• Le doyen de la presse Européenne

Un héros de la résistance

Dans tout récit historique global, on fait un choix entre les protagonistes afin de célébrer ses héros.

Un héros de la Résistance

Dans tout récit historique global, on fait un choix entre les protagonistes afin de célébrer ses héros. Et au bout de toute aventure humaine, on trouve des personnes qui ont fait un choix heureux et d’autres qui pour bien des raisons se sont fourvoyés. Je voudrais commencer cette rubrique par une période bien sombre durant laquelle une poignée de femmes et d’hommes — et non la masse du peuple — décida de combattre quand bien même la victoire finale semblait lointaine, voire inaccessible. Et parce que tout récit doit être porté par des êtres de chair et de sang, j’ai choisi celui de Charles Bonafedi dit Charlot.



Une île très pétainiste


Contrairement à une légende, la Corse, comme toute la France, fut largement pétainiste. Ce ne fut pas simplement une attitude passive. 20 000 insulaires demandèrent leur carte à la Légion, organisme créé pour soutenir le Maréchal et sa politique de collaboration. Les partisans de Simon Sabiani, l’ancien communiste devenu l’un des « patrons » du PPF de Doriot prônaient l’allégeance pleine et entière à l’Allemagne hitlérienne et son influence était loin d’être négligeable notamment dans le sud de l’île. En face, le Parti communiste commençait à peine à s’organiser et ne fut réellement en état de marche qu’à partir de novembre 1942 après l’invasion de la zone sud et celle de la Corse par 80 000 soldats italiens. Ribeddu, le héros légendaire de la résistance communiste, que j’avais rencontré à Aullène quelques années avant sa mort, me confiait qu’au mois de juillet 1943, lui et ses hommes passaient de nuit dans certains villages de peur d’être dénoncés. Or, il est une microrégion particulièrement organisée par la résistance communiste : le Front national. Les actions de sabotage et d’embuscades mettent en fureur l’occupant qui le 6 juillet 1943 décide d’une action de répression importante. La population est rassemblée et, sur dénonciation, 35 patriotes sont arrêtés, molestés, certains torturés avant d’être déportés à l’île d’Elbe avant l’Autriche.

Le camarade Charlot


Charles Bonafedi dit Charlot a vu le jour à Petretu Bicchisano le 10 juillet 1925 et travaillait pour devenir instituteur. Malgré son jeune âge, il avait été nommé responsable de la résistance sur le canton. Il est l’aîné d’une fratrie de trois garçons, enfants de Basile, le forgeron du village et d’Anne-Marie Mondoloni originaire de Sartène. Quelques semaines auparavant, le 27 juin, chez Antoinette et Jacques Bonafedi, 9 boulevard Madame Mère à Ajaccio, la Gestapo italienne a arrêté sur dénonciation d’un homme retourné puis sur indication d’un militant corse du Partitu corsu d’Azzione, une partie de la direction du Front national : Jacques Bonafedi, Jérôme Santarelli et Jean Nicoli. Ce dernier sera décapité au couteau par les Chemises noires peu de temps avant le soulèvement de septembre. Charles Bonafedi est déporté en Autriche dans un camp de concentration d’où il s’évade le 26 août 1944. Il rejoint alors l’Armée de Libération nationale et Détachements des partisans de Slovénie et est intégré dans la brigade Gubec. Il participe en tant que mitrailleur à de nombreux combats contre les SS et les supplétifs croates de l’armée nazie. Le 2 mars 1945, il est tué par un éclat d’obus.

Un héros corse célébré en Slovénie


En raison de sa bravoure, il est décoré de la Médaille yougoslave du Courage. Cet internationaliste sans concession repose aux côtés de 74 autres combattants à Radohova Vas en Slovénie dans un mausolée d’importance nationale. Mais avant de mourir il avait écrit une lettre à ses parents : « Mes très chers parents,
Je vous écris à tout hasard, car je ne sais si ma lettre vous parviendra. Enfin, vous saurez qu’avant de partir j’ai pensé à vous. Demain à une heure de l’après-midi je pars… Ici une ressource s’offre à moi ; ne pouvant combattre aux côtés des Français, je vais rejoindre les patriotes slaves.
Si vous restez longtemps sans nouvelles de moi, ne désespérez pas, car s’il m’arrivait malheur vous seriez prévenus ; mais si cela arrivait ne me pleurez pas, je serais mort en tâchant de faire mon devoir. J’ai vu, papa, les sacrifices que tu as consentis pour m’envoyer à l’école. Si je vais combattre c’est pour que d’autres papas n’aient pas besoin de se saigner pour élever leurs enfants, c’est pour que tout le monde travaille dans un monde en paix et de prospérité. Si je tombe, d’autres resteront qui finiront notre œuvre. Si vous recevez la nouvelle de ma mort, plantez une croix à côté de la tombe de Jules Mondoloni. Si je ne reviens pas, sachez que ma dernière pensée aura été pour vous et pour la cause.
Je vous embrasse de tout mon cœur. Votre fils qui pensera toujours à vous. Charlot »


GXC
Partager :