia a le vent en poupe
Fratelli d'Italia est en passe de devenir la principale force de droite et d(opposition au détriment de la Lega de Matteo Salvini et de Forza Italia de Silvio Berlusconi.
Italie : Fratelli d’Italia a le vent en poupe
Fratelli d’Italia est en passe de devenir la principale force de droite et d’opposition au détriment de la Lega de Matteo Salvini et de Forza Italia de Silvio Berlusconi.
Le 29 janvier dernier, au huitième tour, Sergio Mattarella a été réélu président de la République italienne. 759 suffrages sur 984 se sont portés sur son nom. L’intéressé âgé de 80 ans avait exprimé le souhait de se retirer de l’action politique. Mais aucun parti ou famille politique représenté au Parlement n’ayant été capable de faire gagner un(e) candidat(e) issu(e) de ses rangs, et ce, à la demande ou avec l’accord de la plupart des principaux leaders, il a fini par accepter au nom de « l’intérêt de la nation » de rester au Quirinal (l’équivalent de l’Élysée).
Le Président du Conseil Mario Draghi qui espérait être élu Président de la République sans s’être explicitement déclaré, a matière à être déçu. Cependant si n’avoir pas pu succéder à Sergio Mattarella a représenté pour l’intéressé un échec au niveau personnel, il est loin d’en être de même au niveau politique. L’impuissance des principaux partis favorise, au moins pour quelques mois, la politique économique à la fois libérale, volontariste et rigoureuse, et donc conforme aux critères de la Commission Européenne, que s’efforce de conduire ce technocrate et ancien Président de la Banque Centrale Européenne. En effet, les élections générales devant avoir lieu en 2023, Mario Draghi qui n’a accédé à la présidence du Conseil qu’en février de l’an passé, dispose désormais d’un répit pour agir au niveau sanitaire contre la pandémie Covid, déployer un plan de relance économique (les ministres ont d’ailleurs dû présenter des feuilles de route au début de ce mois), ancrer davantage l’Italie au sein de l’Union Européenne et affaiblir les eurosceptiques (il a la confiance et le soutien de Paris et Berlin et a obtenu des aides financières considérables malgré l’important endettement de son pays).
Crise au sein de la droite
Les partis qui ont opté pour la solution Mattarella affirment avoir choisi une démarche responsable. Ils invoquent avoir été guidés par deux volontés : éviter une crise politique alors que le pays traverse une situation difficile aux niveaux sanitaire et économique ; être en concordance avec une opinion publique majoritairement favorable au Président Mattarella. Cependant beaucoup d’italiens considèrent qu’une fois de plus tout n’a été que « combinazione». Ces italiens estiment que le prochain Parlement (Chambre des députés, Sénat) devant compter 345 membres de moins (600 au lieu de 945), beaucoup d’élus ont fait pression pour aboutir à un accord, et ainsi éviter des élections anticipées qui les auraient privés d’un an d’indemnités parlementaires et aussi d’une retraite d’élu. La réalité des choses se situe sans doute entre ces deux interprétations mais les manœuvres politiciennes qui ont eu cours durant l’élection présidentielle ont déçu beaucoup de militants et de sympathisants, particulièrement à droite. Au sein de cette famille politique, la participation active de Matteo Salvini, le leader de la Lega, aux tractations qui ont abouti à l’élection de Sergio Mattarella, a été très mal ressentie. Celui que ses partisans appellent « O Capitano » et en lequel beaucoup d’italiens, y compris parmi ses détracteurs, voyaient un pourfendeur des pratiques politiciennes, apparaît désormais comme un énième représentant du « système ». Il est même durement critiqué au sein de son parti. Cette perte de popularité et de crédibilité du « Capitano», si elle suscite une crise au sein de la droite, profite cependant à une de ses composantes : Fratelli d’Italia.
Georgia Meloni passe l’offensive
Fratelli d’Italia qui, contrairement à la Lega de Matteo Salvini et à Forza Italia de Silvio Berlusconi n’a pas soutenu avec les autres principaux partis la solution Mattarella qui conforte Mario Draghi et sa politique, peut désormais revendiquer être le seul véritable parti d’opposition et espérer capter les électeurs déçus par l’action du gouvernement ou rejetant les arrangements politiciens.
De récents sondages portant sur les intention de vote permettent d’ailleurs à ce parti de croire en son étoile. Fratelli d'Italia (environ 20%) talonne le Parti Démocrate qui soutient Mario Draghi (21%) et devance la Lega (17,5%) et Forza Italia (8 %).
Encouragée par ces évolutions, Georgia Meloni, la leader de Fratelli d'Italia, est passée à l’offensive. Elle a opposé sa formule de refondation de la droite à celle proposée par Matteo Salvini et, sur sa page Facebook, elle a clairement affiché les ambitions de son parti : « La démocratie reviendra et nous serons prêts […] Le pouvoir du peuple est plus fort que l’alchimie du Palais. Nous rendons la parole au peuple italien qui en démocratie est souverain. » Si la progression de Fratelli d’Italia s’avère durable, le centre de gravité de la droite italienne pourrait passer du populisme de la faconde cher à Matteo Salvini ou du culte de la réussite aussi individualiste qu’insolente qu’incarne Silvio Berlusconi, à une démarche ayant un ancrage idéologique. En effet, bien que membre avec La Lega et Forza Italia d’une coalition électorale s’affichant de centre droit, Fratelli d'Italia se réfère ouvertement à un mélange de nationalisme italien, de rejet de l’étranger, de national-conservatisme et de droite sociale qui ont en grande partie caractérisé la ligne politique de Benito Mussolini. Certains épisodes et prises de position confirment d’ailleurs ce voisinage idéologique.
En 2019, Fratelli d'Italia a organisé un dîner à l’occasion de l'anniversaire de la Marche sur Rome. Giorgia Meloni propose de remplacer les fêtes nationale du 25 avril (libération lors de la Deuxième guerre mondiale) et du 2 juin (Festa della Repubblica) qui « sèment la division », par une date qu’elle juge plus neutre et unificatrice : le 4 novembre (armistice de la Première Guerre mondiale).
Alexandra Sereni