C'est fou comme c'est flou
Etonnante interview accordée par Gilles Simeoni à Corse-matin........
C’est fou comme c’est flou
Étonnante interview accordée par Gilles Simeoni à Corse-Matin qui donne l’impression que le président de l’exécutif n’a pas analysé la période que nous traversons, le fonctionnement de la République française et par conséquent ce qu’il peut espérer et ce à quoi il devrait renoncer.
Confusion entre les désirs et le domaine des possibles
Affirmer que des générations de Corses portent depuis soixante ans « des espoirs, des idées » qui seraient celles que lui incarnerait est évidemment faux. Sa victoire électorale est certes l’aboutissement d’une longue lutte, mais en nier les soubresauts, les erreurs et en définitive l’absence de précisions idéologiques et programmatiques, l’amènent à prendre ses rêves pour des réalités. A-t-il oublié l’échec du référendum de 2003 ? Les errances de la violence clandestine menée pour aboutir à l’indépendance ? Comment peut-il laisser entendre que ce fut une ligne droite faisant fi de la lutte fratricide des années quatre-vingt-dix ? Gilles Simeoni, vraisemblablement pour satisfaire son aile la plus radicale, prétend imposer à un état qui n’en veut pas une approche globale de la question corse laissant entendre contre toute vraisemblance qu’il pourrait y avoir un changement constitutionnel ? De tels propos ne laissent pas d’interroger. Nous ne savons toujours pas ce qu’il entend met dans l’autonomie alors même qu’il avoue l’échec de la gestion nationaliste dans à peu près tous les domaines. Pour les déchets oui il a échoué, mais l’état en est en partie responsable. Pourquoi et comment on ne le saura pas. Pour l’eau, il attend les propositions du gouvernement. Pour la faire courte, nous voulons l’autonomie, mais sur aucun sujet nous ne parvenons à nous débrouiller. Voilà qui promet.
Toujours plus d’argent et toujours moins d’autonomie
Si on voulait tracer le symbole de la méthode simeonienne, elle serait celle du serpent qui se mord la queue : obtenir toujours plus de subventions et prétendre qu’ainsi on parvient à se libérer de la tutelle parisienne. Que va-t-il alors advenir ? Il y a fort à parier que l’exécutif va obtenir satisfaction sur des revendications précises : l’autonomie pourrait par exemple devenir une zone franche qui permettrait aux employeurs de payer moins de taxes et d’impôts. Il y aura à coup sûr des avancées sur le prix des carburants. Alors que le gouvernement décide d’octroyer des dizaines de milliards pour compenser l’inflation, il ne lui coûtera pas tellement plus d’offrir de petits cadeaux à la Corse sous forme de primes à droite et à gauche. Côté institutionnel, on peut envisager le passage de certains domaines ou certains personnels sous statut régional par exemple les chefs d’établissements scolaires donnant ainsi l’impression que la majorité simeoniste a obtenu une victoire. Mais tout cela n’est que suppositions entièrement dépendantes des équilibres au sein de la majorité nationale. Or le monde est en train de trembler sur ses bases à cause de la guerre en Ukraine, de la crise économique qui menace avec une super inflation à la clef, de la crise alimentaire. Qui peut prédire de quoi sera fait demain ? Par ailleurs, le gouvernement veut éviter à tout prix une contagion décentralisatrice qu’il ne contrôlerait pas. Il sait que les régions sont très dépensières notamment en matière d’emplois clientélisme oblige. Ouvrir une brèche avec la Corse risquerait de faire céder le barrage jacobin.
Apprendre à se débrouiller seul
La majorité nationaliste est dans le droit fil de cet embryon de bourgeoisie corse qui depuis des siècles parvient toujours à tirer son épingle du jeu en donnant l’impression de jouer la carte du peuple. Une zone franche servirait les intérêts pleins de ce patronat qui a réussi en moins de dix ans à prendre les rênes locales notamment à travers le consortium qui détient Corsica linea. Payer moins d’impôts c’est renforcer le profit tandis que des primes pour les salariés ce sont des miettes. La majorité actuelle est en définitive très macronienne. Elle applique à la lettre la théorie du ruissellement : beaucoup pour les plus riches et les gouttelettes pour le petit peuple. Est-ce que ça peut fonctionner en Corse ? Pas certain à cause de la concurrence qui fait rage au sein de la majorité nationaliste. Tous les précédents statuts ont été empoisonnés par les querelles internes qui pour ce qui concerne le statut Joxe ont même débouché sur les assassinats « entre amis ». La Corse possède ce chic de ne pas savoir ce qu’elle veut et de saborder toute proposition nouvelle dès lors qu’elle renforce un parti contre un autre. Il faut espérer que les nationalistes parviendront un jour à abandonner leurs vieilles lunes et à devenir des forces réellement pragmatiques et donc efficaces sur le terrain.
GXC