<< L' heure du départ >> de Camille de Casabianca
Germaine ou la rire éternel
« L’heure du départ » de Camille de Casabianca
Germaine ou le rire éternel
De l’âge, du grand âge on parle beaucoup, souvent pour ne rien dire et encore plus souvent pour cacher une peur de la mort. On discourt volontiers sur la perte d’autonomie. On disserte sur la sénilité. On palabre donc à tord et à travers. C’est exactement le contraire que fait Camille de Casabianca dans son bouleversant film, « L’heure du départ ».
Sur quelques trois décennies la cinéaste a suivi, derrière son objectif, Germaine, sa grand-mère paternelle. Et voilà des brassées d’images souriantes, rieuses, espiègles. Pourquoi cette « Heure du départ » ? Parce que la réalisatrice nous confie en voix off qu’elle aime filmer les gens âgés et qu’elle regrette ne pas l’avoir fait avec son grand-père maternel, Louis de Casabianca qui a laissé une trace vive dans l’architecture et l’urbanisme de Bastia. Elle nous révèle également dans ce splendide documentaire de création, où elle apparait au fil du récit, qu’elle cherche à savoir « comment vivent ceux qui peuvent partir demain »… Une quête en somme mêlant tendresse et besoin de connaître, un peu à la façon du « co-naître » de Paul Claudel.
Germaine on la découvre radieuse lors d’un festival de Cannes où son fils, Alain Cavalier, est en sélection pour l’une de ses œuvres. La dame, soixante-dix ans bien sonnés, ne manque pas de lancer, un brin moqueur que sans elle : point de fils et donc point de film ! Enjouement et persiflage dessinent le portrait d’une femme plutôt alerte physiquement et pleine de vivacité d’esprit.
Des années après c’est une Germaine rayonnante qu’on rencontre en son jardin sous un soleil joyeux qui écarte toute tristesse et d’affirmer qu’elle veut mourir… en riant. Car le rire l’habite de plus en plus, à mesure qu’elle additionne les ans. Le rire de Germaine. Le rire qui magnifie ses traits. Le rire qui sublime sa bouille ronde. Le rire qui lui infuse jour après jours une soif de vivre. Le rire qui la bonifie en vieillissant, car on pourrait soupçonner qu’elle n’a pas tout le temps été drôle et bienveillante, sans toutefois pouvoir en jurer !
Soudain Camille de Casabianca fait un pas de côté pour retrouver celle qui l’a élevée : Rosa, qui à la retraite est repartie s’installer en Espagne. Rosa pour qui mourir c’est s’endormir et rien d’autre et qui invite à profiter de l’existence avant la fin… On ressent combien cette dame a compté pour la cinéaste tant leurs échanges sont touchants et chaleureux. Rosa, parenthèse fulgurante dans ce film, car son heure a sonné trop tôt.
Germaine, la malicieuse, clouée au lit, botte en touche lorsque sa petite l’interroge sur sa vie amoureuse. Elle pratique un peu l’évitement pour mieux laisser entendre. Elle est surtout pudique comme les femmes de son époque.
« L’heure du départ » ou un dialogue intergénérationnel ponctué de blancs, de silences, de questions en suspens et c’est ce qui fait son charme et c’est ce qui explique l’écho qu’il a en chaque spectateur. Emballée par son sujet la réalisatrice va se hasarder à une fiction à partir de la réalité qu’elle capte sur sa grand-mère. Résultat : un casting loufoque. Mais Germaine, la vraie, est la plus forte. La plus irrésistible. Même si son havre est désormais un « Epad » et sa maison désertée. Envers et malgré tout Germaine sait déguster avec amour un verre de champagne et se régaler de bon vin, alors que ses jambes l’ont abandonnée. Germaine, la vaillante, aborde son centenaire en… riant. Et arrivent les 102 ans. Et puis : terminus.
Le film est rythmé par des passages cadencés de train, marqueurs de distances, à la musique lancinante. Train évoquant le temps qui file, qu’on ne rattrapera jamais et qui déboule sur l’inéluctable.
Michèle Acquaviva-Pache
* A voir absolument au cinéma « Le Studio » de Bastia, le 6 juin à 19 h et le 7 juin à 17 h… en espérant qu’Ajaccio prenne le relais !
Germaine ou le rire éternel
De l’âge, du grand âge on parle beaucoup, souvent pour ne rien dire et encore plus souvent pour cacher une peur de la mort. On discourt volontiers sur la perte d’autonomie. On disserte sur la sénilité. On palabre donc à tord et à travers. C’est exactement le contraire que fait Camille de Casabianca dans son bouleversant film, « L’heure du départ ».
Sur quelques trois décennies la cinéaste a suivi, derrière son objectif, Germaine, sa grand-mère paternelle. Et voilà des brassées d’images souriantes, rieuses, espiègles. Pourquoi cette « Heure du départ » ? Parce que la réalisatrice nous confie en voix off qu’elle aime filmer les gens âgés et qu’elle regrette ne pas l’avoir fait avec son grand-père maternel, Louis de Casabianca qui a laissé une trace vive dans l’architecture et l’urbanisme de Bastia. Elle nous révèle également dans ce splendide documentaire de création, où elle apparait au fil du récit, qu’elle cherche à savoir « comment vivent ceux qui peuvent partir demain »… Une quête en somme mêlant tendresse et besoin de connaître, un peu à la façon du « co-naître » de Paul Claudel.
Germaine on la découvre radieuse lors d’un festival de Cannes où son fils, Alain Cavalier, est en sélection pour l’une de ses œuvres. La dame, soixante-dix ans bien sonnés, ne manque pas de lancer, un brin moqueur que sans elle : point de fils et donc point de film ! Enjouement et persiflage dessinent le portrait d’une femme plutôt alerte physiquement et pleine de vivacité d’esprit.
Des années après c’est une Germaine rayonnante qu’on rencontre en son jardin sous un soleil joyeux qui écarte toute tristesse et d’affirmer qu’elle veut mourir… en riant. Car le rire l’habite de plus en plus, à mesure qu’elle additionne les ans. Le rire de Germaine. Le rire qui magnifie ses traits. Le rire qui sublime sa bouille ronde. Le rire qui lui infuse jour après jours une soif de vivre. Le rire qui la bonifie en vieillissant, car on pourrait soupçonner qu’elle n’a pas tout le temps été drôle et bienveillante, sans toutefois pouvoir en jurer !
Soudain Camille de Casabianca fait un pas de côté pour retrouver celle qui l’a élevée : Rosa, qui à la retraite est repartie s’installer en Espagne. Rosa pour qui mourir c’est s’endormir et rien d’autre et qui invite à profiter de l’existence avant la fin… On ressent combien cette dame a compté pour la cinéaste tant leurs échanges sont touchants et chaleureux. Rosa, parenthèse fulgurante dans ce film, car son heure a sonné trop tôt.
Germaine, la malicieuse, clouée au lit, botte en touche lorsque sa petite l’interroge sur sa vie amoureuse. Elle pratique un peu l’évitement pour mieux laisser entendre. Elle est surtout pudique comme les femmes de son époque.
« L’heure du départ » ou un dialogue intergénérationnel ponctué de blancs, de silences, de questions en suspens et c’est ce qui fait son charme et c’est ce qui explique l’écho qu’il a en chaque spectateur. Emballée par son sujet la réalisatrice va se hasarder à une fiction à partir de la réalité qu’elle capte sur sa grand-mère. Résultat : un casting loufoque. Mais Germaine, la vraie, est la plus forte. La plus irrésistible. Même si son havre est désormais un « Epad » et sa maison désertée. Envers et malgré tout Germaine sait déguster avec amour un verre de champagne et se régaler de bon vin, alors que ses jambes l’ont abandonnée. Germaine, la vaillante, aborde son centenaire en… riant. Et arrivent les 102 ans. Et puis : terminus.
Le film est rythmé par des passages cadencés de train, marqueurs de distances, à la musique lancinante. Train évoquant le temps qui file, qu’on ne rattrapera jamais et qui déboule sur l’inéluctable.
Michèle Acquaviva-Pache
* A voir absolument au cinéma « Le Studio » de Bastia, le 6 juin à 19 h et le 7 juin à 17 h… en espérant qu’Ajaccio prenne le relais !