Quel avenir pour le GIRTEC ?
Si la compétence de l'organisme est aujourd hui reconnue par tous, bon nombre d'incertitudes planent actuellement quant à son devenir
Quel avenir pour le GIRTEC ?
Groupement d’intérêt public créé en 2007, le GIRTEC a pour objectif d’aider à résoudre le désordre foncier de l'île causé par l’absence de titres de propriétés. Si la compétence de l’organisme est aujourd’hui reconnue par tous, bon nombre d’incertitudes planent actuellement quant à son devenir.
Contrairement à l’idée reçue, le GIRTEC ne délivre pas de titre de propriété : son travail s'articule surtout autour d’études de documents cadastraux et généalogiques, remontant parfois sur plusieurs siècles, afin de recouper et synthétiser un grand nombre d’informations qui permettront au notaire d’établir un titre. Une fois sollicité, le travail du groupement est gratuit : même les frais coûteux, en cas de recours à un généalogiste ou un géomètre par exemple, sont pris en charge par l’organisme.
Les membres du GIRTEC sont l’Etat, la Collectivité de Corse (CdC), les associations des maires et le Conseil régional des notaires de Corse. Jusqu’en 2017, la structure a essentiellement travaillé avec le notariat dans le cadre du règlement des successions de leurs clients. Le GIRTEC collabore par ailleurs avec les différents acteurs du Foncier, services de l’Etat, municipalités et intercommunalités. Le Japon, la Polynésie et la Martinique sont venus étudier le fonctionnement de cette structure insulaire, modèle en la matière, afin de s’en inspirer.
L’innovation numérique au cœur du processus
Acteur désormais incontournable, fort de son expérience et de ses compétences pluridisciplinaires, le GIRTEC a par ailleurs développé en interne des logiciels et techniques s’appuyant sur la numérisation et l’indexation de plus de 2 millions de documents. Ces nouveaux outils, qui pourraient être utilisés ailleurs, permettent aujourd’hui d’obtenir des résultats probants en quelques minutes. « En plaisantant, on dit au GIRTEC qu’il faut pour renseigner une demande 10 ans et 10 minutes : 10 ans pour la création de l’outil et maintenant 10 minutes pour répondre » commente Christophe Vergon, géomètre et architecte logiciel. Bien que révolutionnaires, ces nouvelles technologies ne peuvent néanmoins résoudre tous les problèmes, et avec une capacité de traitement annuelle de l’ordre de 500 dossiers, le GIRTEC semble se heurter à un plafond de verre. Si l’organisme étudie actuellement en interne des moyens d’accélérer le processus, l’inspection des finances a quant à elle estimé, dans un rapport établi en 2018, qu’il faudrait plusieurs décennies pour résorber le désordre foncier de l’île.
Une guerre de gouvernance ?
Pérennisé en 2017, le financement du GIRTEC, jusque-là lié au Programme Exceptionnel d'Investissement dans l’île (PEI), n’est plus fléché à partir de 2022. L'Etat et la CDC se sont tous deux néanmoins engagés à renégocier leur participation financière respective à l'expiration du PEI. Nul doute que la discorde opposant la majorité territoriale et Pascal Lelarge aura retardé quelque peu l’échéance. D’après nos sources, la nomination au mois d’août de Yolande Rognard comme présidente du GIRTEC, après entretien avec le Préfet et sans consultation au préalable du président du Conseil exécutif, aurait enfoncé le clou, la loi précisant pourtant bien que toute désignation d’un nouveau président doit se faire « après avis du président du Conseil exécutif de Corse » …
La nouvelle présidente du GIRTEC souhaite laisser derrière elle cette polémique et se concentrer sur l’avenir. Elle assure vouloir travailler avec la CdC et pour la Corse, « au service de tous les acteurs. » Interrogée sur cette question, la présidente répond sans tabou : « J’ai candidaté régulièrement pour ce poste en détachement comme je l’avais fait pour un précédent détachement dans les fonctions de sous-préfet. A mon arrivée sur l’île, j’ai été surprise par la polémique de nomination d’une non corse et sans accord du Président de l’Exécutif. En ce qui me concerne, je suis dans un esprit d’ouverture et de compréhension. Etant magistrate, j’ai toujours été attachée à l’impartialité de mes décisions. Je le reste. Je suis au service de l’intérêt général ». L’ancienne présidente du tribunal judiciaire de Besançon a par ailleurs invité l’ensemble des parlementaires de l’île à venir découvrir le réel potentiel de ce groupement. Concernant le financement de la structure, la magistrate ne tergiverse pas : « il n’est pas envisageable que le GIRTEC ne soit plus financé. […] C’est une question de fond, les membres du GIRTEC vont devoir s’interroger sur un financement durable puisque la difficulté foncière est loin d’être résolue. Comme dans toutes structures, le financement détermine bien évidemment les actions et ceux à qui le service est rendu. Il est nécessaire que cette question soit débattue prochainement. » Dans une interview réalisée en 2017 par Corsenetinfos, Gilles Simeoni exprimait clairement sa volonté de prendre la gouvernance de l’organisme, détenu majoritairement par l’Etat : « S’agissant d’un outil essentiel dans le cadre de la politique foncière de la Corse, la CDC a vocation à devenir majoritaire. Nous assumerions, évidemment, la majorité du financement. Nous souhaitons inscrire, de plus en plus, l’action du GIRTEC dans notre stratégie foncière d’ensemble telle qu’elle peut être déclinée, par exemple, par l’Office foncier et l’Agence de l’urbanisme. Il y a forcément des synergies fortes à établir entre ces outils. »
Conventionner avec les collectivités
Depuis 2017, la mission du groupement d’intérêt public a été étendue. Les collectivités et les services de l’Etat saisissent désormais souvent la structure pour avoir une meilleure connaissance du foncier. Cette demande des collectivités et des services de l’Etat ne cesse de croître. Selon la présidente du GIRTEC, qui souhaite que le groupement conventionne avec un maximum de communes, tous subissent le désordre foncier et tous sont une partie de la solution : « les collectivités sont en première ligne de la difficulté, il est normal qu’elles puissent bénéficier de l’appui et des connaissances du GIRTEC qui ne peut pas être au seul service des particuliers. Par ailleurs, lorsqu’elles sollicitent le GIRTEC pour mettre en œuvre des actions d’aménagement ou de sécurité, elles favorisent la recherche et l’identification des propriétaires. » L’avantage est qu’elles permettent un travail sur des ensembles de parcelles et donc des portions de territoires plus importantes.
Quid de la CdC ?
Pour la présidente du GIRTEC, il est aussi nécessaire de « travailler avec la CdC qui porte l’avenir de l’île. » Cependant, le projet de convention proposé par la Région est d’après elle « un peu restrictif ». La magistrate espère pouvoir proposer un nouveau projet de convention « plus ambitieux » au président de l’exécutif, très prochainement.
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Petru Ghjaseppu Poggioli
Le GIRTEC et la Corse en quelques chiffres :
- 10 : c’est le nombre de personnels qui composent l’équipe pluridisciplinaire du GIRTEC-
10.000 : c’est approximativement le nombre de titres qui ont été délivrés grâce au concours du GIRTEC
- 816 000 : c’est le nombre de parcelles en Corse.
- 290 000 (36%) : c’est le nombre de parcelles dont les propriétaires sont présumés décédés. Contrairement à l’idée reçue, les villes aussi sont concernées par ce désordre, certaines à hauteur de près 40 % de non titrement.
- 16% : c’est le pourcentage de surfaces correspondant à des biens non délimités (BND) : cela signifie que la parcelle est délimitée mais concerne plusieurs titulaires de droits. De nombreuses communes sont constituées à plus de 50% de BND.
- 2 millions : c’est la somme des documents qui ont été numérisés et indexés depuis la création du GIRTEC.
- 60 téraoctets : c’est la mémoire utilisée par c