• Le doyen de la presse Européenne

Attention dérive mafieuse !

Les pouvoirs en place n'ont guère d'imagination. Ils possèdent le pouvoir. Alors, pour contrer les lanceurs d'alerte ...
Les pouvoirs en place n'ont guère d'imagination. Ils possèdent le pouvoir. Alors, pour contrer les lanceurs d'alerte, ils globalisent les accusations portées contre des individus ou accusent le système qui a permis la faute afin de la noyer dans un discours qui renversent les responsabilités. C'est ce que Trump a fait avec Snowden, Assange et tant d'autres. C'est ce que la mafia fait en Italie accusant régulièrement la justice italienne de combattre "la Sicile" ou "la Calabre" quand bien même les juges et les carabiniers sont eux aussi des Siciliens ou des Calabrais. C'est aussi dans une autre dimension la vieille technique de certains nationalistes qui, dès que la justice s'en prend à un copain, dénonce une offensive anti-corse. La démonstration vient d'en être faite récemment avec les enquêtes portant sur la fraude aux subventions européennes dans le domaine agricole, fraude qui démontre l'existence d'un système qui rappelle diablement une dérive mafieuse.

Une campagne européenne


Replaçons d'abord les enquêtes corses dans un contexte qui dépasse largement les frontières de notre île. Des dizaines d'arrestations ont été opérées en Sicile où des criminels se sont approprié souvent par l'intimidation et la violence d'immenses superficies de terrains dans le but de récupérer les fonds européens destinés aux éleveurs. Ces dix dernières années, près de trois milliards d'euros auraient ainsi terminé dans les poches de la mafia sicilienne Cosa Nostra. A priori on ne peut que se réjouir de ce que les autorités européennes cherchent enfin à connaître la destination de l'argent public. D'ailleurs de nouveaux outils sont en préparation à Bruxelles qui pourrait faciliter les investigations et la décision de prendre des sanctions. Les fonctionnaires européens travaillent aussi à un système qui permettra de geler ou de réduire l'accès aux fonds européens lorsqu'un État membre viole l'État de droit. Enfin un parquet européen indépendant qui devrait voir le jour dans le courant de l'année aura précisément pour rôle d'enquêter et d'engager des poursuites pour toutes les infractions portant atteinte au budget de l'UE. Jusqu'ici, seules les autorités nationales pouvaient enquêter et poursuivre ces crimes et ne pouvaient agir au-delà de leurs frontières. Pour résumer, ce qui se passe en Corse n'est que l'épiphénomène d'une démarche européenne globale et non pas une attaque spécifique contre les agriculteurs de notre île.

En Corse une dérive mafieuse à l'échelle de l'île


En Corse, les enquêtes portant sur les fausses déclarations destinées à toucher des subventions à l'hectare progressent. Et ce sont quelques familles, bien placées dans le monde agricole, qui ont été mises en accusation. Leur particularité est d'avoir acquis au fil des années une importance dans les structures administratives ou syndicales généralement contrôlées peu ou prou par des proches des nationalistes. La dernière affaire révélée par Hélène Constaty, courageuse journaliste de Mediapart, met en exergue les agissements de Jean-François Sammarcelli, président de la Chambre d'Agriculture, à ce jour exempt de toute poursuite. Ce dernier a tout aussitôt été défendu par le syndicaliste indépendantiste Joseph Colombani qui, comme on pouvait s'y attendre, a mis en cause l'architecture du système européen en matière de primes non sans raison d'ailleurs. Mais depuis le 13 novembre 2018, l’enquête ouverte pour "escroquerie" par le parquet d’Ajaccio sur dénonciation d'Anticor, met en cause l'aristocratie agricole corse. Le 7 avril prochain, Jean-Dominique Rossi, ancien directeur de la chambre d’agriculture de Corse-du-Sud, est cité à comparaître devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio pour escroquerie en bande organisée et blanchiment. Quatre membres de sa famille et un ouvrier agricole sont convoqués à ses côtés. Selon le parquet, le montant de l’escroquerie s’élèverait à 1,4 million d’euros cumulés sur les trois dernières années. En avril dernier, c’est le directeur du syndicat agricole FDSEA de Haute-Corse, Sauveur Vallesi, qui a été placé en garde à vue à Borgu avec trois autres personnes. Patrick Costa de Moltifao est également visé par une enquête préliminaire pour une fraude massive aux subventions européennes. Nous voilà loin d''une Corse servant "de bouc émissaire pour dénoncer un système" mais bien dans une évolution mafieuse c'est-à-dire à l'alliance du politique, de l'affairisme et de la voyoucratie en vue de siphonner l'argent public. Il n'en reste pas moins que l'état a été sacrément laxiste vraisemblablement pour s'éviter des problèmes avec les agriculteurs et plus particulièrement les amis des amis de certains nationalistes.
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