• Le doyen de la presse Européenne

Politique de l 'eau : l'autre Gilles

Une vision stratégique et pragmatique

Politique de l’eau : l’autre Gilles


La vision stratégique et le pragmatisme de « l’autre Gilles » seront précieux techniquement et aussi politiquement pour la majorité siméoniste car l’opinion publique est très attentive à ce qui se fera et car les oppositions « mettent la pression ».

Depuis le 1er juillet 2021, date à laquelle il a accédé au Conseil Exécutif de Corse et aux commandes de l’Office d’équipement hydraulique de la Corse (OEHC), Gilles Giovannangeli ni ne sature ni n’occupe l’espace médiatique, et ne fait ni dans le conflit, ni dans la polémique.Après son élection, sa première déclaration a d’ailleurs été de préciser qu’il poursuivrait la mise en œuvre du plan Acqua Nostra 2050 (plan régional pour la politique de l'eau intégrant la problématique des communes et intercommunalités afin d'améliorer les captages, constituer de nouvelles réserves et construire des réservoirs) que son prédécesseur, Saveriu Luciani, avait élaboré avec les équipes de l’OHEC et fait adopter à l’unanimité le 30 juillet 2020 par l’Assemblée de Corse. Pourtant l’intéressé ne manque ni d’expérience, ni de légitimité (parcoursprofessionnel au cœur du monde de l’entreprise, de l’économie sociale et de la formation, deux mandats de maire, militant nationaliste, prisonnier politique). Il aura fallu que, début août dernier, la préfecture de la Haute-Corse jette un pavé dans la mare en diffusant un communiqué alarmant prévenant qu’il restait 25 jours avant que la Corse connaisse une grave pénurie d’eau, pour que Gilles Giovannangeli sorte de sa réserve. Avec détermination, courtoisie et pédagogie. Sans inutiles effets de manches ou coups de menton.

Qu’en retenir ? Beaucoup de choses ! Il s’est inscrit en faux contre l’alarmisme préfectoral. Tout en déplorant qu’un message inapproprié ait été envoyé, il a convenu que des mesures de limitation des consommations étaient nécessaires, Il a expliqué que tous les territoires ne relevaient pas d’un même niveau de restriction, que les situations préoccupantes de sécheresse affectaient essentiellement, et en partie conjoncturellement, la Plaine orientale, la Balagne et le Cap Corse. Par ailleurs, il a tiré profit de la communication préfectorale pour intervenir dans le débat sur la politique de l’eau qui battait son plein et prolonger affiner les indications concernant ce dossier sensible qu’avait fournies Gilles Simeoni quelques jours plus tôt lors d’une session de l’Assemblée de Corse. Le président du Conseil Exécutif avait souligné que les priorités des politiques publiques devraient dorénavant être en grande partie dictées par la prise en compte de l’accélération, des désordres et des conséquences du réchauffement climatique, et que, par conséquent, la politique de l’eau devenait une ardente priorité. Il avait aussi pointédu doigt une responsabilité partagée État / Collectivité de Corse : « Sur les trois premières dotations du PEI (Plan Exceptionnel d’Investissement), seulement 55 millions sur 1,7 milliard ont été consacrés à l'Eau. Le PEI n'a donc pu rattraper le retard. Lorsque nous avons été élus, nous étions à la quatrième convention. Nous avons essayé de rééquilibrer, mais nous n'avons pu aller au-delà de 24 millions. » Enfin, il avait souligné qu’il convenait de « changer de paradigme ».

Stratégie et pragmatisme

Gilles Giovannangeli a confirmé qu’il est urgent de se lancer dans des programmes d'infrastructures en soulignant que la capacité actuellede stockage répondait juste aux besoins du présent et d’un futur proche, et que le changement climatique imposait un agenda serré à l’action. Il l’a fait en révélant les grandes lignes de la vision stratégique qui guidait son action. Il a rappelé que les communes et les intercommunalités ayant la compétence Eau avaient le pouvoir et le devoir de remettre à niveau leurs infrastructures vieillissantes. Il a précisé positionner la politique de l’eau selon une démarche de développement soutenable entendant ne pas céder à des contraintes toujours plus grandes dictées par la surconsommation et la surfréquentation. Il a dit son opposition aux polémiques aboutissants à créer des clivages entres usagers (agriculture contre tourisme, besoin contre agrément…) Il a défendu une philosophie du partage de la ressource dans le cadre d’un développement global de la Corse et aussi d’un changement progressif des comportements se faisant à partir du progrès (utilisation de nouvelles techniques d'irrigation) et d’un prise de conscience individuelle et collective des enjeux environnementaux.
Probablement par réalisme (prise en compte des coûts et de l’insuffisance des budgets pouvant être mobilisés), par conviction environnementale et par certitude que cela serait inadapté à la réalité corse (se souvenir des oppositions à la construction du barrage du Rizzanese), il a dit son opposition à la réalisation de ga- infrastructures (citant un bassin d’un contenance de 800 millions de m3 et d’uneemprise de 32 km² ayant été construit en Sardaigne. Gilles Giovannangeli a aussi décliné sa démarche opérationnelle pragmatique. Il a affiché l’objectif qu'à l'horizon 2030, la capacité totale de stockage soit augmentée de 15 millions de m³ à partir de la création de retenues collinaires, d’un droit d'eau sur les infrastructures EDF majoré de 2 à 5 millions de m³, de la rehausse de barrages existants (Figari, Codole, Alisgiani…), d’un maillage entre les barrages de l'Ortolo et de Figari, d’une mobilisation de 230 millions d’euros (en recourant à l’aide de l’Etat). Le président de l’OHEC a ainsi décrit une approche étapiste de la réalisation du plan Acqua Nostra 2050 (horizon 2030) dictée par l’urgence (accélération du réchauffement climatique, augmentation des consommations). Et à l’attention de ceux qui lui reprocheraient un manque d’ambition, il a lancé : « Acqua Nostra, c'est un grand état des lieux, des besoins des territoires et des solutions envisageables, avec une faiblesse, c'est qu'il n'est pas financé. Il était évalué à 600 millions d'euros à l'époque où il a été établi, aujourd'hui on est bien au-delà. »

Un homme précieux

La vision stratégique et le pragmatisme de « l’autre Gilles » seront précieux techniquement et aussi politiquement pour la majorité siméoniste car l’opinion publique est très attentive à ce qui se fera et car les oppositions « mettent la pression ». A droite, Jean-Martin Mondoloni a donné le ton en invitant à agir vite : « Rien ne nous empêche de nous prendre par la main sur nos fonds propres, nos initiatives propres, avec la marge qui est la nôtre. » et en distillant l’idée que le dossier Eau prime sur le dossier Evolution institutionelle : « Si à l'issue de trois ans de discussions, nous réussissons à arracher un grand plan sur l'eau, je signe tout de suite, autonomie ou pas. » Jean-Christophe Angelini (Partitu di a Nazione Corsa) a insisté sur l’urgence d’agir : « On peut dorénavant en parler au présent, c'est notre quotidien (…) Le défi consiste à passer du consensus à l'opérationnel » en soulignant que Saveriu Lucian avait fait valider un cadre stratégique (Acqua Nostra 2050, Plan de bassin d'adaptation au changement climatique, Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux) et relevant que l’enveloppe budgétaire restait à dégager et adopter : « Il est urgent d'actualiser les modalités et coûts alloués ». Paul Quastana a ajouté un grain de sel Core in Fronte en exigeant « une politique de l'eau cohérente pour que l'eau ne parte pas à la mer » et en précisant qu’il n’était nul besoin d’une réforme institutionelle pour aller de l’avant : « Eau, épuration, pollution des navires, tout cela est à notre portée ».



Pierre Corsi
Partager :