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La seconde mort de Mikhail Gorbatchev

Le fossoyeur du glacis soviétique.

La seconde mort de Mikhail Gorbatchev

Mikhail Gorbatchev, dernier dirigeant de l’Union soviétique, est décédé à Moscou à l’âge de 91 ans. Son dernier acte politique aura été d’approuver l’annexion de la Crimée par la Russie. Mais auparavant, il avait été le fossoyeur du glacis soviétique. Retour sur l’itinéraire d’un chef d’État pragmatique.


Un enfant du poststalinisme



Présenté comme un novateur, Gorbatchev fut avant tout une création du système soviétique du poststalinisme. Remarqué par le responsable du redoutable KGB, Iouri Andropov, cet ancien responsable des Jeunesses communistes est l’apparatchik modèle. Membre du Comité central du Parti communiste en 1971, il devient ministre de l’Agriculture sept ans plus tard et membre du Politburo en 1980. Or la situation de l’URSS est catastrophique. Son économie vacille à cause des dépenses occasionnées par la guerre en Afghanistan, la course à l’armement et à l’espace provoquée par la guerre froide et plus tard la catastrophe de Tchernobyl. Mais, par-delà ces causes circonstancielles, le système politique crée une déresponsabilisation catastrophique des citoyens à tous les niveaux du pays. Alors qu’aujourd’hui l’Ukraine est la première exportatrice de céréales dans le monde, à l’époque de l’URSS à cause de l’incompétence de ses services, elle doit importer du blé pour nourrir ses citoyens. Un rapport datant des années soixante-dix commandé par Andropov met en évidence la gabegie socialiste alors même qu’à partir de 1978, la Chine dirigée par Deng Xiaoping a entrepris une véritable révolution économique rétablissant de fait les règles capitalistes de l’économie de marché dans l’économie chinoise, lui donnant un dynamisme considérable. Enfin, l’affaiblissement de la tyrannie soviétique provoque dans les républiques du Caucase des débuts de sécession notamment en Arménie et en Tchétchénie. Gorbatchev répond à ces crises par des réformes de fond, mais sans abandonner la doxa communiste promouvant la glasnost et la perestroïka.

L’homme de l’effondrement


Il se heurte aux forces conservatrices du Pari communiste. Il renouvelle alors en profondeur la hiérarchie communiste : les deux tiers de la composition du bureau politique, soit 40 % des membres du comité central, sont ainsi écartés pour permettre à des réformateurs d’entrer en nombre au sein du comité central du PCUS. Enfin il amorce un dialogue avec le président américain, Ronald Reagan parvenant après de gros efforts diplomatiques à s’entendre sur une réduction de l’arsenal nucléaire des deux pays. En mai 1988, il décide le retrait d’Afghanistan et accepte une opposition intellectuelle. Le mur de Berlin est alors abattu par des manifestants ce qui inspire en Chine la protestation de Tien An Men écrasée dans le sang sans que l’Occident ne réagisse. Prix Nobel de la paix en 1990, Gorbatchev n’obtient que de maigres résultats en matière économique. En 1991, il doit quitter l’URSS et est remplacé par Boris Eltsine après un putsch raté des conservateurs. Le Parti communiste est dissous la même année. Les accords de Minsk signés le 8 décembre et les accords d’Alma-Ata signés le 21 décembre 1991, créant la Communauté des États indépendants (CEI), sonnent le glas de l’Union soviétique. Gorbatchev démissionne de son poste de président de l’URSS le 25 décembre 1991 et, le lendemain, le Soviet suprême dissout l’URSS et s’autodissout : la République socialiste fédérative soviétique de Russie devient la Fédération de Russie. Pour bon nombre de citoyens de Russie, Gorbatchev devient alors le traître qui a vendu sa patrie à l’Occident alors que lui voulait conserver l’Union soviétique contrairement à Boris Eltsine et aux futurs oligarques pressés de mettre la main sur l’économie russe.

Une fin de vie en pointillé


L’un des grands drames de Gorbatchev va être le décès de son épouse Raïssa le 20 septembre 1990. Par la suite, il apparaîtra avec des ONG écologistes et pacifistes. En 2001, il crée un parti social-démocrate qu’il quitte trois ans plus tard. Il se fera de nouveau entendre en demandant la création d’un tribunal international pour juger « juger ceux qui sont coupables de crimes écologiques, aussi bien des chefs d’entreprise que des chefs d’État ou de gouvernement ». On ne peut alors que penser au désastre écologique provoqué par la politique de cette URSS qu’il avait longtemps dirigée. Allié à l’oligarque russe, Alexandre Lebedev, il fonde avec lui en 2008, le parti démocratique indépendant de Russie, parti qui n’a jamais réussi à percer. De retour en Russie, il soutient Vladimir Poutine lorsque celui-ci décide d’annexer la Crimée et il n’élèvera pas de protestation lorsque la Russie envahit l’Ukraine en février 2022. Il est alors hospitalisé dans un établissement dépendant directement de la présidence russe. Plus qu’un réformateur il aura été l'instrument de situations qui l’ont obligé à entreprendre des réformes qui ont fini par avoir raison d’un système tyrannique qui ne correspondait plus aux critères exigés par la mondialisation de l’économie.

GXC
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