La volonté du "peuple" ?
Quelles que soient les tendances politiques en Corse, chacune semble parler au nom du peuple Corse
La volonté du « peuple" ?
Quelles que soient les tendances politiques en Corse, chacune semble parler au nom du peuple corse, une entité à vrai dire bien difficile à cerner. Et pourtant un jour il faudra bien que les citoyens qui forment ce fameux peuple aient réellement leur mot à dire, c'est-à-dire se prononcent sur des projets de société clairement définis.
Le peuple ? Kesako ?
Les concepts globalisants utilisés en politique paraissaient souvent incantatoires et creux. On se gargarise avec la "République" sans plus trop savoir ce qui la distingue de la démocratie en une époque où le danger monarchiste paraît bien ténu. On invoque la nation en ayant bien du mal à la différencier de la patrie ou même du peuple. Pour ce qui concerne la Corse, c'est plus flou encore. Le peuple corse regroupe selon les circonstances les supposés "100 000 indigènes" et les "200 000 allogènes" quand cela arrange un raisonnement. Par exemple, un quart des Corses vivent en dessous du seuil de pauvreté. Oui, mais l'immense majorité de ces indigents sont d'origine étrangère. Et quand on veut démontrer qu'il y aurait un grand remplacement, on renvoie les uns et les autres dans leurs cases ethniques sans jamais d'ailleurs parvenir à définir ce qu'est vraiment un Corse. C'est dire si demander au peuple corse de se prononcer sur un projet de société n'est pas tâche facile.
La nécessité de choisir
Les Corses, dans leur expression politique, ont toujours eu le chic pour ne pas choisir. C'est d'ailleurs la raison d'être des clans : quand un projet fonctionnait, ils s'en arrogeaient le mérite et quand il échouait c'était la faute à l'état. Or la mondialisation et la succession des crises ont précipité un affaiblissement du pouvoir central. De fait, les entités régionales sont amenées à prendre de plus en plus de responsabilités ce qui a amené en Corse la victoire nationaliste. Mais cela s'est fait sur un malentendu ou plutôt une absence de projets en ce sens que le slogan d'autonomie ne décrit pas un contenu de ce que serait une autonomie corse. Les autonomies en Europe vont de la quasi-indépendance à des formes poussées de régionalisation. Et l'autonomie peut signifier à un moment donné plus de dépendance financière vis-à-vis d'un état peu disposé à accorder plus de crédits. Dans ce cadre-là, l'autonomie revient à gérer la pénurie tout en débarrassant l'état de ses responsabilités. Mais pourquoi pas si le peuple a été mis devant une feuille de route détaillée et honnête ?
Choisir et assumer
Un exemple est criant: celui de l'immobilier. Les Corses donnent souvent l'impression de vouloir le beurre et l'argent du beurre. Propriétaires d'appartements qu'ils louent, ils exigent des loyers toujours plus lourds. Propriétaires de terrains constructibles, ils en exigent le meilleur prix. Mais sitôt devenus des électeurs, ils prétendent lutter contre la spéculation immobilière et la hausse terribles des loyers. Et cela vaut pour les dirigeants nationalistes qui tous ou presque possèdent des biens touristiques. Pour ce qui concerne les associations de défense de la nature, qui pourrait contester leur nécessité ? Sans elles et malgré leurs excès et leur absence de critères esthétiques que j'ai parfois dénoncés, la Corse ressemblerait à la côte landaise ou à la Riviera.C'est du moins ce qu'elles laissent entendre. Il n'empêche que le processus de bétonisation est à l'œuvre (partout dans le monde d'ailleurs) sans que personne ne trouve de moyens de vraiment s'y opposer. Soyons lucides : les décisions de démolition ne touchent que quelques maisons de particuliers mais jamais des ensembles immobiliers qui poussent un peu partout dans les endroits prisés par une clientèle aisée corse et continentale qui avant tout spécule. En résumé, les associations ne parviennent pas à arrêter le tsunami bétonnier tout simplement parce que celui-ci est parfaitement légal et apporte aux communes une plus-value financière qui n'est pas négligeable.
Au choix des citoyens
La vraie question est désormais de connaître l'avis des citoyens : s'ils désirent du béton in fine le béton l'emportera. Encore faut-il que les citoyens aient l'envie de choisir. Or la Corse n'a toujours pas choisi son projet de société. Le PADDUC est réduit en miettes par les tribunaux et, c'est aujourd'hui la justice qui tranche. Pour l'heure, les seuls gagnants sont les spéculateurs c'est-à-dire les promoteurs (le plus souvent insulaires ou dotés d'hommes de paille corse), la voyoucratie et de riches citoyens (corses et continentaux) qui comptent bien sur la tendance haussière de l'immobilier pour s'enrichir. Hier, la violence régulait l'immobilier grâce à la peur qu'elle distillait. Aujourd'hui malheureusement, presque tous les barrages ont sauté et ceux qui subusistent paraissent bien fragiles, voire négligeables. Aucune victoire ne sera obtenue en l'absence de la volonté des citoyens. Et pour l'instant, ils sont aux abonnés absents.
GXC