Comparaison n'est pas raison : la Corse ne sera jamais la Catalogne
Le président du conseil exécutif de la Corse dit vouloir s'inspirer de ce modèle d'autonomie .....
Comparaison n'est pas raison : la Corse ne sera jamais la Catalogne
Le président du Conseil exécutif de la Corse Gilles Simeoni, en visite en Catalogne, a vanté le 23 septembre 2022 le modèle d’autonomie de cette région. Il a dit vouloir s’en inspirer pour la Corse. Problème : la Corse n'est pas et ne sera jamais la Catalogne tant par son histoire que par son importance économique.
La place de la Catalogne dans l'espace ibérique
On ne sait pas trop sur quels plans particuliers Gilles Simeoni pourrait s'inspirer de la région la plus riche d'Espagne, lui qui se trouve à la tête de la région qui serait la plus pauvre de France. Tout nous différencie de la Catalogne dont la moitié de la population revendique l'indépendance justement à cause de cette richesse. Tout comme les régions nord de l'Italie, elle se plaint de trop payer en solidarité avec les provinces du sud qui sont-elles déficitaires. Là aussi, c'est l'inverse de la situation de la Corse qui sans la solidarité nationale coulerait corps et biens.
Sur le plan historique, il en va de même, "marche" de la péninsule ibérique, comme le Pays basque, la Catalogne a cheminé à travers les siècles contre la puissance de Madrid tout contre. Elle est née en tant que « nationalité historique » par la réunion politique de plusieurs comtés de l'ancienne marche d'Espagne carolingienne entre le IXe siècle et le XIIe siècle sous l'autorité de la maison de Barcelone. La principauté de Catalogne ainsi constituée devient progressivement un État à la fin du Moyen Âge, avec ses institutions comme les Corts, son droit compilé dans les Usatges, constitutions et autres droits, ou encore sa langue, le catalan, qui se constitue en langue administrative, juridique et littéraire à partir du XIIe siècle.
La Catalogne menée par des aristocrates, soucieux de leur indépendance, s'est toujours heurtée au pouvoir royal espagnol. Lorsque l'Espagne et la France entrent en guerre au début du XVIIe siècle, la Catalogne se révolte contre les excès de l'armée impériale et reste dans l'histoire comme la guerre des faucheurs (segadors). Les Catalans s'opposent au centralisateur ministre Olivares qui veut supprimer leurs privilèges locaux pour les faire participer à l'effort de guerre, jusque-là supporté seul par la Castille. Les Catalans révoltés proclament dans un premier temps une république catalane, puis font appel à Louis XIII, proclamé comte de Barcelone.
Une bourgeoisie puissante
Au fil des siècles et grâce au commerce, une bourgeoisie autochtone s'enrichit et s'impose. Il serait trop long de faire le récit précis de l'ascension de la Catalogne. Le XIXe siècle est la période de la renaissance (Renaixença) de la Catalogne. Elle entre dans l'ère industrielle avec beaucoup plus de dynamisme que la plupart des autres territoires espagnols.
Le développement économique entraîne une assez forte urbanisation. La bourgeoisie catalane est réactionnaire (comme la bourgeoisie basque), très catholique mais jalouse de son indépendance et très créative. Elle favorise des artistes comme Antoni Gaudi, Ramon Casas ou encore Eusebi Arnau. Le 25 mars 1892, une assemblée de 240 délégués de l’Unió Catalanista se réunit à Manresa et rédige un document appelé Bases per la constitució regional catalana, mieux connu sous le nom de Bases de Manresa, qui dresse les fondements d'une Catalogne autonome. En 1931, avec la chute du roi Alphonse XIII et une heure avant la proclamation de la République à Madrid, est proclamée, par Francesc Macià, la République catalane confédérée à l'Espagne à la suite de la victoire électorale des partis catalanistes de gauche. Elle obtient en échange, après une transaction avec le nouveau gouvernement de la République espagnole, un statut d'autonomie en 1932 qui ressuscite l'institution de la Généralité de Catalogne comme gouvernement autonome lequel est supprimé par la dictature franquiste.
Après la mort de Franco, la Généralité de Catalogne est rétablie en 1977 et la Constitution espagnole de 1978 accorde à la Catalogne une autonomie politique et rétablit le Parlement catalan. Depuis lors, la Catalogne est devenue une Communauté autonome (CA) au sein de l'Espagne. Avec 19 % du PIB espagnol en 2016, elle est au coude-à-coude avec Madrid (18,9 %) pour le titre de région la plus riche du pays. Elle se classe quatrième pour le PIB par habitant derrière Madrid, le Pays basque et la Navarre (également provinces nationalistes). Le taux de chômage, similaire à celui de la capitale, y est bien moindre que dans le reste du pays. Enfin, cette région est de très loin la première région exportatrice d'Espagne, avec un quart des ventes de marchandises à l'étranger. Est-il besoin d'ajouter quoi que ce soit pour comprendre tout ce qui nous sépare de la Catalogne et combien il est vain de rapprocher son histoire, sa formation sociale, ses espérances des nôtres ? Faut-il rappeler l'échec que fut le référendum sur l'indépendance et se demander à quoi peuvent bien servir de tels rapprochements ?
GXC
Le président du Conseil exécutif de la Corse Gilles Simeoni, en visite en Catalogne, a vanté le 23 septembre 2022 le modèle d’autonomie de cette région. Il a dit vouloir s’en inspirer pour la Corse. Problème : la Corse n'est pas et ne sera jamais la Catalogne tant par son histoire que par son importance économique.
La place de la Catalogne dans l'espace ibérique
On ne sait pas trop sur quels plans particuliers Gilles Simeoni pourrait s'inspirer de la région la plus riche d'Espagne, lui qui se trouve à la tête de la région qui serait la plus pauvre de France. Tout nous différencie de la Catalogne dont la moitié de la population revendique l'indépendance justement à cause de cette richesse. Tout comme les régions nord de l'Italie, elle se plaint de trop payer en solidarité avec les provinces du sud qui sont-elles déficitaires. Là aussi, c'est l'inverse de la situation de la Corse qui sans la solidarité nationale coulerait corps et biens.
Sur le plan historique, il en va de même, "marche" de la péninsule ibérique, comme le Pays basque, la Catalogne a cheminé à travers les siècles contre la puissance de Madrid tout contre. Elle est née en tant que « nationalité historique » par la réunion politique de plusieurs comtés de l'ancienne marche d'Espagne carolingienne entre le IXe siècle et le XIIe siècle sous l'autorité de la maison de Barcelone. La principauté de Catalogne ainsi constituée devient progressivement un État à la fin du Moyen Âge, avec ses institutions comme les Corts, son droit compilé dans les Usatges, constitutions et autres droits, ou encore sa langue, le catalan, qui se constitue en langue administrative, juridique et littéraire à partir du XIIe siècle.
La Catalogne menée par des aristocrates, soucieux de leur indépendance, s'est toujours heurtée au pouvoir royal espagnol. Lorsque l'Espagne et la France entrent en guerre au début du XVIIe siècle, la Catalogne se révolte contre les excès de l'armée impériale et reste dans l'histoire comme la guerre des faucheurs (segadors). Les Catalans s'opposent au centralisateur ministre Olivares qui veut supprimer leurs privilèges locaux pour les faire participer à l'effort de guerre, jusque-là supporté seul par la Castille. Les Catalans révoltés proclament dans un premier temps une république catalane, puis font appel à Louis XIII, proclamé comte de Barcelone.
Une bourgeoisie puissante
Au fil des siècles et grâce au commerce, une bourgeoisie autochtone s'enrichit et s'impose. Il serait trop long de faire le récit précis de l'ascension de la Catalogne. Le XIXe siècle est la période de la renaissance (Renaixença) de la Catalogne. Elle entre dans l'ère industrielle avec beaucoup plus de dynamisme que la plupart des autres territoires espagnols.
Le développement économique entraîne une assez forte urbanisation. La bourgeoisie catalane est réactionnaire (comme la bourgeoisie basque), très catholique mais jalouse de son indépendance et très créative. Elle favorise des artistes comme Antoni Gaudi, Ramon Casas ou encore Eusebi Arnau. Le 25 mars 1892, une assemblée de 240 délégués de l’Unió Catalanista se réunit à Manresa et rédige un document appelé Bases per la constitució regional catalana, mieux connu sous le nom de Bases de Manresa, qui dresse les fondements d'une Catalogne autonome. En 1931, avec la chute du roi Alphonse XIII et une heure avant la proclamation de la République à Madrid, est proclamée, par Francesc Macià, la République catalane confédérée à l'Espagne à la suite de la victoire électorale des partis catalanistes de gauche. Elle obtient en échange, après une transaction avec le nouveau gouvernement de la République espagnole, un statut d'autonomie en 1932 qui ressuscite l'institution de la Généralité de Catalogne comme gouvernement autonome lequel est supprimé par la dictature franquiste.
Après la mort de Franco, la Généralité de Catalogne est rétablie en 1977 et la Constitution espagnole de 1978 accorde à la Catalogne une autonomie politique et rétablit le Parlement catalan. Depuis lors, la Catalogne est devenue une Communauté autonome (CA) au sein de l'Espagne. Avec 19 % du PIB espagnol en 2016, elle est au coude-à-coude avec Madrid (18,9 %) pour le titre de région la plus riche du pays. Elle se classe quatrième pour le PIB par habitant derrière Madrid, le Pays basque et la Navarre (également provinces nationalistes). Le taux de chômage, similaire à celui de la capitale, y est bien moindre que dans le reste du pays. Enfin, cette région est de très loin la première région exportatrice d'Espagne, avec un quart des ventes de marchandises à l'étranger. Est-il besoin d'ajouter quoi que ce soit pour comprendre tout ce qui nous sépare de la Catalogne et combien il est vain de rapprocher son histoire, sa formation sociale, ses espérances des nôtres ? Faut-il rappeler l'échec que fut le référendum sur l'indépendance et se demander à quoi peuvent bien servir de tels rapprochements ?
GXC