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130 ans de violence en Corse

Il est de bon ton d'affirmer haut et fort que la période que nous vivons est la plus violente jamais connue

130 ans de violence en Corse


Il est de bon ton d’affirmer haut et fort que la période que nous vivons est la plus violente jamais connue. C’est évidemment vrai dans certains pays de la planète où les trafics de drogue ont généré des conflits qui prennent l’allure de guerre civile. Mais pour ce qui concerne la Corse, c’est une fausse constatation. Le XIXe siècle a bien été dans la continuité des siècles précédents. Et plutôt que mettre en exergue l’intégration à la France, mieux vaut y voir une perpétuation de mœurs vindicatoires particulièrement meurtrières.

Un nombre record de meurtres et d’assassinats


Dans le second quart du XIXe siècle, le nombre annuel moyen de meurtres et d’assassinats portés devant les cours d’assises est de l’ordre de quatre cents seulement (soit 1,2 par centaine de milliers d’habitants). L’atténuation de la violence se poursuit jusque vers 1860, époque où ce nombre atteint un minimum, inférieur à trois cents, avant de croître ensuite fortement. Une cinquantaine d’années plus tard, en 1912, la France enregistre alors une forte poussée urbaine et un développement considérable de l’alcoolisme. L’évolution du nombre d’accusations, de meurtres et assassinats, c’est-à-dire d’instructions ouvertes, est la suivante jusqu’en 1930.

1825-1830 (la Restauration et la guerre des contumaces) 436
1831 - 1840 397/1841 - 1850 408
1851 -1860 (le Second empire) 332/1861 -1870 300
1871 -1880 (la IIIe République) /352 1881 - 1889 397/1891 -1900 373/1901 -1910 427
1921 -1930 448/1931-1938 372

Une violence qui ralentit mais ne s’arrête pas


Le nombre des condamnations prononcées en 1820 en Corse est deux à trois fois plus élevé en reste de la France. Le magistrat Robiquet, auteur d’un rapport sur le sujet, a calculé que, dans les années 1826-1831, le nombre des délits contre les personnes est neuf fois plus grand en Corse que dans le reste de la France, et qu’il y a trente fois plus de meurtres et douze fois plus d’assassinats. Il a également constaté que la proportion des homicides commis au moyen d’armes à feu, de couteaux et de poignards est beaucoup plus importante en Corse. La répression a des résultats évidents, bien que celle-ci ne soit réellement efficace que lorsqu’elle est accompagnée de mesures d’ordre économique. La loi du 10 juin 1853 interdisant le port d’arme est votée pour cinq ans, et prorogée deux fois pour être définitivement abrogée en 1868. Le nombre de meurtres et d’assassinats s’effondre : cent cinquante en 1851, quarante-deux en 1 855. Aussi spectaculaire soit-elle, cette chute laisse cependant les départements du Continent bien loin derrière la Corse : avec un cent soixantième de la population de la France, la Corse fournit encore à elle seule un neuvième des assassinats et des meurtres (au lieu d’un tiers quatre ans plus tôt !).

La tendance était alarmante en 1829-1831, le nombre proportionnel des accusés traduits devant la cour d’assises pour meurtre ou assassinat dépasse vingt-trois pour cent mille en Corse au lieu de moins d’un et demi dans le département de la Seine (soit dix-sept fois plus). Vingt ans plus tard, ce rapport grimpe à 41. Selon les criminologues, le taux corse est tout à fait exceptionnel et il faut remonter loin dans les annales de criminologie pour repérer pareille vague d’assassinats. « Nous n’avons trouvé d’équivalent que dans la population noire américaine au moment de sa plus grande fièvre meurtrière, au début des années soixante-dix, entretenue par un commerce frénétique des armes à feu », écrit Jean-Claude Chesnay.

La campagne de débanditisation de 1931


Si les bandits n’ont jamais cessé d’exister en Corse, la génération qui apparaît après la Première guerre mondiale brille par sa férocité. Ce ne sont plus que des parcittori et encore, ceux qui n’ont pas « réussi » sur le continent. Car, à Marseille, ce sont aussi des Corses qui tiennent le haut du pavé. Parmi eux, Bonaventure Carbone, un Proprianais, a fait ses premières armes dans le proxénétisme. Puis il s’est allié à un Italien, François Spirito, lui-même lié à la mafia italo-américaine. Profitant de la situation de carrefour maritime occupée par Marseille, il développe leur pouvoir jusqu’à tenir la ville. Pour ce faire, il s’allie à un Corse du Niolu, Simon Sabiani, passé de l’extrême-gauche à l’extrême-droite avant de collaborer avec l’occupant nazi. En Corse, le clanisme se sert du banditisme pour obtenir des voix. Nonce Romanetti, originaire de Calcatoghju, tué par les gendarmes le 25 avril 1926, avait tenu le pays ajaccien sans paraître craindre d’être arrêté. À son enterrement, son cercueil fut accompagné par cinq mille personnes parmi lesquelles tous les notables et le discours funèbre fut prononcé par l’avocat Cesar Campinchi, futur ministre de la République. C’est dire si le concubinage de la Corse et de la violence ne date pas d’hier.

GXC
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