Guerre en Ukraine : la faute à Poutine et aux autres
La guerre qui dévaste l'Ukraine et affecte son peuple est avant tout la conséquence de rapports de force entre trois pôles d'intérêts.
Guerre en Ukraine : la faute à Poutine et aux autres
La guerre qui dévaste l’Ukraine et affecte son peuple est avant tout la conséquence de rapports de force entre trois pôles d’intérêts. Et chacune de ses partie estime avoir des arguments légitimes, solides et recevables à faire valoir.
Le pire est arrivé. C’est la guerre!
L’Ukraine et son peuple paieront certes le prix le plus élevé : des milliers de morts et de blessés militaires ou civils ; un territoire dévasté et peut-être en partie ou dans sa totalité occupé ou annexé ; un gouvernement imposé par l’Étranger. Comme ni la défaite, ni la victoire ne sont belles à l’issue d’une guerre, la Russie sera aussi durement touchée : des milliers de militaires morts ou blessés, une économie durablement plombée par les sanctions économiques, un isolement diplomatique, une image guerrière et destructrice.
Enfin, comme les dommages collatéraux existent, les économies et les populations les plus modestes de nombreux pays ne seront pas épargnés. Ils souffriront du ralentissement des échanges qui résultera des sanctions économiques infligée à une grande puissance, de la raréfaction et du prix élevé des matières premières et des denrées causés par la mise à l’écart ou la dégradation des productions russes et ukrainiennes, de l’augmentation des ressources affectées au retour à la course aux armements. A qui la faute ? Le fauteur de guerre est d’ores et déjà désigné car aussi bien les apparences que les faits sont en sa défaveur. C’est selon la volonté et les ordres de Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, dirigeant ayant les pleins pouvoirs et gouvernant son pays d’une main de fer, que les troupes russes pilonnent et assaillent l’Ukraine.
Il est donc logique et même a priori légitime que des sanctions soient infligés à la Russie, à tous ses dirigeants politiques, à ses chefs militaires, à ses élites, à son activité économique. Et, parallèlement, il donc tout aussi logique et même a priori légitime qu’un soutien politique, militaire, financier et humanitaire soit apporté à l’Ukraine , à ses dirigeants et à sa population. Ce qui est d’ailleurs le cas. A l’exception notable de la Chine et de l’Inde, à l’heure où sont écrites ces lignes, il est vérifié que les pays les plus influents ou les plus puissants de la planète ont décidé de frapper au portefeuille la Russie et ses élites, et de livrer des armes et ouvrir des lignes de crédits à l’Ukraine.
Tout cela étant écrit, il convient toutefois aussi de mettre en exergue que la guerre en cours n’a pas uniquement résulté de la volonté de Vladimir Poutine de montrer les muscles de son pays ou du projet imputé à ce dernier de vouloir recréer un « Empire des Tsars » ou « l’ex-URSS ». Cette vision simpliste et de portée manichéenne des choses donne certes bonne conscience à beaucoup de monde mais la réalité est autre. La guerre qui dévaste l’Ukraine et affecte son peuple est avant tout la conséquence de rapports de force entre trois pôles d’intérêts. Et chacune de ses partie estime avoir des arguments légitimes, solides et recevables à faire valoir.
Bon droit ukrainien et paranoïa russe
L’Ukraine a assurément le dossier le plus aisé à défendre.
Elle est un pays internationalement reconnu. Les habitant du territoire ukrainien ont majoritairement choisi de se séparer de la Russie et de se doter d’un État, en usant d’un droit reconnu par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et utilisé avant eux par des dizaines de populations : le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ou droit à l’autodétermination. Les dirigeants ukrainiens ont toujours été élus de façon globalement démocratique. Enfin, comme tout État, l’Ukraine est en principe en droit d’exercer sa souveraineté comme bon lui semble, en faisant librement le choix de ses appartenances à des instances internationales, de ses alliances militaires, de ses coopérations et échanges de toutes sortes.
La Russie a un dossier moins aisé à faire prendre en considération. Mais certains de ses arguments ne doivent pas être balayés d’un revers de main. Immense plaine d’Europe qui n’est protégée à l’Ouest et au Nord par aucune barrière naturelle significative, le territoire russe est aux yeux de ses habitant et ses dirigeants, et ce, depuis des siècles, un espace vulnérable. Et cela ne relève pas de la paranoïa sans objet car car la Russie a été envahie plusieurs fois et a payé cher le prix du sang (en dernier lieu, des millions de Russes, militaires ou civils, ont été victimes de l’invasion nazie). Ce qui conduit la Russie a considérer comme un comportement hostile et même une menace que les pays satellites de l’ex-Pacte de Varsovie et les Pays baltes aient rejoint l’OTAN et donc le camp des USA, et de ce fait acceptent la présence de troupes et de systèmes d’armement US sur leur sols.
Tant que le gouvernement de Kiev était pro-russe, la Russie déplorait certes le choix de l’Ukraine de voler de ses propres ailes. Mais elle ne représentait pas encore pour le Kremlin une menace ou un espace susceptible d’accueillir des forces de l’OTAN.
Quand l’Ukraine s’est dotée de dirigeants pro-occidentaux et affichant la volonté d’intégrer leur pays à l’OTAN, la Russie a estimé être en droit et en devoir de réagir pour garantir sa sécurité. Tout a commencé avec la prise de contrôle de la Crimée et l’action des pro-russes du Donbass de s’émanciper du pouvoir de Kiev et d’ériger en États séparés les oblasts de Donetsk et Lougansk. Tout continue avec le conflit qui vient de débuter. Certains estiment aussi, se référant à un texte publié en juillet dernier par Vladimir Poutine, que la Russie souhaite revenir à une situation où Russes et Ukrainiens « ne formaient qu’un seul peuple ». Il est probable que ce n’est pas cet argument relevant de l’idéologie et du romantisme, qui a décidé le maître du Kremlin, adepte du principe de réalité, à déclencher un conflit majeur et et non sans risque.
Toute honte bue...
Le dossier le moins probant est celui de l’OTAN. Dominé par la vision du monde USA et par la peur des pays baltes et des anciens pays membres du Pacte de Varsovie, il défend une démarche de constitution d’un glacis des démocraties afin de se protéger d’une Russie présentée soit comme une dictature, soit étant animée d’intentions néo-soviétiques ou impérialistes. On retrouve aussi dans ce dossier la pensée de penseurs de la géopolitiques et responsables politiques US qui considèrent vital d’empêcher l’existence ou la constitution d’une puissance eurasiatique qui menacerait la prépondérance politique, militaire et économique des USA en Europe et au Moyen-Orient.
Ceci explique d’ailleurs sans doute qu’après la guerre froide et l’effondrement de l’URSS, les USA aient non seulement maintenu l’OTAN mais aient aussi tout fait pour la renforcer et la porter jusqu’aux portes de la Russie. Ceci explique également que les USA et leurs alliés, bien que n’ignorant rien du danger couru par ce pays et sachant qu’ils ne pourraient ni l’assister directement, ni assurer sa protection, ne l’ont ni dissuadé de renoncer à l’expression de sa volonté d’intégrer l’OTAN, ni même incité à la prudence. Aujourd’hui, tout ce beau monde verse des larmes et se pare de vertus en se posant en défenseur farouche de l’Ukraine. Toute honte bue...
Pierre Corsi