Derrière les slogans, un grand vide
Aujourd'hui , il n'existe plus guère de forces politiques insulaires qui ne réclament l'autonomie
Derrière les slogans, un grand vide
L’une des victoires indéniables du mouvement nationaliste a été de faire entrer dans la vie politique courante, outre le riacquistu culturali, l’idée que l’avenir de la Corse passait par des liens distendus avec l’état français. Aujourd’hui, il n’existe plus guère de forces politiques insulaires qui ne réclament l’autonomie, l’autodétermination voire l’indépendance pour les plus radicaux. Et pourtant quand on cherche le contenu de ces slogans incantatoires on trouve un grand vide.
Une terre de droite
La Corse n’a jamais été une terre de gauche si ce n’est durant une courte période à la Libération. Sinon, elle a plébiscité le général de Gaulle et a toujours porté à sa tête des hommes de droite, qui adoptaient des réformes pour mieux les freiner. Peut-on parler d’arriver de la gauche au pouvoir avec la présidence exécutive de Paul Giacobbi ? Il n’y eut aucune rupture avec la politique clanique traditionnelle. Ce personnage incarnait dans toute sa rondeur l’un des partis traditionnels de la bipolarité corse. Avec les nationalistes, le constat est différent. Lorsqu’a été créé le FLNC, le monde occidental tournait le dos aux aventures coloniales. Or c’est le moment où des militants corses, venant pour beaucoup d’entre eux de la droite voire de l’extrême droite, décidèrent de prendre la relève de l’ancien nationalisme qui avait été mis à tapis par la dérive fasciste d’avant-guerre. Or ces militants avaient pour eux le courage et la détermination, mais une culture politique qui, en matière d’anticolonialisme, était particulièrement déficiente. Se réclamant de la gauche décoloniale, ils trouvèrent des plumes pour suppléer leurs carences. Le premier opuscule du FLNC fut été écrit par un militant maoïste puis il se fera aider dans ses exercices de propagande par quelques militants trotskystes de Grenoble. Mais si la forme pouvait faire illusion, le fond restait celui d’un mélange curieux d’archaïsmes ancestraux et d’une pensée très fortement marquée par l’ostracisme traditionnel des nationalismes de droite (campagne contre les Français et non contre la France, attentats contre des immigrés prétextant un grand remplacement fantasmé). Mais il restait cette apparence tissée de slogans qui jouaient le rôle de façade et de fondations.
Derrière les paravents le vide
Le FLNC ou plutôt les FLNC se sont parfois réclamés de l’indépendance et parfois de l’autodétermination ce qui n’est pas du tout la même chose. La première est à la question quand la seconde. Mais surtout, après l’épisode des contre-pouvoirs, concoctés avec des militants d’extrême gauche, le mouvement clandestin s’est réfugié derrière une barricade constituée d’un meta langage circulaire et peu compréhensible.. Les communiqués stigmatisaient l’état assassin (alors que le FLNC a tué plusieurs militaires et policiers tandis que l’inverse n’est pas vrai), mais sans aucun programme. Le terme d’indépendance était devenu une vérité tautologique. Elle allait tout régler d’un coup de baguette magique. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le vote indépendantiste n’a jamais dépassé 5 à 8 % des électeurs inscrits et qu’on peut affirmer sans grand risque de se tromper qu’en cas de référendum, il s’effondrerait plus bas encore. À côté du slogan d’indépendance est apparue la revendication de l’autodétermination. En Corse, elle est devenue la dernière lettre de l’acronyme MPA pour Muvimentu per l’autodetermazione, cache-sexe du FLNC Canal habituel. Elle est ensuite devenue la marque de fabrique du PNC. Mais l’autodétermination est le fruit d’un combat mené par celles et ceux qui veulent obliger leur propre gouvernement à poser la question aux peuples minoritaires à charge pour ceux-ci d’y répondre par l’indépendance, l’autonomie ou le statu quo. Il est pour le moins curieux de s’interroger soi-même sans jamais indiquer sa propre réponse. Enfin, l’autonomie revendiquée à cors et à cris par la classe politique insulaire a ceci de pittoresque que désormais elle représente un souhait unanime sans que personne ne n’en ait précisé le contenu qu’elle revêtira.
Un peu de clarté serait nécessaire
Dans de telles conditions, l’électorat n’est appelé à choisir entre tous ces groupes que sur des impressions affectives, des faux-semblants ou des personnes, jamais sur des propositions claires. Que déjà ceux qui brandissent ces oriflammes nous démontrent qu’ils sont capables d’administrer la collectivité unique en l’état et qu’ils nous permettent de choisir des programmes détaillés et non des résumés de tracts.
GXC