Tentative d'assassinat sur Yvan Colonna : les vraies questions
La terrifiante agression contre Yvan Colonna interroge à plus d'un titre.
TENTATIVE D’ASSASSINAT SUR YVAN COLONNA : LES VRAIES QUESTIONS
La terrifiante agression contre Yvan Colonna interroge à plus d’un titre. Elle lève le voile sur la politique carcérale très ambigüe des autorités pénitentiaires en ce qui concerne les détenus islamistes et corses. Elle souligne l’urgence extrême d’un rapprochement pour les prisonniers insulaires, seule alternative pour éviter un nouveau drame.
Les plus subtiles arguties des responsables de l’administration pénitentiaire et des Autorités judiciaires ne peuvent et ne pourront masquer un fait totalement stupéfiant : le rôle « d’auxiliaire d’étage », rémunéré, qui est d’ordinaire attribué à des prisonniers modèles et qui a été confié à Arles à un détenu djihadiste et auteur de multiples incidents : 14 en l’espace d’une année, outre l’agression d’une interne en psychiatrie ! C’est ce rôle d’auxiliaire de ménage
qui lui a permis d’avoir accès, en l’absence du moindre surveillant, second point lui aussi sidérant, à la salle de musculation où se trouvait Yvan Colonna, alors que l’un comme l’autre ont le statut de DPS, c’est-à-dire Détenu particulièrement signalé… C’est précisément ce statut qui est mis en exergue depuis des années par la justice pour refuser le rapprochement d’Yvan Colonna, de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi, sous prétexte qu’en Corse, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une surveillance aussi étroite que dans les centres de détention du continent ! En l’occurrence, aucun gardien n’a vu, malgré les écrans de contrôle qui se trouvaient dans la salle de la prison d’Arles, ce qu’il se passait durant les minutes fatidiques où l’agresseur, laissé seul avec Yvan Colonna, s’est jeté sur lui alors qui lui tournait le dos, l’a roué de coups et a tenté de l’étrangler…
Par ailleurs, si le Yvan Colonna n’a obtenu aucun rapprochement, demandé depuis des années, et bien que les nationalistes aient renoncé à la lutte armée, l’agresseur de Colonna pour sa part a non seulement été changé de prison comme il le désirait, mais il bénéficiait d’un régime de faveur, alors que le prosélytisme djihadiste en milieu carcéral défraie la chronique et a révélé ses sinistres conséquences dans l’actuel procès des attentats du 13 novembre 2015. Son emploi d’auxiliaire d’étage a donné à Franck Elong Abé, outre une rémunération – ce qui envoie un étonnant message aux autres détenus : la preuve d’une reconnaissance et d’un pouvoir manifeste ! – une invraisemblable liberté de mouvement dans l’enceinte de la prison. Elle lui permettait de se rendre, à l’étage où il travaillait, dans divers lieux et installations, comme la salle de musculation et éventuellement donc d’y rencontrer, en l’absence de surveillants, comme cela a été le cas le jour fatidique, d’autres détenus et de les menacer, les agresser, ou au contraire leur faire passer des messages, de sa part ou de la part d’autres djihadistes … Son travail lui permettait également d’avoir accès à des produits ménagers, qui peuvent s’avérer non seulement dangereux – manipulés par quelqu’un ayant fait comme lui des tentatives de suicide et provoqué plusieurs incendies – mais aussi avoir une utilisation encore plus problématique, comme la fabrication d’engins explosifs.
Par ailleurs, un autre point interroge : un autre prisonnier corse, Alain Ferrandi, condamné lui aussi pour l’assassinat du préfet Erignac, a déjà été agressé dans le passé. Il avait dû être hospitalisé, en 2005, suite à de violents coups à la tête. Le contexte n’était pas le même que celui de l’affaire d’Yvan Colonna, mais malgré tout, c’est un précédent indispensable à rappeler. De fait, des détenus aussi médiatisés que ceux liés à l’assassinat du préfet Erignac, qui ont en outre un statut à part vu la durée de leur incarcération, ne peuvent que générer une focalisation en milieu carcéral, où les égos et les rapports de pouvoir sont exacerbés.
Au-delà de l’attention suscitée par Colonna, Alessandri et Ferrandi, au profil très particulier, ce sont bien souvent les Corses eux-mêmes qui focalisent une attention spécifique de la part de leurs codétenus, dans les prisons de l’Hexagone. Elle est née à la fois d’une certaine mythification d’un côté et de l’autre de ressentiments divers, par rapport à des stéréotypes qui conduisent à les croire unanimement adeptes de certaines convictions, comme l’islamophobie par exemple, qu’ils ne partagent pas forcément, loin de là. Par ailleurs, les Corses ont indéniablement un profil à part dans le champ carcéral en tant que membres d’une communauté ayant une « historicité », une visibilité, et un statut singulier, en raison de l’identité politique que les nombreuses incarcérations de nationalistes ont généré depuis quarante ans dans les prisons de l’Hexagone. Les Basques ont eux aussi eu sur ce point une identité similaire, mais en revanche, ils n’ont pas eu la même histoire dans le champ socio-judiciaire français.
Divers films qui ont eu pour certains un grand succès ont mis en exergue, souvent de façon très caricaturale au demeurant, cette dimension spécifique de la population carcérale insulaire. En 2009, celui d’Audiard, « Un Prophète », évoquant la confrontation entre détenus Corses et islamistes, à la charnière entre droit commun et politique, a donné une grande audience aux rapports intercommunautaires qui se sont construits depuis ces dernières décennies autour des deux univers culturels qui ont marqué la vie politique et judiciaire en France.
De fait, la réalité de la population carcérale contemporaine a longtemps fait des Nationalistes corses quasiment les seuls détenus (outre les Basques, mais ils ont été moins marquants, côté français, qu’en Espagne), fonctionnant en communauté, à avoir une dimension différente du droit commun, même si ce statut n’est plus reconnu depuis la suppression en 1981 de la Cour de Sûreté de l’Etat. Cette dimension politique leur a conféré un statut pouvant déranger certains prisonniers djihadistes ou proches de l’Islam radical qui veulent s’imposer comme la seule « autorité » officieuse représentant les détenus et reconnue par l’administration pénitentiaire comme par le reste de la population carcérale.
Si Franck Elong Abé, malgré son curriculum vitae très chargé et sa fragilité psychologique a pu obtenir un rôle d’auxiliaire d’étage, c’est peut-être d’ailleurs, bien que les Autorités ne le reconnaîtront jamais, par rapport à son profil djihadiste ! Au vu de l’enquête administrative ouverte suite à l’agression, certaines sources bien informées soulignent déjà que l’avis de la Commission qui avait accepté de lui confier ce poste n’était pas très avisé et a surpris… C’est pourtant avec un large aval des Autorités pénitentiaires et judiciaires que Franck Elong Abé a pu avoir cette affectation.
Et s’il était prévu initialement qu’il sorte en 2023, malgré son parcours et sa dangerosité connue de tous, alors que les trois détenus insulaires ne peuvent même pas bénéficier d’un rapprochement avec leurs familles en Corse, bien qu’ils n’aient jamais posé de problème en prison, le fait est plus que troublant. Comme le soulignait l’avocat Eric Barbolosi dans un documentaire de Via Stella sorti en 2017, les Autorités judiciaires montrent souvent plus de constance dans leur acharnement contre les Corses que contre les djihadistes, alors que le Flnc a déposé les armes depuis 2014 et qu’en revanche, le terrorisme islamiste, à la violence sans commune mesure avec celle des clandestins corses, est loin d’avoir renoncé à ses sinistres desseins.
C’est parce qu’Yvan Colonna aurait soi-disant « mal parlé du Prophète » que Franck Along Abé dit l’avoir agressé. Vu le contexte, si après cette tentative d’assassinat, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sont maintenus en prison sur le continent, la responsabilité de l’Etat sera encore plus grande que dans le cas présent. Ce serait une mise en danger délibérée que ce refus de rapprochement induirait, avec toutes les répercussions politiques qu’un nouveau drame ne pourrait que provoquer en Corse.
La terrifiante agression contre Yvan Colonna interroge à plus d’un titre. Elle lève le voile sur la politique carcérale très ambigüe des autorités pénitentiaires en ce qui concerne les détenus islamistes et corses. Elle souligne l’urgence extrême d’un rapprochement pour les prisonniers insulaires, seule alternative pour éviter un nouveau drame.
Les plus subtiles arguties des responsables de l’administration pénitentiaire et des Autorités judiciaires ne peuvent et ne pourront masquer un fait totalement stupéfiant : le rôle « d’auxiliaire d’étage », rémunéré, qui est d’ordinaire attribué à des prisonniers modèles et qui a été confié à Arles à un détenu djihadiste et auteur de multiples incidents : 14 en l’espace d’une année, outre l’agression d’une interne en psychiatrie ! C’est ce rôle d’auxiliaire de ménage
qui lui a permis d’avoir accès, en l’absence du moindre surveillant, second point lui aussi sidérant, à la salle de musculation où se trouvait Yvan Colonna, alors que l’un comme l’autre ont le statut de DPS, c’est-à-dire Détenu particulièrement signalé… C’est précisément ce statut qui est mis en exergue depuis des années par la justice pour refuser le rapprochement d’Yvan Colonna, de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi, sous prétexte qu’en Corse, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une surveillance aussi étroite que dans les centres de détention du continent ! En l’occurrence, aucun gardien n’a vu, malgré les écrans de contrôle qui se trouvaient dans la salle de la prison d’Arles, ce qu’il se passait durant les minutes fatidiques où l’agresseur, laissé seul avec Yvan Colonna, s’est jeté sur lui alors qui lui tournait le dos, l’a roué de coups et a tenté de l’étrangler…
Par ailleurs, si le Yvan Colonna n’a obtenu aucun rapprochement, demandé depuis des années, et bien que les nationalistes aient renoncé à la lutte armée, l’agresseur de Colonna pour sa part a non seulement été changé de prison comme il le désirait, mais il bénéficiait d’un régime de faveur, alors que le prosélytisme djihadiste en milieu carcéral défraie la chronique et a révélé ses sinistres conséquences dans l’actuel procès des attentats du 13 novembre 2015. Son emploi d’auxiliaire d’étage a donné à Franck Elong Abé, outre une rémunération – ce qui envoie un étonnant message aux autres détenus : la preuve d’une reconnaissance et d’un pouvoir manifeste ! – une invraisemblable liberté de mouvement dans l’enceinte de la prison. Elle lui permettait de se rendre, à l’étage où il travaillait, dans divers lieux et installations, comme la salle de musculation et éventuellement donc d’y rencontrer, en l’absence de surveillants, comme cela a été le cas le jour fatidique, d’autres détenus et de les menacer, les agresser, ou au contraire leur faire passer des messages, de sa part ou de la part d’autres djihadistes … Son travail lui permettait également d’avoir accès à des produits ménagers, qui peuvent s’avérer non seulement dangereux – manipulés par quelqu’un ayant fait comme lui des tentatives de suicide et provoqué plusieurs incendies – mais aussi avoir une utilisation encore plus problématique, comme la fabrication d’engins explosifs.
Par ailleurs, un autre point interroge : un autre prisonnier corse, Alain Ferrandi, condamné lui aussi pour l’assassinat du préfet Erignac, a déjà été agressé dans le passé. Il avait dû être hospitalisé, en 2005, suite à de violents coups à la tête. Le contexte n’était pas le même que celui de l’affaire d’Yvan Colonna, mais malgré tout, c’est un précédent indispensable à rappeler. De fait, des détenus aussi médiatisés que ceux liés à l’assassinat du préfet Erignac, qui ont en outre un statut à part vu la durée de leur incarcération, ne peuvent que générer une focalisation en milieu carcéral, où les égos et les rapports de pouvoir sont exacerbés.
Au-delà de l’attention suscitée par Colonna, Alessandri et Ferrandi, au profil très particulier, ce sont bien souvent les Corses eux-mêmes qui focalisent une attention spécifique de la part de leurs codétenus, dans les prisons de l’Hexagone. Elle est née à la fois d’une certaine mythification d’un côté et de l’autre de ressentiments divers, par rapport à des stéréotypes qui conduisent à les croire unanimement adeptes de certaines convictions, comme l’islamophobie par exemple, qu’ils ne partagent pas forcément, loin de là. Par ailleurs, les Corses ont indéniablement un profil à part dans le champ carcéral en tant que membres d’une communauté ayant une « historicité », une visibilité, et un statut singulier, en raison de l’identité politique que les nombreuses incarcérations de nationalistes ont généré depuis quarante ans dans les prisons de l’Hexagone. Les Basques ont eux aussi eu sur ce point une identité similaire, mais en revanche, ils n’ont pas eu la même histoire dans le champ socio-judiciaire français.
Divers films qui ont eu pour certains un grand succès ont mis en exergue, souvent de façon très caricaturale au demeurant, cette dimension spécifique de la population carcérale insulaire. En 2009, celui d’Audiard, « Un Prophète », évoquant la confrontation entre détenus Corses et islamistes, à la charnière entre droit commun et politique, a donné une grande audience aux rapports intercommunautaires qui se sont construits depuis ces dernières décennies autour des deux univers culturels qui ont marqué la vie politique et judiciaire en France.
De fait, la réalité de la population carcérale contemporaine a longtemps fait des Nationalistes corses quasiment les seuls détenus (outre les Basques, mais ils ont été moins marquants, côté français, qu’en Espagne), fonctionnant en communauté, à avoir une dimension différente du droit commun, même si ce statut n’est plus reconnu depuis la suppression en 1981 de la Cour de Sûreté de l’Etat. Cette dimension politique leur a conféré un statut pouvant déranger certains prisonniers djihadistes ou proches de l’Islam radical qui veulent s’imposer comme la seule « autorité » officieuse représentant les détenus et reconnue par l’administration pénitentiaire comme par le reste de la population carcérale.
Si Franck Elong Abé, malgré son curriculum vitae très chargé et sa fragilité psychologique a pu obtenir un rôle d’auxiliaire d’étage, c’est peut-être d’ailleurs, bien que les Autorités ne le reconnaîtront jamais, par rapport à son profil djihadiste ! Au vu de l’enquête administrative ouverte suite à l’agression, certaines sources bien informées soulignent déjà que l’avis de la Commission qui avait accepté de lui confier ce poste n’était pas très avisé et a surpris… C’est pourtant avec un large aval des Autorités pénitentiaires et judiciaires que Franck Elong Abé a pu avoir cette affectation.
Et s’il était prévu initialement qu’il sorte en 2023, malgré son parcours et sa dangerosité connue de tous, alors que les trois détenus insulaires ne peuvent même pas bénéficier d’un rapprochement avec leurs familles en Corse, bien qu’ils n’aient jamais posé de problème en prison, le fait est plus que troublant. Comme le soulignait l’avocat Eric Barbolosi dans un documentaire de Via Stella sorti en 2017, les Autorités judiciaires montrent souvent plus de constance dans leur acharnement contre les Corses que contre les djihadistes, alors que le Flnc a déposé les armes depuis 2014 et qu’en revanche, le terrorisme islamiste, à la violence sans commune mesure avec celle des clandestins corses, est loin d’avoir renoncé à ses sinistres desseins.
C’est parce qu’Yvan Colonna aurait soi-disant « mal parlé du Prophète » que Franck Along Abé dit l’avoir agressé. Vu le contexte, si après cette tentative d’assassinat, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sont maintenus en prison sur le continent, la responsabilité de l’Etat sera encore plus grande que dans le cas présent. Ce serait une mise en danger délibérée que ce refus de rapprochement induirait, avec toutes les répercussions politiques qu’un nouveau drame ne pourrait que provoquer en Corse.