Sinn fèin : une victoire historique pour rien ?
Aprés avoir remporté les législatives locales du 5 mai, le Sinn Fèin se retrouve en position de diriger l'exécutif nord- irlandais.
Sinn Féin : une victoire historique pour rien ?
Après avoir remporté les législatives locales du 5 mai, le Sinn Féin, l’aile politique de l’IRA, se retrouve en position de diriger l’exécutif nord-irlandais. C’est une première dans le nord de l’Irlande qui a profondément changé depuis les accords du Vendredi Saint, le 10 avril 1998, qui mettaient fin à la guerre civile entamée une quarantaine d’années auparavan
Un incertain partage du pouvoirL’incontestable victoire du Sinn Féin plonge dans l’incertitude l’accord sur le partage du pouvoir. Car les accords du Vendredi saint en 1998 stipulaient qu’un Premier ministre nationaliste ne pouvait gouverner sans un vice-premier ministre unioniste et vice-versa. Or les protestants unionistes du DUP, le Parti unioniste démocrate, ont averti qu’ils envisageaient de ne pas participer au gouvernement notamment à cause des espoirs que cette victoire pourrait susciter quant à l’unification de l’Irlande coupée en deux depuis 1921. On craint évidemment un retour des troubles entre catholiques et protestants dans une province où de fragiles accords de partage du pouvoir ont permis de maintenir la paix pendant plus de vingt ans. La gouvernance de l’Irlande du Nord paraît donc mal partie à cause de l’attitude des unionistes du DUP.
Une réunification en latence
Les accords du Vendredi saint ne prévoient de référendum sur la réunification que si une majorité d’électeurs se déclare favorable à une réunification avec la république d’Irlande. Or, exactement comme en Écosse, et selon les derniers sondages, les Nord-Irlandais semblent être un peu moins de 50 % à se déclarer favorables à une telle éventualité. Et d’ailleurs, le Sinn Féin lui-même ne place pas cette revendication en tête de son programme. Il se décrit comme un parti socialiste européen moderne, progressiste sur les questions sociales et l’économie. Alors que l’IRA était très rétrograde sur les questions touchant à l’IVG et à la contraception, suivant en cela l’Église catholique, Michelle O’Neill, la dirigeante du Sinn Féin en Irlande du Sud, bien que fille d’un membre de l’IRA, n’a elle-même jamais eu aucun lien avec l’organisation armée et affiche sur sa page Face Book des drapeaux arc-en-ciel, symbole du mouvement LGBT.
Des protestants menacés par leur aile radicale
Le principal parti unioniste exige que les accords du Vendredi saint soient modifiés de fond en comble ou supprimés. L’enjeu n’est pas simplement le pouvoir local. L’Irlande du nord, à rebours du Royaume-Uni, mais comme l’Écosse, a majoritairement voté contre le Brexit illustrant la mutation de sa société. De plus en plus de jeunes ne veulent plus être assimilés à une religion ou une autre. Sur le plan économique, de nombreuses entreprises dépendent désormais des liens créés entre les deux Irlandes. Signé avec l’UE dans le cadre du Brexit, cet accord a conduit au maintien de certaines règles européennes en Irlande du Nord et à l’instauration de contrôles sur les marchandises qui traversent la mer d’Irlande entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord. Les unionistes sont contre à la fois par principe, mais aussi parce qu’ils craignent d’être abandonnés par la Grande-Bretagne. Or le DUP possède une aile radicale menée par le Traditional Unionist Voice qui a gagné des voix.
Un nécessaire compromis
Johnson et ses ministres ont promis de n’appliquer le protocole que s’il était remanié. Cependant, ils ont arrêté de menacer de le violer surtout dans le contexte de l’union sacrée face à Poutine. La crise irlandaise a donc toutes les chances de durer avec à la clef des menaces de nouveaux troubles. Mais l’avenir est en faveur d’une unification. La crise, aggravée par le Brexit, fait qu’en Irlande du Nord le système de santé par exemple est en pleine déroute. Il faut attendre jusqu’à sept ans pour avoir accès à certains médecins généralistes.
Et s’il y a paralysie
Le leader du DUP Jeffrey Donaldson a averti que son parti ne participerait pas au gouvernement et ne ferait pas de Michelle O’Neill la Première ministre, si des changements n’étaient pas apportés au protocole. Mais le Sinn Féin a surtout gagné en faisant campagne sur les difficultés quotidiennes des Irlandais, notamment l’augmentation du coût de la vie et de la santé, faisant passer au second plan ses ambitions de réunification. Il apparaît donc comme le parti le plus pragmatique et le plus efficace. Les générations attachées à l’histoire ancienne sont en train de disparaître. D’autant que les fastes de l’Empire britannique appartiennent eux aussi à un passé bel et bien révolu. L’Écosse, elle-même piaffe d’impatience aux portes de l’Europe. Boris Johnson aura bel et bien été le fossoyeur de la Grande-Bretagne. Il faudra encore des années pour parvenir à une Irlande unifiée. Mais cela arrivera : c’est certain.
GXC