Un été en Corse
L'été 2022 bat son plein et déjà il est possible d'en tirer quelques leçons
L’été 2022 bat son plein et déjà il est possible d’en tirer quelques leçons : canicule, fréquentation touristique, attente politique etc.
Chaud, chaud l’été est chaud
On ne sait pas trop si c’est le résultat du battage médiatique ou la réalité qui s’impose à nous, mais la chaleur est ressentie comme accablante. Mais à constater l’état du maquis qui ternit, j’ai tendance à croire que la canicule est une réalité et une réalité à laquelle il faudra s’habituer dans les années à venir. Il y a 45 ans, avec ma compagne, nous avions parcouru en plein été le GR20 partie sud. Nous rencontrions partout des sources. Nous avions rencontré des zones de névé. En 2002, avec un ami nous avons attaqué le GR par le nord à la fin mai. Les sources avaient quasiment disparu. Aujourd’hui les cours d’eau sont à l’étiage au début juillet. J’ai longtemps cru que l’eau nous était éternelle. Hélas ça n’était qu’une illusion et c'est particulièrement angoissant. Il va falloir se restreindre, expliquer aux nouveaux arrivants que cette denrée est un bien commun et non un « truc » de plus qu’on peut exploiter parce qu’on a de l’argent. Il va falloir faire des réserves pendant les périodes humides. Sans toutes ces précautions et bien d’autres encore, nos étés vont devenir des enfers.
Tourisme de masse ou tourisme de luxe
Cet été, je n’ai pas eu l’impression d’un tsunami touristique sur la Corse. Il faut dire que la destination corse est chère, très chère. Le passage en bateau avec cabine coûte un bras et la nourriture atteint des prix faramineux. Résultat : les plages affichent un confort que nous envierait la Côte d’Azur. On ne bouscule pas et les embouteillages n'ont lieu que sur quelques routes notamment à Porto Vecchio et en Balagne. Néanmoins les professionnels se plaignent encore et toujours de la concurrence sauvage de Rbnb et autres locations au noir. Les municipalités commencent à réagir à raison. L’une des ruses utilisées par les spéculateurs est de déclarer leur logement vacant aux impôts évitant ainsi de payer la taxe d’habitation. Puis ils louent le bien sans le déclarer. Cette tendance se renforce avec les nouvelles constructions souvent achetées des continentaux qui espèrent ainsi récupérer le beurre et l’argent du beurre. Je ne vois que la répression pour freiner ou arrêter ce mouvement spéculatif qui spolie les professionnels et les communes.
Changement de patronymes
Depuis le 1er juillet 2022, il est possible de prendre le nom de famille de la mère en plus de celui du père ou de simplement remplacer celui du père par celui de la mère. Il semblerait qu’une telle possibilité remporte un franc succès qui en dit long sur l’époque et le sens que donnent bien des Corses à l’idée d’être corse. Il y a un demi-siècle, peu importaient les patronymes : on était corse sans avoir à le justifier. Il est vrai que la langue corse était répandue et qu’elle constituait un ciment important pour définir l’identité. Mais ça n’était pas toujours vrai. Bien des Corses descendants de gendarmes installés dans l’île, ou encore d’entrepreneurs implantés au XIX siècle sur notre sol, portaient des noms continentaux. Cela ne les empêchait pas de devenir maire voire député et de représenter la Corse. En littérature, comment ne pas penser à Ghjacumu Thiers ou à Ghjuvan Micheli Weber. La traduction de la Bible en langue corse à laquelle j’ai eu l’honneur de participer fut portée sur les fonts baptismaux par Christian Dubois de Ghisoni. Tous sont des corsophones confirmés et tous vivent ici. Ils ont leurs racines ici et le patronyme souvent grand-paternel ne change rien à leur réalité profonde. Cette volonté de changer de noms de famille plutôt que d’être la démonstration d’une pérennité de culturelle, indique selon moi une faiblesse identitaire. Pourquoi pas après tout ? Mais qu’est-ce que le patronyme indique sinon qu’on est l’enfant de son père ou de sa mère ?
Les discussions avec le gouvernement
Oserais-je suggérer qu’en règle générale, le citoyen de Corse donne le sentiment de se moquer de la question du statut de la Corse. Gilles Simeoni a beau tambouriner que la question essentielle est celle de la Constitution, j’ai le sentiment que les préoccupations populaires sont beaucoup plus pragmatiques. Elles tournent autour du climat et du coût de la vie. Elles ne sont même pas centrées sur la question mafieuse qui pour l’immense majorité des Corses tient représente quelque de mal défini situé entre le rêve et la réalité. Ça n’est pas mon avis, mais le citoyen moyen a plus peur de la petite délinquance qui s’en prend à ses biens et à ses proches que du grand banditisme dont il peine à percevoir l’existence et les contours. On se murmure sous le manteau avec un frisson que tel restaurant appartiendrait en sous-main au Petit Bar. Mais les conséquences directes de tels faits sont inexistants pour le citoyen lambda. La conscience n'arrive qu'avec des drames qui touchent des innocents. En Sicile la prise de conscience a surgi avec les assassinats de magistrats et de policiers. Avant l’idée mafieuse était plus ou moins intégrée à un quotidien fataliste. Les deux collectifs corses ont une existence par éclipse. Celui créé par Battesti et Giovannangeli est aujourd'hui muet.
Celui qui défend la mémoire de Massimu Susini est plus actif, mais sans pour autant mener d’actions. Aucun d’entre eux ne s’est jamais porté partie civile dans une quelconque affaire. Le premier a disparu des radars. Le second produit des communiqués pleins de justesse, mais qui, sans d’autres formes d’expression, va lasser. Quant à l’exécutif, il va certes consacrer une journée à la question. Et puis plus rien. En a-t-il d'ailleurs les moyens sinon l'envie? Alors que faire ? Acter en justice, dénoncer des faits scandaleux sans craindre de se mettre à dos des personnes, quitter le simple domaine de la dénonciation d’un phénomène pour mettre en cause des individus. Le phénomène mafieux de la Camorra a été mis en exergue quand Saviano au péril de sa vie a donné des noms, cités des faits. Est-ce possible dans notre microsociété ? Pas sûr. Alors il faut espérer que l’état, ce foutu état dénoncé à tous les coins de rue, va faire son travail et combattre efficacement les voyous.
Vive la solidarité nationale
Le président Macron, n’en déplaise aux grincheux, a largement distribué l’argent public pour empêcher que la crise ne s’achève en une catastrophe pour les plus malheureux. Oui, mais contrairement à ce que prétendent les sirènes extrémistes, l’argent n’est jamais gratuit. Il peut être plus ou moins cher selon les circonstances planétaires. Mais il a toujours un coût. Ceux qui écrivent que la dette va disparaître grâce à l’inflation sont des ignorants. Car l’inflation a un coût. Elle amoindrit les salaires et donc appauvrit les salariés. Elle va vraisemblablement atteindre les 9 % à la fin de l’année. Cela signifie très concrètement que les revenus vont baisser d’autant alors que le coût de produits indispensables comme les carburants, les aliments augmente. Plus que toute autre région, à l’égal de Mayotte ou des départements d’outre-mer, la Corse vit grâce à la solidarité nationale. Inévitablement celle-ci va diminuer. Je prends l’exemple d’EDF qui est censé investir en Corse alors même que notre électricité est en grande partie subventionnée par la solidarité nationale.
L’État qui a lancé le processus de nationalisation de l’énergéticien, a annoncé, jeudi 28 juillet avoir subi l’une des plus lourdes pertes de son histoire au premier semestre soit 5,3 milliards d’euros. L’endettement financier net du groupe s’est élevé à 42,8 milliards d’euros à fin juin, contre 43 milliards à fin 2021, malgré l’augmentation de capital de 3,1 milliards d’euros, fin mars. Le double. Il va être difficile d’être généreux avec la Corse. Sans être oiseau de mauvais augure, il paraît évident que la crise dans laquelle nous nous enfonçons va avoir de lourdes conséquences pour notre île. Alors plutôt que de jouer les enfants gâtés qui demandent toujours, nous ferions bien d’étudier la situation, de tenter d’apprécier les années à venir et d’obtenir le nécessaire plutôt que nous entêter à exiger l’impossible en frappant le sol de nos tout petits talons rageurs.
Un été en pente douce
Il est étrange en vieillissant de constater à quelle vitesse le temps lui-même évolue. Les années filent et on se remémore le temps de sa jeunesse quand en septembre on foulait le raisin en riant, quand nous courrions dans le maquis en nous prenons pour des aventuriers. Aujourd’hui bien des témoins de cette époque ont disparu, emportés par l’âge, par la maladie. La nostalgie est une mauvaise conseillère. Mais je me surprends à bénir les dieux d’avoir connu le monde quand il était encore en pleine espérance, quand la nature n’avait pas été trop abîmée. Et c’est pourtant ma génération qui est responsable du gâchis actuel. Le pape vient de demander pardon aux Amérindiens pour le mal que l’Église catholique leur a infligé. Peut-être ma génération, celle du baby-boom devrait-elle s’excuser de laisser notre monde aux générations futures dans l’état où il se trouve. Et la Corse ne saurait échapper à cet exercice de contrition. Ça n’est pas tant le fait de s’être trompé qui m’attriste que de l’avoir fait avec une telle arrogance. Communistes, fascistes, capitalistes, tous devaient faire de la planète un paradis. Nous l’avons transformée en une immense souffrance dont nous commençons à payer le prix entraînant avec nous la nature, bien innocente pour l’occasion, dans notre désastreux naufrage.
GXC
Chaud, chaud l’été est chaud
On ne sait pas trop si c’est le résultat du battage médiatique ou la réalité qui s’impose à nous, mais la chaleur est ressentie comme accablante. Mais à constater l’état du maquis qui ternit, j’ai tendance à croire que la canicule est une réalité et une réalité à laquelle il faudra s’habituer dans les années à venir. Il y a 45 ans, avec ma compagne, nous avions parcouru en plein été le GR20 partie sud. Nous rencontrions partout des sources. Nous avions rencontré des zones de névé. En 2002, avec un ami nous avons attaqué le GR par le nord à la fin mai. Les sources avaient quasiment disparu. Aujourd’hui les cours d’eau sont à l’étiage au début juillet. J’ai longtemps cru que l’eau nous était éternelle. Hélas ça n’était qu’une illusion et c'est particulièrement angoissant. Il va falloir se restreindre, expliquer aux nouveaux arrivants que cette denrée est un bien commun et non un « truc » de plus qu’on peut exploiter parce qu’on a de l’argent. Il va falloir faire des réserves pendant les périodes humides. Sans toutes ces précautions et bien d’autres encore, nos étés vont devenir des enfers.
Tourisme de masse ou tourisme de luxe
Cet été, je n’ai pas eu l’impression d’un tsunami touristique sur la Corse. Il faut dire que la destination corse est chère, très chère. Le passage en bateau avec cabine coûte un bras et la nourriture atteint des prix faramineux. Résultat : les plages affichent un confort que nous envierait la Côte d’Azur. On ne bouscule pas et les embouteillages n'ont lieu que sur quelques routes notamment à Porto Vecchio et en Balagne. Néanmoins les professionnels se plaignent encore et toujours de la concurrence sauvage de Rbnb et autres locations au noir. Les municipalités commencent à réagir à raison. L’une des ruses utilisées par les spéculateurs est de déclarer leur logement vacant aux impôts évitant ainsi de payer la taxe d’habitation. Puis ils louent le bien sans le déclarer. Cette tendance se renforce avec les nouvelles constructions souvent achetées des continentaux qui espèrent ainsi récupérer le beurre et l’argent du beurre. Je ne vois que la répression pour freiner ou arrêter ce mouvement spéculatif qui spolie les professionnels et les communes.
Changement de patronymes
Depuis le 1er juillet 2022, il est possible de prendre le nom de famille de la mère en plus de celui du père ou de simplement remplacer celui du père par celui de la mère. Il semblerait qu’une telle possibilité remporte un franc succès qui en dit long sur l’époque et le sens que donnent bien des Corses à l’idée d’être corse. Il y a un demi-siècle, peu importaient les patronymes : on était corse sans avoir à le justifier. Il est vrai que la langue corse était répandue et qu’elle constituait un ciment important pour définir l’identité. Mais ça n’était pas toujours vrai. Bien des Corses descendants de gendarmes installés dans l’île, ou encore d’entrepreneurs implantés au XIX siècle sur notre sol, portaient des noms continentaux. Cela ne les empêchait pas de devenir maire voire député et de représenter la Corse. En littérature, comment ne pas penser à Ghjacumu Thiers ou à Ghjuvan Micheli Weber. La traduction de la Bible en langue corse à laquelle j’ai eu l’honneur de participer fut portée sur les fonts baptismaux par Christian Dubois de Ghisoni. Tous sont des corsophones confirmés et tous vivent ici. Ils ont leurs racines ici et le patronyme souvent grand-paternel ne change rien à leur réalité profonde. Cette volonté de changer de noms de famille plutôt que d’être la démonstration d’une pérennité de culturelle, indique selon moi une faiblesse identitaire. Pourquoi pas après tout ? Mais qu’est-ce que le patronyme indique sinon qu’on est l’enfant de son père ou de sa mère ?
Les discussions avec le gouvernement
Oserais-je suggérer qu’en règle générale, le citoyen de Corse donne le sentiment de se moquer de la question du statut de la Corse. Gilles Simeoni a beau tambouriner que la question essentielle est celle de la Constitution, j’ai le sentiment que les préoccupations populaires sont beaucoup plus pragmatiques. Elles tournent autour du climat et du coût de la vie. Elles ne sont même pas centrées sur la question mafieuse qui pour l’immense majorité des Corses tient représente quelque de mal défini situé entre le rêve et la réalité. Ça n’est pas mon avis, mais le citoyen moyen a plus peur de la petite délinquance qui s’en prend à ses biens et à ses proches que du grand banditisme dont il peine à percevoir l’existence et les contours. On se murmure sous le manteau avec un frisson que tel restaurant appartiendrait en sous-main au Petit Bar. Mais les conséquences directes de tels faits sont inexistants pour le citoyen lambda. La conscience n'arrive qu'avec des drames qui touchent des innocents. En Sicile la prise de conscience a surgi avec les assassinats de magistrats et de policiers. Avant l’idée mafieuse était plus ou moins intégrée à un quotidien fataliste. Les deux collectifs corses ont une existence par éclipse. Celui créé par Battesti et Giovannangeli est aujourd'hui muet.
Celui qui défend la mémoire de Massimu Susini est plus actif, mais sans pour autant mener d’actions. Aucun d’entre eux ne s’est jamais porté partie civile dans une quelconque affaire. Le premier a disparu des radars. Le second produit des communiqués pleins de justesse, mais qui, sans d’autres formes d’expression, va lasser. Quant à l’exécutif, il va certes consacrer une journée à la question. Et puis plus rien. En a-t-il d'ailleurs les moyens sinon l'envie? Alors que faire ? Acter en justice, dénoncer des faits scandaleux sans craindre de se mettre à dos des personnes, quitter le simple domaine de la dénonciation d’un phénomène pour mettre en cause des individus. Le phénomène mafieux de la Camorra a été mis en exergue quand Saviano au péril de sa vie a donné des noms, cités des faits. Est-ce possible dans notre microsociété ? Pas sûr. Alors il faut espérer que l’état, ce foutu état dénoncé à tous les coins de rue, va faire son travail et combattre efficacement les voyous.
Vive la solidarité nationale
Le président Macron, n’en déplaise aux grincheux, a largement distribué l’argent public pour empêcher que la crise ne s’achève en une catastrophe pour les plus malheureux. Oui, mais contrairement à ce que prétendent les sirènes extrémistes, l’argent n’est jamais gratuit. Il peut être plus ou moins cher selon les circonstances planétaires. Mais il a toujours un coût. Ceux qui écrivent que la dette va disparaître grâce à l’inflation sont des ignorants. Car l’inflation a un coût. Elle amoindrit les salaires et donc appauvrit les salariés. Elle va vraisemblablement atteindre les 9 % à la fin de l’année. Cela signifie très concrètement que les revenus vont baisser d’autant alors que le coût de produits indispensables comme les carburants, les aliments augmente. Plus que toute autre région, à l’égal de Mayotte ou des départements d’outre-mer, la Corse vit grâce à la solidarité nationale. Inévitablement celle-ci va diminuer. Je prends l’exemple d’EDF qui est censé investir en Corse alors même que notre électricité est en grande partie subventionnée par la solidarité nationale.
L’État qui a lancé le processus de nationalisation de l’énergéticien, a annoncé, jeudi 28 juillet avoir subi l’une des plus lourdes pertes de son histoire au premier semestre soit 5,3 milliards d’euros. L’endettement financier net du groupe s’est élevé à 42,8 milliards d’euros à fin juin, contre 43 milliards à fin 2021, malgré l’augmentation de capital de 3,1 milliards d’euros, fin mars. Le double. Il va être difficile d’être généreux avec la Corse. Sans être oiseau de mauvais augure, il paraît évident que la crise dans laquelle nous nous enfonçons va avoir de lourdes conséquences pour notre île. Alors plutôt que de jouer les enfants gâtés qui demandent toujours, nous ferions bien d’étudier la situation, de tenter d’apprécier les années à venir et d’obtenir le nécessaire plutôt que nous entêter à exiger l’impossible en frappant le sol de nos tout petits talons rageurs.
Un été en pente douce
Il est étrange en vieillissant de constater à quelle vitesse le temps lui-même évolue. Les années filent et on se remémore le temps de sa jeunesse quand en septembre on foulait le raisin en riant, quand nous courrions dans le maquis en nous prenons pour des aventuriers. Aujourd’hui bien des témoins de cette époque ont disparu, emportés par l’âge, par la maladie. La nostalgie est une mauvaise conseillère. Mais je me surprends à bénir les dieux d’avoir connu le monde quand il était encore en pleine espérance, quand la nature n’avait pas été trop abîmée. Et c’est pourtant ma génération qui est responsable du gâchis actuel. Le pape vient de demander pardon aux Amérindiens pour le mal que l’Église catholique leur a infligé. Peut-être ma génération, celle du baby-boom devrait-elle s’excuser de laisser notre monde aux générations futures dans l’état où il se trouve. Et la Corse ne saurait échapper à cet exercice de contrition. Ça n’est pas tant le fait de s’être trompé qui m’attriste que de l’avoir fait avec une telle arrogance. Communistes, fascistes, capitalistes, tous devaient faire de la planète un paradis. Nous l’avons transformée en une immense souffrance dont nous commençons à payer le prix entraînant avec nous la nature, bien innocente pour l’occasion, dans notre désastreux naufrage.
GXC