Une comédie d'aventure ! << La petite bande >> de Pierre Salvadori
Le dernier film de Pierre Salvadori, nous entraione dans un monde d'enfants au seuil de l'adolescence.
Une comédie d’aventure !
« La petite bande » de Pierre Salvadori
Le dernier film de Pierre Salvadori, « La petite bande », nous entraine dans un monde d’enfants au seuil de l’adolescence. Une histoire joyeuse et ironique. Réconfortante et mystérieuse. Une réussite cinématographique.
Ils s’appellent Antoine, Fouad, Cat, Sami, ils forment une bande très soudée dont Aimé, le solitaire, voudrait bien faire partie. L’un des côtés passionnants du film de Pierre Salvadori est de nous montrer combien des enfants à la fois sages et dissipés, casse-cou et peureux à l’occasion, récalcitrants et disciplinés s’il le faut, vivent une double vie, celle de la contrainte familiale, celle d’une liberté inouïe dans une nature sans limite parmi le peuple des arbres, parmi cet Eden qu’est la rivière, parmi l’horizon bouturé de collines.
La nature, les arbres, les collines c’est au fond là où se forment vraiment ces gamins, entre eux, par l’entraide, la solidarité, beaucoup plus que dans l’institution scolaire où Aimé, demi-portion fluette, sert de souffre-douleur à des crétins bouffis de vulgarité.
Parce qu’ils doivent se rebeller contre la mise à mort de leur rivière que pollue une usine, contre le saccage de la nature par des imbéciles motivés par le fric, Antoine, Fouad, Cat, Sami et leur recrue Aimé, vont élaborer un scénario qui tient de l’opération commando clandestine qu’ils labellisent « Les Ninjas verts » et qui carbure à l’imagination la plus explosive… Le film est ponctué de scènes drôles et de moments d’émotion. Dans cette « Petite bande » de Salvadori il y a de la caricature sociale, des aspects western mariés à du thriller. Il y a cette mère complètement dépassée, si folle d’inquiétude pour Amé, son fils, qu’elle est incapable de comprendre qu’il est tabassé au collège. Il y a ce père gendarme ridicule et violent… Pas véritablement à la hauteur les parents du film comme si un fossé les séparait de leurs mômes. Des parents, écho d’une société d’adultes inaptes à faire face aux problèmes d’aujourd’hui ?!
Peut-être…
Heureusement la nature – mère nature – est là pour suppléer aux carences affectives des familles.
Lever le voile sur le traquenard aux étonnants rebondissements concocté par les gosses serait malvenu. On ne déflore pas des surprises et encore moins un suspense – c’est trop grave faute ! Mais de l’aventure que nous conte le cinéaste, Antoine, Fouad, Cat, Sami et Aimé ressortent plus armés pour affronter les difficultés de l’avenir, plus allégés des pesants secrets qui plombaient leurs cœurs.
Peut-être est-ce là une thérapie… sans thérapeute, dont les enfants sont les acteurs agissants. « La petite bande », une œuvre dont on se souvient !
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Michèle Acquaviva-Pache
◦ Les masques inventés par les enfants rappellent ceux du documentaire, « Ur Musig » de Cyrill Schäpfler, qui a signé le renouveau de la musique traditionnelle des cantons primitifs helvétiques
Distribution
Antoine : Aymé Medeville.
Fouad : Mathys Clodion-Gines. Cat : Colombe Schmidt.
Aimé : Paul Belhoste.
Sami : Redwan Sellam.
ENTRETIEN AVEC PIERRE SALVADORI
Pourquoi une histoire dont les enfants sont les héros ?Est-ce une rupture dans votre cinéma ?
Ce n’est ni une rupture ni une prolongation. L’idée est arrivée, elle m’a paru intéressante. Dans mes œuvres précédentes mes personnages sont souvent des marginaux et pour moi les enfants le sont aussi car ils sont tenus en dehors des décisions. La loi ne les intègre pas et eux ne s’intègrent pas à elle. J’aimais également l’idée de bande dont les membres sont confrontés à des situations difficiles.
Le film évoque-t-il vos souvenirs d’enfance dans le Venacais ?Il y a toujours un aspect autobiographique dans mes films. Comme dans « La petite bande » la nature c’est pour moi la liberté. La rivière c’est la joie. L’extase. Le bonheur.
Vous refusez l’étiquette d’une réalisation écologiste. Mais votre histoire me semble empreinte d’un rousseauisme certain, ne serait-ce que par l’importance de la nature ? L’écologie est un mouvement politique. Existentiel… Le terme de rousseauiste me convient mieux, parce que la nature nous infuse, nous élève. Parce qu’elle fabrique nos individualités, et qu’elle les détermine. Dans la nature chacun des personnages ressent un intense sentiment de liberté.
Comment se sont imposées à vous les personnalités des gamins ? Comment les avez-vous abordées ?Ils ont des caractères différents qui se dévoilent doucement. L’intérêt d’un film est d’amener le spectateur à découvrir progressivement les protagonistes. D’abord s’est imposé Antoine dont le père est en prison. Ce père, il en a honte et il l’admire. Il monte un coup d’éclat qui soulève l’enthousiasme de ces camarades… tout en souhaitant qu’il échoue ! Les personnages doivent être complexes et développer des côtés mystérieux. J’ai voulu leur donner des raisons secrètes d’agir. Ensuite je me suis attaché à Sami dont le père, symbole de l’ordre, est violent et lui fait peur. Puis s’est profilé Aimé, petit Poucet malheureux, fragilisé par les autres, qui est la figure de ce conte qu’est « La petite bande ».
Aimé souffre-douleur au collège finit par endosser un costume de prophète. Pourquoi cette évolution ?Entré dans la bande il n’est plus condamné à la solitude et va vivre une aventure dont il devient en quelque sorte un super héros ! A la fin, brûlé par la pollution chimique de la rivière, il prend une dimension prophétique en s’adressant aux autres. C’est un peu l’enfant du futur, du siècle à venir. L’innocent au visage abîmé par la cruauté ambiante.
Pourquoi les pères font-ils preuve de rugosité à l’encontre de leurs fils ? Je suis d’une génération où les pères étaient fréquemment rugueux… Même s’il était bon et érudit mon père, que j’adorais, était ainsi. Homme merveilleux, il était plutôt expéditif pour régler les problèmes. Dans « La petite bande » le père, qui manque le plus d’attention et qui frappe, est celui de Sami. Ce que je voulais pour le film c’était des enfants dans des situations tragiques pour que la bande soit absolument importante pour eux, car elle répare, elle apaise, elle est bienfaisante comme l’est leur amitié. Si je ne fais pas une chronique sociale, je dessine l’environnement sociétal de mes personnages. Au fond ces enfants vivent dans deux univers : celui qu’ils subissent chez eux. Celui que leur offre la nature, qui les enchante.
« La petite bande » c’est l’inverse de « Sa majesté des mouches », roman effroyablement cruel. Est-ce parce que vous êtes un optimiste fondamental ?J’ai choisi la comédie parce qu’elle aide à vivre, qu’elle donne de l’élan et qu’elle n’est surtout pas un opium du peuple… Par tempérament je suis plutôt optimiste. Je me suis construit dans une croyance que la vie pouvait être heureuse. Ma nature me porte à l’enchantement, c’est pourquoi j’aime la fiction et que je raconte des histoires qui élèvent…et qui questionnent.
Dans votre film il y a du réalisme, du fantastique, de l’imaginaire, de la satire. Le dosage a-t-il été délicat ?
C’est une question d’équilibre qui me fait passer beaucoup de temps au montage. Je mélange les émotions car dans le conte le mal est présent et il faut se débarrasser de l’ogre ! Je propose des récits pleins et riches parce que je crois au pouvoir de la fiction, qui doit être contrastée pour aboutir à des œuvres colorées. Mes films sont très écrits et je ne parviens à l’équilibre qu’après moult versions.
Les masques fabriqués par les enfants sont surréalistes et archaïques. Vous ont-ils été inspirés par des contrées ? Des légendes ?
Pas vraiment… Ils sont, à la base, fabriqués avec des éléments naturels : mousse, écorce. Résultat ils apparaissent un peu tribal. Ils mélangent les superstitions et reflètent l’engagement des cinq enfants dans la bande. Ces masques sont en quelque sorte une façon de revenir à la commedia dell’arte.
Pas facile de faire parler des gamins. Or, vos dialogues sont très peaufinés. Ont-ils exigé beaucoup de travail ?
J’écris les dialogues en dernier. Je ne veux pas qu’ils soient bavards ni qu’ils soient émaillés de mots d’auteur. Je peux m’enfermer loin de tout pendant deux mois pour les écrire. Il faut qu’ils soient fluides… c’est la touche finale d’un film.
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Propos recueillis par M.A-P
« La petite bande » de Pierre Salvadori
Le dernier film de Pierre Salvadori, « La petite bande », nous entraine dans un monde d’enfants au seuil de l’adolescence. Une histoire joyeuse et ironique. Réconfortante et mystérieuse. Une réussite cinématographique.
Ils s’appellent Antoine, Fouad, Cat, Sami, ils forment une bande très soudée dont Aimé, le solitaire, voudrait bien faire partie. L’un des côtés passionnants du film de Pierre Salvadori est de nous montrer combien des enfants à la fois sages et dissipés, casse-cou et peureux à l’occasion, récalcitrants et disciplinés s’il le faut, vivent une double vie, celle de la contrainte familiale, celle d’une liberté inouïe dans une nature sans limite parmi le peuple des arbres, parmi cet Eden qu’est la rivière, parmi l’horizon bouturé de collines.
La nature, les arbres, les collines c’est au fond là où se forment vraiment ces gamins, entre eux, par l’entraide, la solidarité, beaucoup plus que dans l’institution scolaire où Aimé, demi-portion fluette, sert de souffre-douleur à des crétins bouffis de vulgarité.
Parce qu’ils doivent se rebeller contre la mise à mort de leur rivière que pollue une usine, contre le saccage de la nature par des imbéciles motivés par le fric, Antoine, Fouad, Cat, Sami et leur recrue Aimé, vont élaborer un scénario qui tient de l’opération commando clandestine qu’ils labellisent « Les Ninjas verts » et qui carbure à l’imagination la plus explosive… Le film est ponctué de scènes drôles et de moments d’émotion. Dans cette « Petite bande » de Salvadori il y a de la caricature sociale, des aspects western mariés à du thriller. Il y a cette mère complètement dépassée, si folle d’inquiétude pour Amé, son fils, qu’elle est incapable de comprendre qu’il est tabassé au collège. Il y a ce père gendarme ridicule et violent… Pas véritablement à la hauteur les parents du film comme si un fossé les séparait de leurs mômes. Des parents, écho d’une société d’adultes inaptes à faire face aux problèmes d’aujourd’hui ?!
Peut-être…
Heureusement la nature – mère nature – est là pour suppléer aux carences affectives des familles.
Lever le voile sur le traquenard aux étonnants rebondissements concocté par les gosses serait malvenu. On ne déflore pas des surprises et encore moins un suspense – c’est trop grave faute ! Mais de l’aventure que nous conte le cinéaste, Antoine, Fouad, Cat, Sami et Aimé ressortent plus armés pour affronter les difficultés de l’avenir, plus allégés des pesants secrets qui plombaient leurs cœurs.
Peut-être est-ce là une thérapie… sans thérapeute, dont les enfants sont les acteurs agissants. « La petite bande », une œuvre dont on se souvient !
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Michèle Acquaviva-Pache
◦ Les masques inventés par les enfants rappellent ceux du documentaire, « Ur Musig » de Cyrill Schäpfler, qui a signé le renouveau de la musique traditionnelle des cantons primitifs helvétiques
Distribution
Antoine : Aymé Medeville.
Fouad : Mathys Clodion-Gines. Cat : Colombe Schmidt.
Aimé : Paul Belhoste.
Sami : Redwan Sellam.
ENTRETIEN AVEC PIERRE SALVADORI
Pourquoi une histoire dont les enfants sont les héros ?Est-ce une rupture dans votre cinéma ?
Ce n’est ni une rupture ni une prolongation. L’idée est arrivée, elle m’a paru intéressante. Dans mes œuvres précédentes mes personnages sont souvent des marginaux et pour moi les enfants le sont aussi car ils sont tenus en dehors des décisions. La loi ne les intègre pas et eux ne s’intègrent pas à elle. J’aimais également l’idée de bande dont les membres sont confrontés à des situations difficiles.
Le film évoque-t-il vos souvenirs d’enfance dans le Venacais ?Il y a toujours un aspect autobiographique dans mes films. Comme dans « La petite bande » la nature c’est pour moi la liberté. La rivière c’est la joie. L’extase. Le bonheur.
Vous refusez l’étiquette d’une réalisation écologiste. Mais votre histoire me semble empreinte d’un rousseauisme certain, ne serait-ce que par l’importance de la nature ? L’écologie est un mouvement politique. Existentiel… Le terme de rousseauiste me convient mieux, parce que la nature nous infuse, nous élève. Parce qu’elle fabrique nos individualités, et qu’elle les détermine. Dans la nature chacun des personnages ressent un intense sentiment de liberté.
Comment se sont imposées à vous les personnalités des gamins ? Comment les avez-vous abordées ?Ils ont des caractères différents qui se dévoilent doucement. L’intérêt d’un film est d’amener le spectateur à découvrir progressivement les protagonistes. D’abord s’est imposé Antoine dont le père est en prison. Ce père, il en a honte et il l’admire. Il monte un coup d’éclat qui soulève l’enthousiasme de ces camarades… tout en souhaitant qu’il échoue ! Les personnages doivent être complexes et développer des côtés mystérieux. J’ai voulu leur donner des raisons secrètes d’agir. Ensuite je me suis attaché à Sami dont le père, symbole de l’ordre, est violent et lui fait peur. Puis s’est profilé Aimé, petit Poucet malheureux, fragilisé par les autres, qui est la figure de ce conte qu’est « La petite bande ».
Aimé souffre-douleur au collège finit par endosser un costume de prophète. Pourquoi cette évolution ?Entré dans la bande il n’est plus condamné à la solitude et va vivre une aventure dont il devient en quelque sorte un super héros ! A la fin, brûlé par la pollution chimique de la rivière, il prend une dimension prophétique en s’adressant aux autres. C’est un peu l’enfant du futur, du siècle à venir. L’innocent au visage abîmé par la cruauté ambiante.
Pourquoi les pères font-ils preuve de rugosité à l’encontre de leurs fils ? Je suis d’une génération où les pères étaient fréquemment rugueux… Même s’il était bon et érudit mon père, que j’adorais, était ainsi. Homme merveilleux, il était plutôt expéditif pour régler les problèmes. Dans « La petite bande » le père, qui manque le plus d’attention et qui frappe, est celui de Sami. Ce que je voulais pour le film c’était des enfants dans des situations tragiques pour que la bande soit absolument importante pour eux, car elle répare, elle apaise, elle est bienfaisante comme l’est leur amitié. Si je ne fais pas une chronique sociale, je dessine l’environnement sociétal de mes personnages. Au fond ces enfants vivent dans deux univers : celui qu’ils subissent chez eux. Celui que leur offre la nature, qui les enchante.
« La petite bande » c’est l’inverse de « Sa majesté des mouches », roman effroyablement cruel. Est-ce parce que vous êtes un optimiste fondamental ?J’ai choisi la comédie parce qu’elle aide à vivre, qu’elle donne de l’élan et qu’elle n’est surtout pas un opium du peuple… Par tempérament je suis plutôt optimiste. Je me suis construit dans une croyance que la vie pouvait être heureuse. Ma nature me porte à l’enchantement, c’est pourquoi j’aime la fiction et que je raconte des histoires qui élèvent…et qui questionnent.
Dans votre film il y a du réalisme, du fantastique, de l’imaginaire, de la satire. Le dosage a-t-il été délicat ?
C’est une question d’équilibre qui me fait passer beaucoup de temps au montage. Je mélange les émotions car dans le conte le mal est présent et il faut se débarrasser de l’ogre ! Je propose des récits pleins et riches parce que je crois au pouvoir de la fiction, qui doit être contrastée pour aboutir à des œuvres colorées. Mes films sont très écrits et je ne parviens à l’équilibre qu’après moult versions.
Les masques fabriqués par les enfants sont surréalistes et archaïques. Vous ont-ils été inspirés par des contrées ? Des légendes ?
Pas vraiment… Ils sont, à la base, fabriqués avec des éléments naturels : mousse, écorce. Résultat ils apparaissent un peu tribal. Ils mélangent les superstitions et reflètent l’engagement des cinq enfants dans la bande. Ces masques sont en quelque sorte une façon de revenir à la commedia dell’arte.
Pas facile de faire parler des gamins. Or, vos dialogues sont très peaufinés. Ont-ils exigé beaucoup de travail ?
J’écris les dialogues en dernier. Je ne veux pas qu’ils soient bavards ni qu’ils soient émaillés de mots d’auteur. Je peux m’enfermer loin de tout pendant deux mois pour les écrire. Il faut qu’ils soient fluides… c’est la touche finale d’un film.
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Propos recueillis par M.A-P