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La justice à bout de souffle

Les états généraux de la justice sont totalement passés inaperçus.

La justice à bout de souffle

Les états généraux de la justice sont totalement passés inaperçus. Ils se sont tenus en juillet, trop chaud pour les sujets sérieux. Pourtant, « La justice est la condition première de l'humanité », a écrit Wole Soyinka, le prix Nobel de littérature.


Contre le slow

Tout a commencé en octobre 202, Emmanuel Macron a lancé les états généraux de la justice. L’objectif était d’élaborer des propositions pour remettre à plat le système. Ces États généraux avaient été réclamés pour contrer les polémiques sur la lenteur de la justice et les accusations de laxisme par des syndicats de police et des responsables politiques. D’après un sondage publié par la commission des lois du Sénat, le 27 septembre 2021, la lenteur est d'ailleurs la première chose que les Français reprochent à la justice. La commission indépendante était présidée par Jean-Marc Sauvé, haut fonctionnaire déjà à la tête de la commission d'enquête sur les abus sexuels sur mineurs dans l'Église. Ce document servira de base à une future loi de programmation pour la justice.


Rapport accablant

Les institutions vont mal ; l’école, l’hôpital et maintenant la justice. Toujours la même ritournelle : pas assez de moyens. Le rapport décrit une institution judiciaire en état de délabrement avancé, qui ne « parvient plus à exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes ». Difficile de rendre justice aux citoyens avec le manque de moyens criants pour tout le système. Là aussi la pénurie de personnel est préjudiciable au bon fonctionnement. L’année dernière, lors de l’installation de six magistrats de la Cour d'appel de Bastia, deux postes étaient encore vacants, qui rendaient cette cour déficitaire de plus de 15 % de ses effectifs théoriques, difficilement soutenable dans cette petite juridiction. Les juridictions de Corse ont peu d’intérêt pour les magistrats continentaux, car même si le Code pénal est le même partout, le territoire où la justice est rendue a des particularités. Le livre « Juges en Corse » en témoigne. Les trois juges et six procureurs qui ont raconté leur carrière entre le début des années 90 et 2017 ont évoqué les pressions, menaces, fuites, poids des clans, et attitude parfois ambiguë de l’État : être magistrat en Corse n'a pas toujours été facile pour ces témoins. Même s’ils estiment que la situation s’est améliorée, elle reste plus compliquée qu’ailleurs.


Donner les moyens

Globalement, le rapport souligne la nécessité de donner davantage de moyens et de corriger en profondeur le milieu judiciaire. Cela passe par l’embauche massive de magistrats, le maintien du juge d'instruction, limiter le recours à la prison, supprimer la Cour de justice de la République... Pour éviter les retards, il faut donc donner les moyens. Sur le plan des effectifs, le comité estime qu'il faut recruter au moins 1 500 magistrats supplémentaires (en plus du remplacement des départs à la retraite) au cours des cinq prochaines années. Le comité propose également de renforcer les effectifs des greffiers et d'apporter aux juridictions un appui administratif et technique (notamment pour le déploiement, la bonne utilisation et la maintenance des outils numériques) d'au moins 2 000 agents. Parmi les propositions concrètes du rapport se trouve la revalorisation de la profession, avec des idées pour enrayer l'explosion des jugements frappés d'appel. « La première instance doit être le lieu où la justice est prioritairement rendue et l'appel doit cesser d'être l'instance où se rejuge la totalité du litige et devienne à terme une voie de réformation de la décision de première instance ». Parmi les suggestions, la prise en charge des frais d'avocat par la partie perdante pourrait être rehaussée.


Réformes en vue

Dans le lot des propositions du rapport se trouvent aussi des pistes de réforme, notamment la nécessité de réformer la justice pénale, avec une refonte du code de procédure, mais un maintien du juge d'instruction, dont l’apport est estimé décisif dans les affaires les plus complexes. L'accent est mis aussi sur l'importance de la réinsertion après un passage en prison. Le comité recommande de limiter les courtes peines d'emprisonnement, qui ne permettent ni d'agir sur le comportement de la personne ni de préparer sa réinsertion. Reste à trancher sur l’indépendance des magistrats du siège, il ne doit y avoir aucune subordination entre le parquet et la chancellerie, or parfois l’ambiguïté existe, dans ce cas le bandeau de la justice tombe.
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