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Festival Arte Mare, retour sur sur la 4O è édition du Festioval Arte Mare

Belle fréquentation pour le festival Arte Mare aussi bien au théâtre que dans les cinémas… De quoi réconforter les directeurs de salles qui ont connu une affluence modérée jusqu’à présent !
Festival Arte Mare
Oublier « Les repentis » ?

Belle fréquentation pour le festival Arte Mare aussi bien au théâtre que dans les cinémas… De quoi réconforter les directeurs de salles qui ont connu une affluence modérée jusqu’à présent ! Beaucoup d’invités lors de cette 40 è édition. Une ambiance chaleureuse indispensable à la réussite de cette manifestation.



« Alma Viva », Grand Prix

Section phare du festival bastiais : la compétition des films méditerranéens avec cet automne huit escales dans des pays du Mare Nostrum. Sur ce point le cru 2022 a été moyen mais tout dépend des productions qui peuvent être inégales d’une année sur l’autre. Le jury présidé par l’Espagnol, Rodrigo Sorogoyen a en outre proclamé un palmarès à bien des égards surprenants !

Un Grand Prix Arte Mare décerné à « Alma Viva » de la réalisatrice portugaise, Cristèle Alves Meira pour un film baigné de pratiques magico-religieuses dont la tonalité ethnographique est moins déconcertante que relevant d’un cabinet de curiosités du temps jadis. Même en songeant à un village du plus profond Portugal, cette histoire de sorcières d’aujourd’hui est difficilement crédible.

Une enfant, Salomé, vivant en France et passant ses vacances dans la maison familiale du Tràs-os-Montes, assiste désespérée à la mort de sa grand-mère chérie dont elle va hériter des pouvoirs surnaturels, qui hérissent et ulcèrent les autres villageois. A ce stade on ne sait si on est dans le drame où la comédie ! Une chose est sûre le scénario ressemble à un bas à résilles… à gros trous. Le scénario va se perdre dans un dédale de détails alors que plus resserré il aurait été plus convaincant. Tous les films méditerranéens présentés en compétition sont d’ailleurs affligés de longueurs qui tournent à des langueurs proches de l’absorption de trop de somnifères.


« Le bleu du caftan », prix du public

Prix du public, « Le bleu du caftan », de Mariam Touzani (Maroc) a bien des attraits. Il nous emmène dans l’univers des « maalem », brodeurs traditionnels œuvrant dans les antiques médinas. Un art de l’aiguille et du fil ressuscité le temps d’un film, car ce bel ouvrage se meurt. L’intrigue est subtile et parfois touchante. Elle met en scène un couple uni depuis vingt cinq ans. Un couple aimant, respectueux l’un de l’autre. Un couple digne et attachant qui partage un quotidien tendre malgré l’homosexualité du mari, une homosexualité inavouée car considérée inavouable dans le milieu où vivent Halim et Mina. Beauté de l’image. Performance de cette actrice remarquable qu’est Lubna Azabal dans le rôle de Mina. Manque sans doute à cette réalisation un peu de ce souffle qui emporte totalement le spectateur.


« Nostalgia », mourir à Naples

Avec « Nostalgia » de Mario Martone – un grand du cinéma italien – on a des vues extraordinaires de Naples, de ses ruelles obscures en plein jour constellées soudain d’espaces crépitant de lumière. Napolitain, Martone nous montre sa ville avec une maestria somptueuse, toute d’ambivalence entre cruauté et tendresse, entre le pire et le meilleur. « Nostalgia » raconte le retour chez lui de Felice, qui vient de vivre quarante ans au Caire, en exil, pour fuir une sombre réalité. C’est prenant mais ça s’égare à force de ménager la dénonciation d’une situation insupportable et un plaidoyer recherchant des circonstances atténuantes à une société qui n’en peut mais ! Le jeu de Pierfrancesco Favino a beau être éblouissant, il n’arrive pas à reprendre la barre d’un scénario trop faible.


« La conspiration du Caire, religieux et armée

On entendait des rumeurs plus que flatteuses sur « La conspiration du Caire » de l’Egyptien, Tarik Saleh ! Argument du film ? Un jeune, fils de pêcheur, est admis à la prestigieuse université, Al Azar, où il est plongé dans d’âpres luttes de pouvoir entre religieux et représentants de l’ordre militaire qui tiennent les rênes du pouvoir. Hélas, Saleh ne relève pas le défi. Certes il y a de superbes contreplongées mais son récit manque de muscles. Là, où on guette un thriller politique, on glane des éléments plutôt emberlificotés d’une histoire mal aboutie… Sauf à la fin où le héros du film s’en sort par une casuistique très jésuitique qui lui permet de rejeter dos à dos les deux parties .


« Sous les figues », l’antique et le moderne

« Sous les figues » d’Erige Sehiri (Tunisie) rappelle un peu par son ton, par son approche de la société tunisienne, « Halfaouine, l’enfant des terrasses » de Férid Boughdir. Le film de Sehiri en a la même délicatesse, le même sens de l’humain. Il nous invite à une journée sous les figuiers pour en cueillir les fruits en compagnie de jeunes -garçons et filles- et de femmes plus âgées… Echanges entre rires et chagrins, entre piques et séduction, entre rêves d’autres choses et pragmatisme. Beaucoup de joliesse sans mièvrerie dans la réalisation d’Erige Sehiri tout en évoquant le poids de la tradition et l’irruption d’une certaine modernité pleine de légèreté. Ce premier-long métrage de fiction laisse augurer des réussites ultérieures.

Les productions turques nous apportent fréquemment de bonnes surprises, malheureusement « Burning days » d’Emin Alper, est une grosse déception. Pourtant le sujet du film est excitant : un jeune procureur parachuté au fin fond de la Turquie se trouve en butte à des notables qui se pensent issus de la cuisse de Jupiter. Las, la mayonnaise ne prend pas et on s’ennuie à cent sous de l’heure.


« Les repentis » … une œuvre !

Unique film impressionnant par sa charge d’émotion, « Les repentis » d’Iciar Bollaìn. Aucun prix ! Parce que ce long-métrage a emporté en Espagne, pays de la cinéaste, un franc succès ? Inédit en France, il doit sortir en salle le 9 novembre. Date à marquer d’une croix blanche. Iciar Bollaìn est une valeur sûre du cinéma. A Bastia, on n’a pas oublié « Même la pluie » projeté il y a quelques années, une réalisation puissante proposant un parallèle au goût amer entre la colonisation espagnole de l’Amérique du Sud, en l’occurrence de la Bolivie et l’accaparement par de grosses multinationales contemporaines des ressources naturelles du sous-continent… y compris de l’eau de pluie.

Pour « Les repentis » la réalisatrice s’est inspirée d’un fait réel. En 2000, Juan Maria Jáuregui, responsable socialiste, est assassiné par l’ETA. Onze ans plus tard sa veuve, Maixabel est sollicitée par l’un des assassins de son mari. L’home purge sa peine de prison en Álava et sa demande est incroyable ! Il souhaite parler à Maixabel. D’abord stupéfaite et contrariée, par l’entremise d’une travailleuse sociale, elle va finir par accepter cette rencontre. Le propos du film est audacieux jusqu’au vertige. La victime face à face avec le bourreau… Insensé !


La grâce et le pardon

On quitte le film boule d’émotion au ventre et larmes aux yeux. En effet de bout en bout le récit de Bollaìn nous scotche. On est happé par le dialogue qui s’instaure entre cette femme à qui a été ôté l’amour de sa vie et le coupable qui a obéit à l’ordre de tuer, de commettre l’irréparable… presqu’au hasard puisque cet étariste ne savait rien de la personnalité de celui qu’on lui avait ordonné d’abattre !

Mise en scène au carré. Interprétation pétrie de justesse et de sensibilité… On adhère… On est bouleversé… On est chamboué, d’autant plus que c’est une histoire vraie.


Michèle Acquaviva-Pache
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