Dossier corse : une réforme par décennie
A la suite de la visite du ministre de l'intérieur dans l'île, un nouveau cycle de discussions concernant l 'avenir institutionnel de la Corse s'est ouvert.
Dossier corse : une réforme par décennie
À la suite de la visite du ministre de l’Intérieur dans l’île, un nouveau cycle de discussions concernant l’avenir institutionnel de la Corse s’est ouvert. Par le passé, élus insulaires et gouvernements successifs se sont déjà retrouvés autour de la table des négociations pour réformer l’île.
En se disant “prêt à aller jusqu’à l’autonomie” juste avant d’arriver dans l’île pour apaiser la situation, puis en écrivant le mot noir sur blanc dans le compte rendu acté le jour de son départ (et signé uniquement par Gilles Simeoni), Gérald Darmanin a ouvert la porte à la plus vieille revendication du mouvement nationaliste corse.
Dans ce même texte, le ministre de l’Intérieur indique que “le périmètre de ce processus couvrira l’ensemble des problématiques corses, sans exclusive", dont "l'évolution institutionnelle vers un statut d’autonomie qui reste à préciser”. Si le locataire de la Place Beauvau “a néanmoins réaffirmé deux principes intangibles, rappelés par le Président de la République : la Corse dans la République et le refus de créer deux catégories de citoyens", le cycle de discussions reste bel et bien enclenché.
Entre l’île et Paris, ce schéma n’est pas nouveau. Loin s’en faut. Sur les quarante dernières années, à peu près une fois tous les dix ans, la Corse a vu son statut évoluer à la suite d’ouvertures de négociations entre ses élus et les différents gouvernements. Bien souvent, celles-ci se sont déroulées après des épisodes de violence comme l’île vient d’en être le témoin récemment avec les affrontements survenus lors des manifestations de soutien à Yvan Colonna.
La loi Defferre
En mars 1982, dix mois après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, son ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre, lance un processus de décentralisation territoriale. Entre l'État et l’île, des discussions discrètes ont lieu. Celles-ci se font par l’intermédiaire du socialiste Bastien Leccia, représentant des Corses de Marseille. Une poignée d’élus y prennent part, dont Edmond Simeoni, leader autonomiste de l’époque. La loi du 2 mars 1982 donnera donc naissance au premier statut particulier de la Corse. “L’organisation de la région de Corse tient compte des spécificités de cette région résultant, notamment, de sa géographie et de son histoire ", stipule l’article premier. Ainsi, cette réforme marque la création de l’Assemblée de Corse qui sera élue pour la première fois en août 1982. La veille de l’élection de Propser Alfonsi à la présidence, le FLNC organise une nuit bleue (99 attentats). Dans le même temps, une loi d’amnistie prévoit la libération de ses militants emprisonnés.
Le statut Joxe
Neuf ans plus tard, un autre statut vient modifier le paysage institutionnel insulaire. Pour tenter de trouver une réponse à la violence clandestine, et après que son prédécesseur Place Beauvau a décidé de “terroriser les terroristes”, Pierre Joxe engage des discussions avec les nationalistes. En 1989, une nouvelle amnistie (à l’exception des crimes de sang) est accordée aux prisonniers dits “politiques”. En avril 1991, un texte de loi est ensuite voté à l’Assemblée nationale dans lequel l’article premier reconnaît l'existence du « peuple corse, composante du peuple français ». Ce qui provoque une vive réaction de la droite et d’une partie de la gauche. Le statut Joxe sera validé par le Conseil constitutionnel, qui refusera toutefois de reconnaître la notion de “peuple corse”. S'ensuivra la création de la Collectivité territoriale de Corse : son assemblée est désormais composée d’un conseil exécutif élu et dispose de compétences renforcées et élargies.
Le processus de Matignon
La troisième grande réforme institutionnelle de l’île commence à se négocier vingt mois après l’assassinat du préfet Erignac. À partir du 13 décembre 1999, à Paris, Lionel Jospin reçoit à Matignon vingt-huit élus corses - dont deux nationalistes - dans un contexte très tendu : trois semaines auparavant, deux attentats en plein jour ont eu lieu à Ajaccio. “Il me semblait qu’il fallait sortir d’une situation de blocage,
expose alors le Premier ministre, et qu’il fallait le faire par le dialogue, dans la transparence.” Promulguée en janvier 2002, cette loi sur le statut de la Corse lui confère des pouvoirs renforcés, une avancée sur l’enseignement de la langue dans le premier degré, et la mise en place d’un plan exceptionnel d’investissement (PEI) de 2 milliards d'euros sur 15 ans.
Ces accords marquent surtout une première dans la méthode : celle qui consiste à y faire participer tous les groupes de l’Assemblée de Corse. Un peu comme l’a proposé Gérald Darmanin la semaine dernière. Au moment de quitter l’île, le ministre a en effet donné rendez-vous aux élus corses début avril à Paris pour “débuter un premier cycle de réunions”. Pour l’instant, seul Gilles Simeoni a signé le texte dans lequel il est écrit que ce processus de négociations devra “être conclu avant la fin de l’année 2022”. Reste à savoir s’il changera, lui aussi, le visage institutionnel de l’île.
A.S
À la suite de la visite du ministre de l’Intérieur dans l’île, un nouveau cycle de discussions concernant l’avenir institutionnel de la Corse s’est ouvert. Par le passé, élus insulaires et gouvernements successifs se sont déjà retrouvés autour de la table des négociations pour réformer l’île.
En se disant “prêt à aller jusqu’à l’autonomie” juste avant d’arriver dans l’île pour apaiser la situation, puis en écrivant le mot noir sur blanc dans le compte rendu acté le jour de son départ (et signé uniquement par Gilles Simeoni), Gérald Darmanin a ouvert la porte à la plus vieille revendication du mouvement nationaliste corse.
Dans ce même texte, le ministre de l’Intérieur indique que “le périmètre de ce processus couvrira l’ensemble des problématiques corses, sans exclusive", dont "l'évolution institutionnelle vers un statut d’autonomie qui reste à préciser”. Si le locataire de la Place Beauvau “a néanmoins réaffirmé deux principes intangibles, rappelés par le Président de la République : la Corse dans la République et le refus de créer deux catégories de citoyens", le cycle de discussions reste bel et bien enclenché.
Entre l’île et Paris, ce schéma n’est pas nouveau. Loin s’en faut. Sur les quarante dernières années, à peu près une fois tous les dix ans, la Corse a vu son statut évoluer à la suite d’ouvertures de négociations entre ses élus et les différents gouvernements. Bien souvent, celles-ci se sont déroulées après des épisodes de violence comme l’île vient d’en être le témoin récemment avec les affrontements survenus lors des manifestations de soutien à Yvan Colonna.
La loi Defferre
En mars 1982, dix mois après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, son ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre, lance un processus de décentralisation territoriale. Entre l'État et l’île, des discussions discrètes ont lieu. Celles-ci se font par l’intermédiaire du socialiste Bastien Leccia, représentant des Corses de Marseille. Une poignée d’élus y prennent part, dont Edmond Simeoni, leader autonomiste de l’époque. La loi du 2 mars 1982 donnera donc naissance au premier statut particulier de la Corse. “L’organisation de la région de Corse tient compte des spécificités de cette région résultant, notamment, de sa géographie et de son histoire ", stipule l’article premier. Ainsi, cette réforme marque la création de l’Assemblée de Corse qui sera élue pour la première fois en août 1982. La veille de l’élection de Propser Alfonsi à la présidence, le FLNC organise une nuit bleue (99 attentats). Dans le même temps, une loi d’amnistie prévoit la libération de ses militants emprisonnés.
Le statut Joxe
Neuf ans plus tard, un autre statut vient modifier le paysage institutionnel insulaire. Pour tenter de trouver une réponse à la violence clandestine, et après que son prédécesseur Place Beauvau a décidé de “terroriser les terroristes”, Pierre Joxe engage des discussions avec les nationalistes. En 1989, une nouvelle amnistie (à l’exception des crimes de sang) est accordée aux prisonniers dits “politiques”. En avril 1991, un texte de loi est ensuite voté à l’Assemblée nationale dans lequel l’article premier reconnaît l'existence du « peuple corse, composante du peuple français ». Ce qui provoque une vive réaction de la droite et d’une partie de la gauche. Le statut Joxe sera validé par le Conseil constitutionnel, qui refusera toutefois de reconnaître la notion de “peuple corse”. S'ensuivra la création de la Collectivité territoriale de Corse : son assemblée est désormais composée d’un conseil exécutif élu et dispose de compétences renforcées et élargies.
Le processus de Matignon
La troisième grande réforme institutionnelle de l’île commence à se négocier vingt mois après l’assassinat du préfet Erignac. À partir du 13 décembre 1999, à Paris, Lionel Jospin reçoit à Matignon vingt-huit élus corses - dont deux nationalistes - dans un contexte très tendu : trois semaines auparavant, deux attentats en plein jour ont eu lieu à Ajaccio. “Il me semblait qu’il fallait sortir d’une situation de blocage,
expose alors le Premier ministre, et qu’il fallait le faire par le dialogue, dans la transparence.” Promulguée en janvier 2002, cette loi sur le statut de la Corse lui confère des pouvoirs renforcés, une avancée sur l’enseignement de la langue dans le premier degré, et la mise en place d’un plan exceptionnel d’investissement (PEI) de 2 milliards d'euros sur 15 ans.
Ces accords marquent surtout une première dans la méthode : celle qui consiste à y faire participer tous les groupes de l’Assemblée de Corse. Un peu comme l’a proposé Gérald Darmanin la semaine dernière. Au moment de quitter l’île, le ministre a en effet donné rendez-vous aux élus corses début avril à Paris pour “débuter un premier cycle de réunions”. Pour l’instant, seul Gilles Simeoni a signé le texte dans lequel il est écrit que ce processus de négociations devra “être conclu avant la fin de l’année 2022”. Reste à savoir s’il changera, lui aussi, le visage institutionnel de l’île.
A.S