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Marc -Antoine Corticchiato, un << nez >> passeur de songes

Marc-Antoine Corticchiato est l'un des plus fameux << nez >> planétaires et ses parfums ont été récompensés de nombreux prix.

Marc-Antoine Corticchiato, un « nez » passeur de songes

Marc-Antoine Corticchiato est l’un des plus fameux « nez » planétaires et ses parfums ont été récompensés de nombreux prix. Son parcours professionnel est édifiant : scientifique dans un laboratoire de recherche axé sur l’analyse des plantes à parfum et leurs méthodes d’extraction il a été intégré dans un laboratoire de création de parfums à Paris. Intervenant à l’ISIPCA, l’École Internationale de Parfumerie de Versailles, ses travaux ont été publiés dans des revues internationales de recherche. Épris d'indépendance, il y a vingt ans exactement, il a créé sa propre structure, Parfum d’Empire et, depuis n’a cessé d’imaginer et de créer ses parfums dont les plus fameux sont Musc Tonkin, Corsica Furiosa, Tabac Tabou, le Cri etc. Ses dernières propositions olfactives, celles dont j’entends ici donner mon ressenti, sont Mal-aimé et Immortelle Corse ou Acqua di Scandola. Toutes trois ont à voir avec la Corse.


Des impressions et des expressions toutes personnelles

Le propre d’un parfum, un vrai, est d’être une proposition qui, une fois acceptée, va évoluer en fonction de paramètres multifactoriels : la nature de la peau, son propre vécu, ses désirs, ses espérances. Ce que j'écris ici n'est que la traduction de mon ressenti tellement un parfum est une initiation à un voyage dans sa propre intimité. Marc-Antoine Corticchiato porte en lui une singularité qui transparaît dans ses créations. Il est un homme qui aspire à une vraie liberté en refusant de devenir prisonnier d’une mode ou même d’un public. Ses parfums sont d’abord le produit de son imagination, de ses songes. Il les assemble, leur donne une naissance et ensuite il invite les « olfacteurs » à les tenter. Car ses parfums sont des tentations. Aussi faut-il comprendre l’appellation Parfum d’Empire non comme un hommage à l’Empereur, mais à l’empire des sens. Car dans ses parfums tout est sens et donc sensuel. Marc-Antoine Corticchiato crée avec ses parfums des langages qui nous sont adressés. Mon regretté père, Antoine Louis Culioli, linguiste de profession, affirmait que « tout langage est un malentendu », mais un malentendu heureux. Le créateur propose et le récipiendaire dispose. Ou plutôt non, il ne dispose pas. Son subconscient et son inconscient disposent entraînant celui-ci dans le labyrinthe de ses propres songes et empruntant ceux de ce diable de parfumeur.

Mal-Aimé le sauvageon

Marc-Antoine Corticchiato a imaginé ce parfum bâti à partir de ces plantes mal traitées par l’homme, ces mauvaises herbes ainsi désignées car elles ont l’insolence de pousser alors sans être plantées par l'homme, hors de sa volonté, de son désir. J’aime cette façon qu’il a de dire que toute création de la nature possède son droit de cité dans le monde du Vivant. Mais le créateur ne raconte-t-il pas ici un peu de son propre parcours ? Il a ainsi créé un parfum « déroutant, avant-gardiste, jamais senti ». Corticchiato nous fait le récit d’une autre histoire. Il transforme ou plutôt il transmute les mauvaises herbes qui, grâce à lui, se révèlent les matrices d'un parfum étonnant, novateur.
Que dire de ses fragrances ? À première sensation, nous abordons inconnu. Il y a évidemment une note végétale qui domine, mais une note végétale qui refuse une complicité facile. Marc-Antoine Corticchiato y marie les senteurs d'orties, de chardons, d’autres herbes sauvages qui expriment la terre, les profondeurs, la fraîcheur de sources, la jeunesse, l’indépendance. Dans une revue olfactive, un spécialiste a exprimé bien mieux a décrit ce parfum bien mieux je ne saurais le faire avec mes pauvres mots, le petit vertige créé par l’attirance et l’étrangeté de ce parfum : « un iris des moins consensuels, râpeux et minéral. Il n’en annonce pas moins l’éclaircie finale, celle d’une rose pâle, musquée, attachante en diable. Même si quelques accords de Paprika Brasil ou de l’Eau de gentiane blanche se rappellent à nos bons souvenirs, ce Mal-Aimé a de quoi laisser sans repères les nez les plus aguerris, tant on est peu habitué à sentir ces nuances de vert. Mal-Aimé correspond à des caractères puissamment indépendants. Le parfum n’est son parfum, mais une entité à part entière qui l’auréole ». Marc-Antoine Corticchiato a eu le cœur de préciser à l’occasion de la sortie de ce parfum qu’il est aussi un hommage rendu à son ami Lucien Aquarone, un compatriote, aujourd’hui disparu « mon complice de maquis et de brousse, de la Corse au Vietnam en passant par Madagascar et La Réunion » et à qui il reste fidèle en travaillant avec ses fils Stéphane et Alexandre, distillateurs. Il lui avait rendu hommage dans le Journal de la Corse du 15 mars 2021

Immortelle Corse, l’incontournable

Marc-Antoine Corticchiato est enfant de la Méditerranée. Il est né au Maroc et fait souvent allusion aux orangers que son père y avait plantés. Il est aussi enfant de la Corse à qui il dédie sa collection de parfum L’Héritage corse, qui en dit long sur sa démarche. A murzamuredda, l’immortelle est cette plante aux senteurs de curry qui pousse partout dans notre île. Aujourd’hui cultivée, elle a inspiré bon nombre de parfumeurs. Marc-Antoine Corticchiato en fait l’héroïne du parfum éponyme. Le début du songe qu’évoque le parfumeur est contenu dans un accord parfait safran-abricot-citron conseillé par un ami chef, une sorte d’oxymore savoureux où l’acidité de l’agrume vient compenser le velouté du fruit gourmand. L’immortelle enserre ce cœur de ses élans épicés. Je pense alors au soleil, à la chaleur. Puis arrivent des éclairs de cuir patiné, d’un vieil armagnac lentement dégusté. Un critique évoquait même le pelage d’un chat se roulant de plaisir sur un sol brûlant. C’est aussi le craquement des lichens séchés sur le granit. C’est la Corse à la fois âpre et sensuelle.

Acqua di Scandola, un hommage à la Méditerranée

A Scandola… L’endroit le plus emblématique de la Corse avec ses à-pics de roche rouge survolés par les balbuzards. Marc-Antoine Corticchiato s’en est inspiré pour créer Acqua di Scandola. Impossible de la passer sous silence. Le premier des parfums évoqués dans ces pages traitent des oubliés de la terre, le deuxième d’une plante symbole. Le troisième a trait à la mer, notre mer, le Mare nostrum. Acqua di Scandola lui rend hommage. Marc-Antoine Corticchiato parvient à en « parler » en effaçant le caractère trop iodé d’autres parfums qui ont tenté l’expérience. C’est qu’il marie un extrait naturel d’algue aux senteurs d’immortelles, de genévriers et de verveine. « Dans ce jardin maritime imaginaire poussent de grands magnolias qui dégagent une fraîcheur providentielle. Leur odeur cristalline comme les reflets à la surface des flots éclate le parfum en un kaléidoscope scintillant. L’ombre de leurs pétales s’étire sur la peau moite et y dessine des arabesques blanches et solaires semblables à celles qu’exhale le lys de mer, fleur des sables teintée de sel au parfum fabuleux, dont Lamartine décrivit la romantique origine légendaire dans ses Méditations poétiques » écrit Patrice Revillard sur le site d’Au parfum.

De bonheur en bonheur, de surprise en surprise

Les créations de Marc-Antoine Corticchiato ne sont jamais médiocres. On peut en préférer certaines, mais toutes vous transportent dans un imaginaire sans frontière grâce aux songes du créateur. Humez-les lentement comme si vous savouriez une nourriture céleste. Laissez-les imprégner en profondeur votre être. Ne résistez pas. Et alors il vous revient des souvenirs enfouis que réveille le panaché de senteurs contenu dans chacun des parfums. Un véritable parfum n’est pas simplement un produit. Il n’est pas fait pour détruire votre soi intime, mais pour l’accompagner, le sortir de sa gangue et l’exprimer. Je disais plus haut que tout langage est un malentendu heureux. Le créateur ne connaît pas lui-même les chemins qu’emprunteront ses œuvres. Quant à celle ou à celui qui accepte ce don, il ne peut qu’être baladé de surprise en surprise, de bonheur en bonheur par les effets du parfum.
Étant amateur de parfums — et cependant pas assez fortuné pour les essayer tous car leur prix est élevé, mais justifié ­ — j’avoue avoir choisi ceux de Marc-Antoine Corticchiato car je sais ne jamais devoir tomber dans l’attendu. Ce passeur de songe vous emmène du passé au futur, de la mémoire au désir avec une seule goutte de son nectar olfactif. Il brise les habitudes. Alors le parfum devient un puissant remède aux dépressions, aux regrets inutiles. Dans un monde, hélas souvent désespérant, il agit comme une force onirique de proposition à nulle autre pareille. Un parfum exige un sacrifice financier. Mais il le vaut bien quand on pense aux sommes dépensées en d’affreux déodorants. Car le parfum qui vous convient va vous permettre de partager avec celles et ceux qui vous entourent la sensation d'enfin exprimer ce que vous êtes réellement. Tels ces insectes qui communiquent silencieusement grâce aux phéromones, vous allez pouvoir « parler » à votre entourage de façon délicate et jamais trompeuse. Car le bon parfum ne ment pas. Il amplifie la vérité de votre être. Ces trois parfums offrent une vision restreinte des créations de Corticchiato. Le magnifique Vétiver Bourbon mériterait à lui seul un article tellement il est enthousiasmant. Mais hélas, la place m’est comptée.

Alors, n’hésitez pas et parfumez-vous pour vivre votre propre aventure.

GXC
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