Festival Arte Mare du 30 septembre au 9 octobre
40 ans dèjà ! Un festival consacré au film méditerranéen à Bastia....
Festival Arte Mare du 30 /09 au 9/10
40 ans déjà !
1982. Première assemblée de Corse. Première édition d’un festival consacré au film méditerranéen à Bastia… L’air du temps était au changement et un petit vent frais soufflait sur l’île en dépit des aléas de tous ordres !
L’idée de la manifestation cinématographique venait de la mouvance autonomiste et s’ouvrir sur la Méditerranée n’était pas qu’un vœu pieux mais une nécessité tant était fort le besoin de porter le regard au loin et de dépasser les frontières de l’hexagone.
Le festival du film et des cultures méditerranéennes – c’était son libellé – avait de grandes ambitions et ne se limitait pas à la distraction, Julia Rioni, à la tête de son organisation ne s’en cachait pas. La manifestation se devait d’être politique au sens noble du terme. Dire que tous les élus furent à l’époque emballés par cette initiative serait un euphémisme ! Dans la vieille classe dirigeante beaucoup trainèrent les pieds. Mais l’enthousiasme des Bastiais et des Corses – on venait d’Ajaccio pour assister aux séances – fut suffisamment manifeste pour parer aux hostilités souterraines diverses.
Succès immédiat des premières éditions du festival. Il n’est qu’à rappeler l’émotion suscité par « El crimen de Cuenca » de Pilar Mirò, film qui avait été en butte à la censure post-franquiste car dénonçant des assassinats perpétrés par la Guardia Civile. Le cinéma espagnol enflamma vite les spectateurs. La foule des lycéens se précipitant pour voir les premières réalisations d’Almodovar était impressionnante comme leurs réactions après le visionnage des films.
Grâce au festival on a pu découvrir combien était éblouissante les cinématographies de l’ex-Yougoslavie, combien de Kusturica à Paskaljevic en passant par Kenovic les productions croates, serbes, bosniaques étaient surprenantes. Epoustouflantes… L’éclatement de la fédération des slaves du sud, les conflits qui ont ravagé les pays, ont mis l’éteignoir sur ce cinéma. De Yilmaz Gŭney à Nuri Bilge Ceylan on a pu suivre le parcours pluriel des cinéastes turcs. Pareil pour l’Algérie de Lakdar-Hamina à Chouikh. L’Egypte, longtemps championne de la production cinématographique au Moyen Orient a vu nombre de ses cinéastes talentueux mis au pas, muselés par la dictature qui a suivi les « Printemps arabes ». Quant au cinéma syrien il a été décapité. Au Maroc, par contre, les réalisateurs semblent s’en sortir mieux il n’est qu’à citer Nabil et Hicham Ayouch.
Les premières éditions du festival furent jalonnées d’empoignades politiques survoltées : en cause le soutien à la Palestine qui devait être sans faille. Mais raison fut gardée avec des conférences, des débats véritablement enrichissants. Depuis lors la manifestation s’est assagie, peut-être pour prendre du recul sur un horizon de larmes et de sang tant la Méditerranée fut tout sauf un lac de paix de 1982 à nos jours.
Pour mémoire : 1991 – 2001, combats meurtriers et génocides dans l’ex-Yougoslavie. Guerre au Liban de 1975 à 1990. Intifada de 1987 à 1993 et en 2000. « Opérations Bouclier et Tempête du désert » contre Saddam Hussein en Irak de 1990 à 1991 suivies d’une guerre dite « préventive » en 2003. Multiplications des interventions d’Israël au Liban (massacre de Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila, couvert par Jérusalem), contre Gaza et la Cisjordanie. Forces conjointes de l’OTAN pour éliminer Kadafi en Libye. Coalition pour éradiquer Daech. Guerre en Syrie… Longue et macabre liste !
Dans un tel contexte parler de cinéma n’est qu’une façon de croire en la vie.
Michèle Acquaviva-Pache
Au programme
Compétitions de longs métrage méditerranéens, de films corses, de film d’écoles de cinéma du pourtour de la Méditerranée. Un panorama de films récents du Mare Nostrum. Des productions sélectionnées par « Les Nuits Med », par la plateforme Allindi. Expositions. Des concerts. Des rendez-vous avec les cinéastes invités. Le Prix Ulysse remis à Dany Laferrière.
ENTRETIEN AVEC MICHELE CORROTTI, présidente d’Arte Mare
40 ans d’existence. Cela donne-t-il le vertige ? Est-ce pour le contrer que la manifestation cette année compte deux jours de plus ?
Ces 40 ans d’existence c’est une grande satisfaction car toutes les entreprises associatives ne sont pas pérennes. Quant à moi je ne préside le festival que depuis 30 ans ! Je suis entourée d’une équipe solide et une amitié profonde nous relie les uns aux autres. Effectivement, cette édition anniversaire comporte deux jours supplémentaires car nous avons reçu beaucoup de propositions.
Dans quel était d’esprit avez-vous abordé la célébration de ces 40 ans ?
On a programmé 116 films et ça c’est complètement inédit par le nombre… et la qualité. On a souhaité pour l’occasion faire revenir des artistes qui ont beaucoup compter comme Sapho et Rachid Koraïchi. On a invité un cinéaste tel Nabil Ayouch qui jusqu’à présent n’avait pu faire le déplacement de Bastia. Or, ce réalisateur marocain a emporté deux fois notre Grand Prix. On met en avant nos partenariats, c’est le cas avec la plateforme Allindi. Pour fêter l’anniversaire des 40 ans RCFM nous offre un concert. Comme d’habitude des séances auront lieu au Régent mais encore au Studio – c’est nouveau – en plus du théâtre. En prévision de la fermeture de celui-ci pour travaux nous voulons qu’Arte Mare investisse d’autres espaces.
En quatre décennies comment a évolué le cinéma méditerranéen ?
Globalement il a gagné en force, en puissance, en professionnalisme. Les films, qu’on voit, sont désormais aboutis et se font remarquer dans les festivals internationaux. Chaque année offre ainsi une belle moisson. Pour cette édition nous proposons un voyage tout autour de la Méditerranée avec des productions qui vont de l’intime à la fresque, des films qui donnent à apprendre sur les sociétés dont ils sont issus.
Des cinémas ont été décapités en 40 ans. Le 7 è art peut-il survivre aux guerres, aux tragédies nationales ?
Il y a des repousses, des surgeons. Pour exister dans toutes ses expressions le cinéma implique l’existence d’une économie. Mais même dans une économie fracassée avec les moyens techniques actuels, qui requièrent moins d’argent, on peut faire des films. Il n’en va pas de même s’il n’y a pas un minimum de liberté dans un pays.
A quelle occasion avez-vous pris les rênes du festival ?
A partir de 1997 la manifestation portait la focale sur une ville de la Méditerranée : Marseille, Alexandrie, Tanger… Pour l’an 2000 on voulait mettre en exergue Barcelone… mais il ne s’est rien passé ! Les organisatrices ont dissous l’association qui portait le festival. On a alors repris le flambeau en créant une nouvelle association sans financement, sans locaux. On a tout relancé.
Rapports avec les institutions, avec les distributeurs, avec les invités, quelle a été la principale difficulté à surmonter ?
Du côté de la CdC on a toujours eu de l’écoute, du soutien. De la part des distributeurs le fait de n’être pas parisiens a représenté une grosse difficulté. Pour ce qui est des invitations de cinéastes et de comédiens il y a eu problèmes, car assumer le coût de billets pour faire venir des artistes du Moyen Orient est non seulement onéreux mais les voyages toujours avec escales à Paris, entres autres, sont longs et pénibles. Donner l’impression d’un festival florissant avec peu de moyes n’est pas aisé ! Heureusement que nous pouvons compter sur notre équipe de bénévoles.
Au début du festival les cinéastes corses se sont battus pour faire partie de la programmation. Pour vous leur présence est une évidence ?
On croit en une compétition du film corse (fiction et documentaire). Pour les films qui ne sont pas sélectionnés pour concourir ils sont présentés en « Panorama » avec d’autres productions méditerranéennes. Cette compétition de films corses, fait crier certains au ghetto ! C’est injuste car lorsqu’il y a des longs métrages insulaires ainsi « I Comete », l’an dernier, on les retient en compétition pour le Grand Prix. La compétition des films des écoles méditerranéennes de cinéma a l’avantage d’approcher l’apprentissage du 7 è art autour du Mare Nostrum.
Pourquoi associer la gastronomie insulaire à la fête ?
On a d’abord invité un restaurateur de La Porta à cuisiner sous les arcades du théâtre. Puis Jerry Monmessin du « Pirate » à Erbalunga et Yann Le Scavarec de « La Gaffe » à Saint Florent nous ont rejoint, ensuite on s’est diversifié sur l’extrême sud. Cette année ils seront sept chefs à proposer des menus gastronomiques à la salle des Congrès du théâtre. Ces soirées permettent de faire découvrir les produits corses. Spectateurs et cinéastes ont là l’occasion de se rencontrer. Pour nous organisateurs, ça facilite notre logistique puisque nos invités n’ont pas à s’égailler dans Bastia !
Pourquoi avoir choisi comme gingle le « Tchi, tchi » de la chanson « Cantarinetta bella » de Tino Rosi ?
Parce que c’est humoristique ! Parce que la ritournelle a un texte complètement bouffon au regard d’aujourd’hui ! Parce que le public s’amuse en reprenant les « Tchi, tchi ».
Propos recueillis par M.A-P