Processus Darmanin : destination inconnue
C'est dons enfin partio !
Processus Darmanin : destination encore inconnue
C’est donc enfin parti ! Mais quelle sera le chemin suivi et ou conduira-t-il ? A une énième évolution décentralisatrice par l’octroi de quelques pouvoirs supplémentaires, ou vers une autonomie réelle portant reconnaissance du peuple corse et de ses droits historiques, et concession d’un véritable pouvoir législatif. Impossible aujourd’hui de se prononcer.
Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et le président du Conseil Exécutif de Corse, Gilles Simeoni, ont repris officiellement contact et discuté en tête à tête à Paris. La réunion d’ouverture du processus qui, selon les mots de Gérald Darmanin lors de sa venue dans l’île en mars dernier, aura pour objet d’apporter des réponses à « l'ensemble des problématiques corses » dont « l'évolution institutionnelle vers un statut d'autonomie restant à préciser », aura lieu prochainement à Paris (le 20 juillet). Seront présents, côté État, Gérald Darmanin et ses collaborateurs ; côté Corse, une forte délégation d’élus.
La réunion sera consacrée à fixer une méthode et un calendrier. Il est annoncé que Gérald Darmanin se rendra ensuite en Corse. C’est donc enfin parti ! Mais quelle sera le chemin suivi et ou conduira-t-il ? A une énième évolution décentralisatrice par l’octroi de quelques pouvoirs supplémentaires, ou vers une autonomie réelle portant reconnaissance du peuple corse et de ses droits historiques, et concession d’un véritable pouvoir législatif. Impossible aujourd’hui de se prononcer.
Le 5 juillet dernier, sur le plateau de BFM-TV, Gérald Darmanin a certes déclaré : « J'irai en Corse moi-même sans doute fin juillet pour pouvoir commencer ces discussions qui sont conformes à l’idée qu’on s’était donnée d’autonomie dans la Constitution de la République française. » Le 6 juillet dernier, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale, la Premier Ministre Elizabeth Borne a certes évoqué la Corse : « Le cycle des discussions engagées avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours. Il doit aboutir à des solutions concrètes pour tous les Corses et notamment la jeunesse : des solutions concrètes pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité.
Nous sommes prêts à ouvrir tous les sujets, y compris institutionnels.» Gilles Simeoni qui était, le 6 juillet dernier, en déplacement à Strasbourg pour participer à une conférence-débat sur l’avenir de la Corse en Europe organisée au Parlement européen, et à laquelle ont participé des députés européens Français, Belges, Flamands, Catalans et Basques, a certes réaffirmé la nécessité d’une solution politique globale. Mais tous ces propos sont loin d’être vraiment éclairants. Le mot « autonomie » n’a pas été prononcé par la Premier Ministre. Gérald Darmanin s’est gardé d’expliquer ce qu’il entendait par « idée qu’on s’était donnée d’autonomie dans la Constitution de la République française ». Gilles Simeoni n’a pas indiqué à quel niveau devrait se situer le curseur qui permettrait de se réjouir de la réalité d’une « solution politique ». La balle est à ce stade dans les deux camps. Gérald Darmanin devra préciser jusqu’où Emmanuel Macron et le gouvernement sont disposés à aller. La délégation corse devra, au moins majoritairement, formuler des demande claires. Et il serait bon, pour ne pas hypothéquer l’avenir, que cela commence à être fait dès le 20 juillet à Paris ; à partir d’un échange direct, transparent et vrai et d’un engagement réciproque à ce que, dans un délais raisonnable, soit précisé le signifiant de tous les termes utilisés, soient connus les objectifs respectifs et soit validé un agenda fixant des échéances.
Eviter les pièges
Il serait toutefois surprenant que Gérald Darmanin dévoile rapidement son jeu car, n’étant pas demandeur, l’Etat peut, au moins dans un premier temps, pratiquer le « wait and see ». Le ministre sera d’autant plus incité à laisser venir qu’au fil du processus, et aussi des contingences de politique nationale, des « lignes rouges » seront probablement tracées par l’Elysée, et qu’il faudra aussi tenir compte des implications incontournables du Conseil d’État, du Parlement et in fine du Conseil Constitutionnel. La partie corse, où les nationalistes seront en position fortement dominante, aura en revanche intérêt à abattre très vite ses cartes, et ce, pour au moins trois raisons.
Primo, parce que beaucoup de Corses s’interrogent quant à la démarche de la majorité siméoniste, qui use encore trop du cavalier seul voire du secret dans le dialogue avec Gérald Darmanin.
Deuxio, parce que les nationalistes peuvent encore exploiter l’effet-choc de la mobilisation d’une partie de la jeunesse corse durant le printemps dernier, pour imposer que l’on passe enfin de discussions pouvant devenir dilatoires à une négociation profitable. Tertio, parce que plus le temps passe, plus le risque existe que des revendications sectorielles ou des crispations sur des « fondamentaux », rendent plus difficiles de trouver un consensus minimal d’abord entre composantes nationalistes, ensuite entre ces dernières et d’autres forces politiques.
Par ailleurs, outre presser le pas, la partie corse devra éviter les pièges suivants. Il lui faudra d’abord prendre en compte que, du côté de l’État, le vieux débat entre résoudre le problèmes Corse et s’attaquer aux problèmes de la Corse n’est pas clos ; la Premier Ministre l’a laissé paraître lors de son discours de politique générale, en ne mentionnant pas l’autonomie ou une solution politique globale, et en insistant sur la nécessité de « solutions concrètes pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité ». Il lui appartiendra aussi, afin d’opposer à ses interlocuteurs un front responsable et uni, d’éviter les surenchères entre ses composantes et de respecter Laurent Marcangeli qui, outre représenter une partie non négligeable de l’électorat insulaire, est désormais, en tant que président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, en mesure d’être un relais important auprès de la majorité parlementaire et du gouvernement. Il conviendra aussi que la partie corse fasse vraiment sienne le traitement de la question sociale et la lutte contre la grande criminalité. Ne pas le faire, renforcerait la camp de ceux qui, pour s’opposer à l’autonomie, agitent le chiffon rouge d’une collusion entre nationalistes et milieux d’affaires et font croire qu’un statut d’autonomie livrerait l’économie et la commande publiques corses au grand banditisme.
Enfin, la partie corse devra formuler sa demande d’évolution institutionnelle non pas en psalmodiant à l'envi « Autonomie » et rabâchant que la Corse a le niveau de pouvoir autonome le moins important de toutes les îles de Méditerranée, mais en ayant pour priorité de lister les compétences, les prérogatives et les moyens d’action dont elle souhaiterait disposer. Peu importe l’étiquette sur le flacon, pour peu qu’on ait l’ivresse.
Pierre Corsi
C’est donc enfin parti ! Mais quelle sera le chemin suivi et ou conduira-t-il ? A une énième évolution décentralisatrice par l’octroi de quelques pouvoirs supplémentaires, ou vers une autonomie réelle portant reconnaissance du peuple corse et de ses droits historiques, et concession d’un véritable pouvoir législatif. Impossible aujourd’hui de se prononcer.
Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et le président du Conseil Exécutif de Corse, Gilles Simeoni, ont repris officiellement contact et discuté en tête à tête à Paris. La réunion d’ouverture du processus qui, selon les mots de Gérald Darmanin lors de sa venue dans l’île en mars dernier, aura pour objet d’apporter des réponses à « l'ensemble des problématiques corses » dont « l'évolution institutionnelle vers un statut d'autonomie restant à préciser », aura lieu prochainement à Paris (le 20 juillet). Seront présents, côté État, Gérald Darmanin et ses collaborateurs ; côté Corse, une forte délégation d’élus.
La réunion sera consacrée à fixer une méthode et un calendrier. Il est annoncé que Gérald Darmanin se rendra ensuite en Corse. C’est donc enfin parti ! Mais quelle sera le chemin suivi et ou conduira-t-il ? A une énième évolution décentralisatrice par l’octroi de quelques pouvoirs supplémentaires, ou vers une autonomie réelle portant reconnaissance du peuple corse et de ses droits historiques, et concession d’un véritable pouvoir législatif. Impossible aujourd’hui de se prononcer.
Le 5 juillet dernier, sur le plateau de BFM-TV, Gérald Darmanin a certes déclaré : « J'irai en Corse moi-même sans doute fin juillet pour pouvoir commencer ces discussions qui sont conformes à l’idée qu’on s’était donnée d’autonomie dans la Constitution de la République française. » Le 6 juillet dernier, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale, la Premier Ministre Elizabeth Borne a certes évoqué la Corse : « Le cycle des discussions engagées avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours. Il doit aboutir à des solutions concrètes pour tous les Corses et notamment la jeunesse : des solutions concrètes pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité.
Nous sommes prêts à ouvrir tous les sujets, y compris institutionnels.» Gilles Simeoni qui était, le 6 juillet dernier, en déplacement à Strasbourg pour participer à une conférence-débat sur l’avenir de la Corse en Europe organisée au Parlement européen, et à laquelle ont participé des députés européens Français, Belges, Flamands, Catalans et Basques, a certes réaffirmé la nécessité d’une solution politique globale. Mais tous ces propos sont loin d’être vraiment éclairants. Le mot « autonomie » n’a pas été prononcé par la Premier Ministre. Gérald Darmanin s’est gardé d’expliquer ce qu’il entendait par « idée qu’on s’était donnée d’autonomie dans la Constitution de la République française ». Gilles Simeoni n’a pas indiqué à quel niveau devrait se situer le curseur qui permettrait de se réjouir de la réalité d’une « solution politique ». La balle est à ce stade dans les deux camps. Gérald Darmanin devra préciser jusqu’où Emmanuel Macron et le gouvernement sont disposés à aller. La délégation corse devra, au moins majoritairement, formuler des demande claires. Et il serait bon, pour ne pas hypothéquer l’avenir, que cela commence à être fait dès le 20 juillet à Paris ; à partir d’un échange direct, transparent et vrai et d’un engagement réciproque à ce que, dans un délais raisonnable, soit précisé le signifiant de tous les termes utilisés, soient connus les objectifs respectifs et soit validé un agenda fixant des échéances.
Eviter les pièges
Il serait toutefois surprenant que Gérald Darmanin dévoile rapidement son jeu car, n’étant pas demandeur, l’Etat peut, au moins dans un premier temps, pratiquer le « wait and see ». Le ministre sera d’autant plus incité à laisser venir qu’au fil du processus, et aussi des contingences de politique nationale, des « lignes rouges » seront probablement tracées par l’Elysée, et qu’il faudra aussi tenir compte des implications incontournables du Conseil d’État, du Parlement et in fine du Conseil Constitutionnel. La partie corse, où les nationalistes seront en position fortement dominante, aura en revanche intérêt à abattre très vite ses cartes, et ce, pour au moins trois raisons.
Primo, parce que beaucoup de Corses s’interrogent quant à la démarche de la majorité siméoniste, qui use encore trop du cavalier seul voire du secret dans le dialogue avec Gérald Darmanin.
Deuxio, parce que les nationalistes peuvent encore exploiter l’effet-choc de la mobilisation d’une partie de la jeunesse corse durant le printemps dernier, pour imposer que l’on passe enfin de discussions pouvant devenir dilatoires à une négociation profitable. Tertio, parce que plus le temps passe, plus le risque existe que des revendications sectorielles ou des crispations sur des « fondamentaux », rendent plus difficiles de trouver un consensus minimal d’abord entre composantes nationalistes, ensuite entre ces dernières et d’autres forces politiques.
Par ailleurs, outre presser le pas, la partie corse devra éviter les pièges suivants. Il lui faudra d’abord prendre en compte que, du côté de l’État, le vieux débat entre résoudre le problèmes Corse et s’attaquer aux problèmes de la Corse n’est pas clos ; la Premier Ministre l’a laissé paraître lors de son discours de politique générale, en ne mentionnant pas l’autonomie ou une solution politique globale, et en insistant sur la nécessité de « solutions concrètes pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité ». Il lui appartiendra aussi, afin d’opposer à ses interlocuteurs un front responsable et uni, d’éviter les surenchères entre ses composantes et de respecter Laurent Marcangeli qui, outre représenter une partie non négligeable de l’électorat insulaire, est désormais, en tant que président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, en mesure d’être un relais important auprès de la majorité parlementaire et du gouvernement. Il conviendra aussi que la partie corse fasse vraiment sienne le traitement de la question sociale et la lutte contre la grande criminalité. Ne pas le faire, renforcerait la camp de ceux qui, pour s’opposer à l’autonomie, agitent le chiffon rouge d’une collusion entre nationalistes et milieux d’affaires et font croire qu’un statut d’autonomie livrerait l’économie et la commande publiques corses au grand banditisme.
Enfin, la partie corse devra formuler sa demande d’évolution institutionnelle non pas en psalmodiant à l'envi « Autonomie » et rabâchant que la Corse a le niveau de pouvoir autonome le moins important de toutes les îles de Méditerranée, mais en ayant pour priorité de lister les compétences, les prérogatives et les moyens d’action dont elle souhaiterait disposer. Peu importe l’étiquette sur le flacon, pour peu qu’on ait l’ivresse.
Pierre Corsi