Pourquoi célèbre-t-on la défaite de Ponte Novu plutôt que la victoire du Borgu ?
La défaite et l'humiliation plutôt que la gloire et la victoire
Pourquoi célèbre-t-on la défaite de Ponte Novu plutôt que la victoire du Borgu
Le 15 mai 1768 est signé le traité de Versailles composé de seize articles officiels et deux secrets. Gênes renonce à titre provisoire à l’exercice de sa souveraineté sur la Corse et laisse la France s’y installer jusqu’à c qu’elle ait régénéré ses finances. Ça n’est donc pas une vente, mais une cession gagée. Quatre jours plus tard, les troupes françaises débarquent en nombre. Le 8 octobre, la bataille s’engage entre les forces nationales et les troupes françaises sous les ordres de Chauvelin. Le 8, les Corses dirigés par Clemente Paoli, Abbatucci, Gentili, Serpentini et Gaffori défont une armée supérieure en nombre et dotée d’une forte artillerie. Quelques mois plus tard, le 8 mai 1769, des troupes françaises plus nombreuses encore dirigées par le comte de Vaux défont les milices corses à Ponte Novu. Une victoire éclatante donc face à une défaite qui de plus n’avait rien de stratégique. Or entre les deux guerres, c’est la seconde date que les autonomistes du PCA et de la Muvra choisissent : la défaite et l’humiliation plutôt que la gloire et la victoire.
Réviser l’histoire corse au service de l’irrédentisme italien
Un livre de Jean-Marie Arrighi, un article d’Alain Venturini font que désormais la bataille de Ponte novo est connue jusque dans ces détails loin des exagérations des uns et des autres. Elle n’est pas simplement une défaite militaire : elle représente l’agonie du rêve indépendantiste corse. Le généralat paoliste (ne parlons pas de république. Paoli était un monarchiste inspiré par Montesquieu) a certes été vaincu par la démesure militaire française, mais aussi par les divisions au sein du peuple corse. Les matristes se retrouvent aux côtés des Français. Le sud est en grande partie indifférent aux choix des nationaux. Et l’État paoliste n’a plus d’argent pour payer les mercenaires. Mai est un mois durant lequel les paysans retournent dans les villages et les volontaires manquent. Alors, pourquoi célébrer cette défaite qui devrait plutôt être assimilée à un deuil ? Dans un très passionnant article paru sur le site de la Faculté des sciences historiques de Strasbourg, le doctorant Vincent Sarbach-Pulicani traite de la façon dont les irrédentistes se sont emparés de l’histoire de la Corse pour l’asservir aux besoins de leur cause. (La presse corsiste et irrédentiste : étude comparative et quantitative des revues « A Muvra » et « Corsica antica e moderna » entre 1932 et 1939). « Pour revenir sur la représentation de Pasquale Paoli dans la propagande fasciste, écrit-il, l’une des thèses abordée le plus fréquemment est que la Corse serait la première terre italienne à avoir lutté pour l’indépendance des Italiens. L’idée a germé au cours du XIXe siècle au sein d’intellectuels nationalistes italiens à l’instar de Niccolò Tommaseo ou Domenico Guerrazzi, installés en Corse dans la première moitié du siècle… Ainsi nous retrouvons en 1938 un article qui présente la bataille de Pontenovu comme étant le point de départ du Risorgimento italien face à l’envahisseur français tout en ignorant la partie du conflit entre Gênes et la jeune République corse. »
Ponte Novu symbole de la sauvagerie française et du passage de témoin à l’Italie éternelle
En 1938, Corsica Antica e Moderna, la revue italienne irrédentiste publie un article qui présente la bataille de Pontenovu comme le point de départ du Risorgimento italien (1861) face à l’envahisseur français. Le fait que Paoli plaçait Gênes comme l’ennemi mortel de la Corse est tout simplement oublié. Pourtant Gênes a possédé l’île durant plus de trois siècles. Voici la description qui est faite de la bataille :
« Un pont génois, à moitié détruit, puis d’autres gorges, et enfin, un autre pont génois, avec une croix blanche près de lui, “a Croce di u Ricordu”. Nous sommes à Pontenovo. Des fenêtres, nous tendons les mains, pour saluer la plaine fatale, où s’est déroulée la première bataille du Risorgimento italien. “Ici tombèrent les miliciens de Pasquale Paoli, combattant pour la liberté de la patrie”, ont gravé les Corses non dégénérés au pied de cette Croix. »
Comprenons ce qui est dit entre les lignes : les seules traces de civilisation sont celles laissées par Gênes. Les Corses de Paoli se sont battus pour que l’Italie reprenne le flambeau et que la Corse redevienne une région italienne. La victoire du Borgu démontrait la capacité des Corses à vaincre par eux-mêmes. Célébrer la défaite c’est passer le témoin à l’Italie. Cette célébration a été le sujet d’une immense controverse au sein du mouvement autonomiste corse et de nombreux militants ont refusé cette mainmise de l’irrédentisme sur l’histoire insulaire et plus encore cet effacement d’une volonté propre au profit d’une dynamique en direction de l’Italie. Il est simplement navrant que les nationalistes modernes n’aient pas fait le choix du Borgu contre celui de Ponte novu vraisemblablement par une sorte de paresse idéologique.
GXC
Le 15 mai 1768 est signé le traité de Versailles composé de seize articles officiels et deux secrets. Gênes renonce à titre provisoire à l’exercice de sa souveraineté sur la Corse et laisse la France s’y installer jusqu’à c qu’elle ait régénéré ses finances. Ça n’est donc pas une vente, mais une cession gagée. Quatre jours plus tard, les troupes françaises débarquent en nombre. Le 8 octobre, la bataille s’engage entre les forces nationales et les troupes françaises sous les ordres de Chauvelin. Le 8, les Corses dirigés par Clemente Paoli, Abbatucci, Gentili, Serpentini et Gaffori défont une armée supérieure en nombre et dotée d’une forte artillerie. Quelques mois plus tard, le 8 mai 1769, des troupes françaises plus nombreuses encore dirigées par le comte de Vaux défont les milices corses à Ponte Novu. Une victoire éclatante donc face à une défaite qui de plus n’avait rien de stratégique. Or entre les deux guerres, c’est la seconde date que les autonomistes du PCA et de la Muvra choisissent : la défaite et l’humiliation plutôt que la gloire et la victoire.
Réviser l’histoire corse au service de l’irrédentisme italien
Un livre de Jean-Marie Arrighi, un article d’Alain Venturini font que désormais la bataille de Ponte novo est connue jusque dans ces détails loin des exagérations des uns et des autres. Elle n’est pas simplement une défaite militaire : elle représente l’agonie du rêve indépendantiste corse. Le généralat paoliste (ne parlons pas de république. Paoli était un monarchiste inspiré par Montesquieu) a certes été vaincu par la démesure militaire française, mais aussi par les divisions au sein du peuple corse. Les matristes se retrouvent aux côtés des Français. Le sud est en grande partie indifférent aux choix des nationaux. Et l’État paoliste n’a plus d’argent pour payer les mercenaires. Mai est un mois durant lequel les paysans retournent dans les villages et les volontaires manquent. Alors, pourquoi célébrer cette défaite qui devrait plutôt être assimilée à un deuil ? Dans un très passionnant article paru sur le site de la Faculté des sciences historiques de Strasbourg, le doctorant Vincent Sarbach-Pulicani traite de la façon dont les irrédentistes se sont emparés de l’histoire de la Corse pour l’asservir aux besoins de leur cause. (La presse corsiste et irrédentiste : étude comparative et quantitative des revues « A Muvra » et « Corsica antica e moderna » entre 1932 et 1939). « Pour revenir sur la représentation de Pasquale Paoli dans la propagande fasciste, écrit-il, l’une des thèses abordée le plus fréquemment est que la Corse serait la première terre italienne à avoir lutté pour l’indépendance des Italiens. L’idée a germé au cours du XIXe siècle au sein d’intellectuels nationalistes italiens à l’instar de Niccolò Tommaseo ou Domenico Guerrazzi, installés en Corse dans la première moitié du siècle… Ainsi nous retrouvons en 1938 un article qui présente la bataille de Pontenovu comme étant le point de départ du Risorgimento italien face à l’envahisseur français tout en ignorant la partie du conflit entre Gênes et la jeune République corse. »
Ponte Novu symbole de la sauvagerie française et du passage de témoin à l’Italie éternelle
En 1938, Corsica Antica e Moderna, la revue italienne irrédentiste publie un article qui présente la bataille de Pontenovu comme le point de départ du Risorgimento italien (1861) face à l’envahisseur français. Le fait que Paoli plaçait Gênes comme l’ennemi mortel de la Corse est tout simplement oublié. Pourtant Gênes a possédé l’île durant plus de trois siècles. Voici la description qui est faite de la bataille :
« Un pont génois, à moitié détruit, puis d’autres gorges, et enfin, un autre pont génois, avec une croix blanche près de lui, “a Croce di u Ricordu”. Nous sommes à Pontenovo. Des fenêtres, nous tendons les mains, pour saluer la plaine fatale, où s’est déroulée la première bataille du Risorgimento italien. “Ici tombèrent les miliciens de Pasquale Paoli, combattant pour la liberté de la patrie”, ont gravé les Corses non dégénérés au pied de cette Croix. »
Comprenons ce qui est dit entre les lignes : les seules traces de civilisation sont celles laissées par Gênes. Les Corses de Paoli se sont battus pour que l’Italie reprenne le flambeau et que la Corse redevienne une région italienne. La victoire du Borgu démontrait la capacité des Corses à vaincre par eux-mêmes. Célébrer la défaite c’est passer le témoin à l’Italie. Cette célébration a été le sujet d’une immense controverse au sein du mouvement autonomiste corse et de nombreux militants ont refusé cette mainmise de l’irrédentisme sur l’histoire insulaire et plus encore cet effacement d’une volonté propre au profit d’une dynamique en direction de l’Italie. Il est simplement navrant que les nationalistes modernes n’aient pas fait le choix du Borgu contre celui de Ponte novu vraisemblablement par une sorte de paresse idéologique.
GXC