Juifs marocains : l'amitié royale ne vaut pas garantie totale et illimitée
La bienveillance de Mohammed VI et une cuisante défaite électorale du principal parti islamiste sont de nature à inciter les juifs marocains à l'optimisme.
Juifs marocains : l’amitié royale ne vaut pas garantie totale et illimitée
La bienveillance de Mohammed VI et une cuisante défaite électorale du principal parti islamiste sont de nature à inciter les juifs marocains à l’optimisme. Mais...
Sa construction remontait à la fin du 19éme siècle. Elle était à l’abandon et menaçait ruine. Elle est désormais sauvée. En effet, dans le cadre du Programme royal de restauration des synagogues, sanctuaires et cimetières juifs et du Programme de Réhabilitation et de Valorisation de la Médina de Tanger, la synagogue Al-Sayagh a fait l'objet d'une restauration à l’identique à laquelle ont notamment participé le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, le Conseil des Communautés Israélites du Maroc et la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain. La synagogue Al-Sayagh a donc retrouvé son lustre d’antan. Mais pas seulement. Elle est désormais bien plus qu’un lieu de culte. Des costumes et des ornements juifs traditionnels, ainsi que des photos et objets ayant appartenu à des Juifs de Tanger au cours du siècle dernier, sont exposés dans un espace muséal et touristique.
Prochainement, il y sera installé un Centre d’Études et de Recherches consacré à la culture Megurachim importée par des juifs chassés d’Espagne en 1492, dont les descendants ont conservé et transmis des traditions, des savoirs et une langue mêlant l’hébreu, le castillan ancien et l’arabe. Enfin, dans quelques mois, sera ouvert un Centre d’Études et de Recherches dédié au Judaïsme séfarade du Nord du Maroc qui associera les travaux d’experts et de spécialistes marocains à ceux d’universités et institutions d’Israël, de France, d’Espagne, de Belgique, du Canada et des USA.
Le Conseil des Communautés Israélites du Maroc a vivement remercié le Roi du Maroc d’avoir, avec la restauration de la synagogue Al-Sayagh, réaffirmé son soutien à la communauté juive : « L'ouverture de ce haut lieu culturel reflète, d'une part, l'attention que le Commandeur des Fidèles, Sa Majesté le Roi Mohammed VI accorde aux Juifs ; d'autre part, la diversité culturelle et civilisationnelle du Maroc. »
Vers davantage de modernité et de démocratie
Mohammed VI qui, depuis plusieurs années, s’attache à conserver une communauté juive au sein de la société marocaine, entend aller plus loin. Sa volonté est d’associer cette communauté d’environ 3500 âmes à une évolution du Maroc vers davantage de modernité et de démocratie. En ce sens, le 13 juillet dernier, le gouvernement a annoncé que les institutions représentatives de la communauté juive du Maroc qui n’ont pas été réformées depuis 1945 (le Maroc était alors sous protectorat français), le seront dans les prochains mois afin de donner toute sa place à la communauté juive au sein du Royaume, de renouer des liens avec les juifs marocains de l’étranger et de légitimer plus fortement la pratique du judaïsme dans le pays.
Avant la fin de cette année, verront donc le jour : le Conseil national de la communauté juive marocaine qui assurera la représentation et la gestion des affaires courantes de la communauté ; la Commission des juifs marocains de l’étranger qui fera le lien entre les membres de la diaspora juive marocaine et leur pays d’origine ; la Fondation du judaïsme marocain qui veillera à ce que soient respectée au sein du royaume la religion et la culture juives.
La réforme aura probablement pour effets immédiats un renforcement de la place de la communauté juive au sein du Royaume, un développement des relations avec Israël qui compte plusieurs centaines de milliers de juifs nés au Maroc ou ayant des ascendants marocains, un gain d’image du Maroc à l’international (Islam de la modernité, souverain apparaissant comme le « Commandeur de tous les croyants » et non plus comme le « Commandeur des croyants »).
Tout cela, auquel il convient d’ajouter la cuisante défaite électorale du principal parti islamiste en septembre de l’an passé (représentation parlementaire passée de 121 à 13 députés), est de nature à inciter les juifs marocains à l’optimisme. Cependant, les ferments de l'antisémitisme, de l’intégrisme religieux et du djihadisme (autocratie, corruption, pauvreté, inégalités, illettrisme, conflit israélo-palestinien) n’ayant pas disparu et, si l’on considère tous ces maux, le « Commandeur de tous les croyants » n’étant probablement pas encore le « Commandeur de tous les Marocains », son amitié ne vaut pas garantie totale et illimitée.
Alexandra Sereni
La bienveillance de Mohammed VI et une cuisante défaite électorale du principal parti islamiste sont de nature à inciter les juifs marocains à l’optimisme. Mais...
Sa construction remontait à la fin du 19éme siècle. Elle était à l’abandon et menaçait ruine. Elle est désormais sauvée. En effet, dans le cadre du Programme royal de restauration des synagogues, sanctuaires et cimetières juifs et du Programme de Réhabilitation et de Valorisation de la Médina de Tanger, la synagogue Al-Sayagh a fait l'objet d'une restauration à l’identique à laquelle ont notamment participé le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, le Conseil des Communautés Israélites du Maroc et la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain. La synagogue Al-Sayagh a donc retrouvé son lustre d’antan. Mais pas seulement. Elle est désormais bien plus qu’un lieu de culte. Des costumes et des ornements juifs traditionnels, ainsi que des photos et objets ayant appartenu à des Juifs de Tanger au cours du siècle dernier, sont exposés dans un espace muséal et touristique.
Prochainement, il y sera installé un Centre d’Études et de Recherches consacré à la culture Megurachim importée par des juifs chassés d’Espagne en 1492, dont les descendants ont conservé et transmis des traditions, des savoirs et une langue mêlant l’hébreu, le castillan ancien et l’arabe. Enfin, dans quelques mois, sera ouvert un Centre d’Études et de Recherches dédié au Judaïsme séfarade du Nord du Maroc qui associera les travaux d’experts et de spécialistes marocains à ceux d’universités et institutions d’Israël, de France, d’Espagne, de Belgique, du Canada et des USA.
Le Conseil des Communautés Israélites du Maroc a vivement remercié le Roi du Maroc d’avoir, avec la restauration de la synagogue Al-Sayagh, réaffirmé son soutien à la communauté juive : « L'ouverture de ce haut lieu culturel reflète, d'une part, l'attention que le Commandeur des Fidèles, Sa Majesté le Roi Mohammed VI accorde aux Juifs ; d'autre part, la diversité culturelle et civilisationnelle du Maroc. »
Vers davantage de modernité et de démocratie
Mohammed VI qui, depuis plusieurs années, s’attache à conserver une communauté juive au sein de la société marocaine, entend aller plus loin. Sa volonté est d’associer cette communauté d’environ 3500 âmes à une évolution du Maroc vers davantage de modernité et de démocratie. En ce sens, le 13 juillet dernier, le gouvernement a annoncé que les institutions représentatives de la communauté juive du Maroc qui n’ont pas été réformées depuis 1945 (le Maroc était alors sous protectorat français), le seront dans les prochains mois afin de donner toute sa place à la communauté juive au sein du Royaume, de renouer des liens avec les juifs marocains de l’étranger et de légitimer plus fortement la pratique du judaïsme dans le pays.
Avant la fin de cette année, verront donc le jour : le Conseil national de la communauté juive marocaine qui assurera la représentation et la gestion des affaires courantes de la communauté ; la Commission des juifs marocains de l’étranger qui fera le lien entre les membres de la diaspora juive marocaine et leur pays d’origine ; la Fondation du judaïsme marocain qui veillera à ce que soient respectée au sein du royaume la religion et la culture juives.
La réforme aura probablement pour effets immédiats un renforcement de la place de la communauté juive au sein du Royaume, un développement des relations avec Israël qui compte plusieurs centaines de milliers de juifs nés au Maroc ou ayant des ascendants marocains, un gain d’image du Maroc à l’international (Islam de la modernité, souverain apparaissant comme le « Commandeur de tous les croyants » et non plus comme le « Commandeur des croyants »).
Tout cela, auquel il convient d’ajouter la cuisante défaite électorale du principal parti islamiste en septembre de l’an passé (représentation parlementaire passée de 121 à 13 députés), est de nature à inciter les juifs marocains à l’optimisme. Cependant, les ferments de l'antisémitisme, de l’intégrisme religieux et du djihadisme (autocratie, corruption, pauvreté, inégalités, illettrisme, conflit israélo-palestinien) n’ayant pas disparu et, si l’on considère tous ces maux, le « Commandeur de tous les croyants » n’étant probablement pas encore le « Commandeur de tous les Marocains », son amitié ne vaut pas garantie totale et illimitée.
Alexandra Sereni