Collectivité de Corse : entre centralisme ajaccien et balkanisation
Rien de facile dans le maintien de l 'équilibre......
Collectivité de Corse : entre centralisme ajaccien et balkanisatio
En matière d’adaptation de politiques de la Collectivité de Corse aux besoins spécifiques des territoires, maintenir un équilibre entre centralisme ajaccien et balkanisation, tout comme entre impartialité, équité et justice, n’en en rien facile.
La majorité siméoniste veut en finir avec le reproche qui lui est fait de pratiquer un nouveau centralisme.
En ce sens, elle a dernièrement présenté à l’Assemblée de Corse un dispositif contractuel étant censé adapter les politiques de la Collectivité de Corse aux besoins spécifiques des territoires. C’est promis, c’est juré, des contrats seront donc passés avec les communes et les intercommunalités dans la concertation et sous le signe du gagnant-gagnant.
Cette nouvelle stratégie a aussi pour ambition de concentrer les aides sur des projets structurants et des objectifs prioritaires. Julien Paolini, conseiller exécutif et président de l’Agence de l’urbanisme et de l’énergie, s’est employé à convaincre les conseillers de Corse des bonnes intentions du Conseil exécutif et de la pertinence des solutions proposées. Pour ce faire, il a eu la bonne idée de jouer la carte de la modestie en annonçant que le dispositif de « territorialisation des politiques publiques » qui était présenté était une « première étape » et qu’il convenait de poser « les jalons d’une relation partenariale nouvelle entre la Collectivité de Corse et les territoires ». Il a bien entendu aussi décrit, c’était de bonne guerre, cette relation nouvelle sous un jour favorable, en mettant en exergue qu’elle donnerait lieu à « un dialogue renforcé entre les acteurs », s’inscrirait dans « une logique de projet » et rejetterait le « coup par coup ». Enfin, il a expliqué le gagnant-gagnant en affirmant d’une part, que la politique globale de la Collectivité de Corse, en adaptant mieux ses actions aux spécificités des territoires, serait et apparaîtrait plus cohérente ; d’autre part, que les territoires, en étant conceptuellement, méthodologiquement et financièrement incités à définir des objectifs prioritaires et à réaliser des actions structurantes, emprunteraient plus aisément les chemins du développement.
Pas de table ouverte !
La Collectivité de Corse gardera cependant la main. Ce qui l’exposera encore à être soupçonnée de faire dans le centralisme ajaccien ou… niolin.
En effet, certes « dans le strict respect des compétences des deux parties », et quelles que soient les parties prenantes (Collectivité de Corse / Intercommunalité, Collectivité de Corse / groupe de communes, Collectivité de Corse / plusieurs groupes de communes liées par une ou des cohérences géographiques, sociales, historiques, économiques...), les contrats devront obligatoirement associer, comme l’a d’ailleurs franchement indiqué Julien Paolini, les priorités en matière de développement des territoires concernés avec ceux de la Collectivité de Corse.
La Collectivité de Corse gardera d’autant plus la main que la contractualisation ne relèvera pas de la table ouverte. Elle financera au cas par cas l’ingénierie nécessaire à l’élaboration des projets et à leur mise en œuvre, et mobilisera et mutualisera les moyens existants selon des objectifs de cohérence avec sa vision stratégique.
Ce serait cependant faire un mauvais procès au Conseil exécutif que de lui reprocher cette prépondérance de la Collectivité de Corse. En effet, cette prépondérance est à la fois incontournable et souhaitable. Incontournable car elle s’inscrit dans la logique institutionnelle qui a voulu faire de la Collectivité de Corse, depuis la fusion Collectivité Territoriale / Conseil généraux, le lieu d’élaboration des stratégies de développement de la Corse dans tous les domaines et l’initiatrice de leur application. Souhaitable car elle est en principe un garde-fou contre une balkanisation du développement du territoire corse et contre des pratiques de saupoudrage qui ont longtemps eu cours et ont fortement contribué au non-développement de l’île.
Tentations de s’affranchir ou de ramener au local
Le Conseil exécutif a d’ailleurs été bien inspiré d’assumer sa prépondérance en précisant que la contractualisation devrait tenir compte de ses exigences « d’efficacité, d’équilibre et d’équité » et des objectifs fixés depuis la fameuse « victoire historique » de décembre 2015 (usage de la langue corse, valorisation de la culture et du patrimoine corses, transition écologique, autonomie énergétique, lutte contre la spéculation…)
En effet, certes avec mesure et talent, et aussi quelque arguments recevables, des interventions d’opposants ont laissé percer des tentations de s’affranchir ou de beaucoup ramener au local . Une conseillère du Centre Corse a relevé « C’est une démarche intéressante pour les territoires mais qui comprend des contraintes », avant d’ajouter, comme pour pour préciser le sens de son intervention, que « les attentes des territoires peuvent différer de celles de la CDC » et que l’apport de financements et d’ingénierie pourrait dépendre de la docilité politique des communes ou intercommunalités, ou au moins de l’intégration sur mesure de leurs projets à ceux de la Collectivité de Corse. Il a aussi été suggéré qu’il serait bien vu par les élus de petites communes que la contractualisation avec la Collectivité de Corse aide ces communes à faire face aux coûteuses exigences des intercommunalités et des nouvelles réglementations. Le Conseil exécutif a d’ailleurs aussi bien inspiré en optant pour la modestie car des doutes ont été émis quant à la possibilité pour la Collectivité de Corse de « simplifier les outils » d’ingénierie ou de les délocaliser selon un souci d’efficacité, de « penser la relation aux territoires de manière différenciée » en se montrant à la fois impartial, équitable et juste, de « définir des zones prioritaires et bonifier les moyens sur ces zones » afin de bien répondre à la spécificité des besoins.
Pas facile !
Maintenir un équilibre entre centralisme ajaccien et balkanisation, tout comme entre impartialité, équité et justice, comme l‘ont montré ou rappelé les interventions de l’opposition, ne relève donc pas de la facilité. Et affirmer vouloir y parvenir n’est pas forcément ressenti comme étant crédible. Il serait donc plus que surprenant que l’aval qui a finalement été donné directement ou implicitement au nouveau dispositif (vote favorable de la majorité siméoniste, abstention des oppositions ou non participation au vote), se traduise, dans les mois qui viennent, quand seront signés les premiers contrats, par l’expression de grands satisfecit.
Pierre Corsi
En matière d’adaptation de politiques de la Collectivité de Corse aux besoins spécifiques des territoires, maintenir un équilibre entre centralisme ajaccien et balkanisation, tout comme entre impartialité, équité et justice, n’en en rien facile.
La majorité siméoniste veut en finir avec le reproche qui lui est fait de pratiquer un nouveau centralisme.
En ce sens, elle a dernièrement présenté à l’Assemblée de Corse un dispositif contractuel étant censé adapter les politiques de la Collectivité de Corse aux besoins spécifiques des territoires. C’est promis, c’est juré, des contrats seront donc passés avec les communes et les intercommunalités dans la concertation et sous le signe du gagnant-gagnant.
Cette nouvelle stratégie a aussi pour ambition de concentrer les aides sur des projets structurants et des objectifs prioritaires. Julien Paolini, conseiller exécutif et président de l’Agence de l’urbanisme et de l’énergie, s’est employé à convaincre les conseillers de Corse des bonnes intentions du Conseil exécutif et de la pertinence des solutions proposées. Pour ce faire, il a eu la bonne idée de jouer la carte de la modestie en annonçant que le dispositif de « territorialisation des politiques publiques » qui était présenté était une « première étape » et qu’il convenait de poser « les jalons d’une relation partenariale nouvelle entre la Collectivité de Corse et les territoires ». Il a bien entendu aussi décrit, c’était de bonne guerre, cette relation nouvelle sous un jour favorable, en mettant en exergue qu’elle donnerait lieu à « un dialogue renforcé entre les acteurs », s’inscrirait dans « une logique de projet » et rejetterait le « coup par coup ». Enfin, il a expliqué le gagnant-gagnant en affirmant d’une part, que la politique globale de la Collectivité de Corse, en adaptant mieux ses actions aux spécificités des territoires, serait et apparaîtrait plus cohérente ; d’autre part, que les territoires, en étant conceptuellement, méthodologiquement et financièrement incités à définir des objectifs prioritaires et à réaliser des actions structurantes, emprunteraient plus aisément les chemins du développement.
Pas de table ouverte !
La Collectivité de Corse gardera cependant la main. Ce qui l’exposera encore à être soupçonnée de faire dans le centralisme ajaccien ou… niolin.
En effet, certes « dans le strict respect des compétences des deux parties », et quelles que soient les parties prenantes (Collectivité de Corse / Intercommunalité, Collectivité de Corse / groupe de communes, Collectivité de Corse / plusieurs groupes de communes liées par une ou des cohérences géographiques, sociales, historiques, économiques...), les contrats devront obligatoirement associer, comme l’a d’ailleurs franchement indiqué Julien Paolini, les priorités en matière de développement des territoires concernés avec ceux de la Collectivité de Corse.
La Collectivité de Corse gardera d’autant plus la main que la contractualisation ne relèvera pas de la table ouverte. Elle financera au cas par cas l’ingénierie nécessaire à l’élaboration des projets et à leur mise en œuvre, et mobilisera et mutualisera les moyens existants selon des objectifs de cohérence avec sa vision stratégique.
Ce serait cependant faire un mauvais procès au Conseil exécutif que de lui reprocher cette prépondérance de la Collectivité de Corse. En effet, cette prépondérance est à la fois incontournable et souhaitable. Incontournable car elle s’inscrit dans la logique institutionnelle qui a voulu faire de la Collectivité de Corse, depuis la fusion Collectivité Territoriale / Conseil généraux, le lieu d’élaboration des stratégies de développement de la Corse dans tous les domaines et l’initiatrice de leur application. Souhaitable car elle est en principe un garde-fou contre une balkanisation du développement du territoire corse et contre des pratiques de saupoudrage qui ont longtemps eu cours et ont fortement contribué au non-développement de l’île.
Tentations de s’affranchir ou de ramener au local
Le Conseil exécutif a d’ailleurs été bien inspiré d’assumer sa prépondérance en précisant que la contractualisation devrait tenir compte de ses exigences « d’efficacité, d’équilibre et d’équité » et des objectifs fixés depuis la fameuse « victoire historique » de décembre 2015 (usage de la langue corse, valorisation de la culture et du patrimoine corses, transition écologique, autonomie énergétique, lutte contre la spéculation…)
En effet, certes avec mesure et talent, et aussi quelque arguments recevables, des interventions d’opposants ont laissé percer des tentations de s’affranchir ou de beaucoup ramener au local . Une conseillère du Centre Corse a relevé « C’est une démarche intéressante pour les territoires mais qui comprend des contraintes », avant d’ajouter, comme pour pour préciser le sens de son intervention, que « les attentes des territoires peuvent différer de celles de la CDC » et que l’apport de financements et d’ingénierie pourrait dépendre de la docilité politique des communes ou intercommunalités, ou au moins de l’intégration sur mesure de leurs projets à ceux de la Collectivité de Corse. Il a aussi été suggéré qu’il serait bien vu par les élus de petites communes que la contractualisation avec la Collectivité de Corse aide ces communes à faire face aux coûteuses exigences des intercommunalités et des nouvelles réglementations. Le Conseil exécutif a d’ailleurs aussi bien inspiré en optant pour la modestie car des doutes ont été émis quant à la possibilité pour la Collectivité de Corse de « simplifier les outils » d’ingénierie ou de les délocaliser selon un souci d’efficacité, de « penser la relation aux territoires de manière différenciée » en se montrant à la fois impartial, équitable et juste, de « définir des zones prioritaires et bonifier les moyens sur ces zones » afin de bien répondre à la spécificité des besoins.
Pas facile !
Maintenir un équilibre entre centralisme ajaccien et balkanisation, tout comme entre impartialité, équité et justice, comme l‘ont montré ou rappelé les interventions de l’opposition, ne relève donc pas de la facilité. Et affirmer vouloir y parvenir n’est pas forcément ressenti comme étant crédible. Il serait donc plus que surprenant que l’aval qui a finalement été donné directement ou implicitement au nouveau dispositif (vote favorable de la majorité siméoniste, abstention des oppositions ou non participation au vote), se traduise, dans les mois qui viennent, quand seront signés les premiers contrats, par l’expression de grands satisfecit.
Pierre Corsi