La retraite, plus qu'une question d'âge
Le rapport Charpin de 1999 a mis le feu aux poudres
La retraite, plus qu’une question d’âge
Le rapport Charpin de 1999 a mis le feu aux poudres : le système de répartition est mis en danger par le vieillissement de la population. Le système de retraite par répartition, qui se veut vertueux en prônant la solidarité intergénérationnelle, est pris à son propre piège. En Corse, où le nombre de retraités atteint 26 % de la population et montera à 54 % en 2030, la réforme de la retraite est un sujet d’inquiétude.
Un vieux système
Le système de retraite français trouve ses racines en 1673, lorsque Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des Finances de Louis XIV, met en place la Caisse des invalides de la Marine. Elle assure le paiement d’une pension d’invalidité, ainsi qu’une pension de vieillesse aux marins qui atteignent l’âge de 60 ans. En avril 1831, la loi étend le régime de retraite à tous les militaires. Puis la loi du 9 juin 1853 édicte un droit à pension acquis à 60 ans, après 30 années de service pour les fonctionnaires civils d’État. Les premiers régimes de retraite privés arrivent quant à eux avec la révolution industrielle, d’abord les mines, les chemins de fer et la sidérurgie. En 1910, une première loi prévoit une pension de retraite pour les ouvriers et paysans. Et en 1930, le régime d’assurance vieillesse obligatoire est adopté pour les « salariés modestes ». Avec la création de la Sécurité sociale en 1945, et donc l’assurance vieillesse, nait le régime par répartition, avec des cotisations obligatoires pour tous les salariés, et un âge légal de départ en retraite à 65 ans. À partir de 1971, première réforme, celle de Boulin, où les règles de calcul changent. En 1983, sous la présidence Mitterrand, l’âge du départ en retraite est fixé à 60 ans. Mais cette réforme de la retraite à 60 ans se révèle intenable financièrement compte tenu du vieillissement de la population. Mitterrand le savait puisqu'il a même renoncé à ramener à 55 ans l'âge de départ à la retraite des femmes actives. Depuis 1983, petit à petit, et malgré les conflits sociaux que cela engendre, les gouvernements successifs allongent la durée de cotisations, rapprochent les systèmes publics et privés, désindexent les pensions de l'évolution des salaires pour les raccrocher à l'inflation, et repoussent l'âge légal. Aujourd’hui, le gouvernement Macron entend refermer une parenthèse ouverte il y a quarante ans par Mitterrand.
Question d’âge ?
Le chiffre de la proportion d’actifs par rapport aux retraités était de 4 pour 1 il y a quarante ans, il est aujourd’hui autour de 1,5 pour 1 et sera à 1 pour 1 dans moins de dix ans. En effet, l’augmentation de l’espérance de vie multiplie le nombre de seniors, tandis que la baisse du nombre d’enfants depuis les années 1970 diminue le nombre de gens pouvant faire tourner l’économie et alimenter le fonds de retraite. À âge de retraite constant, les compétences nécessaires seront chez les jeunes retraités, et non plus sur le marché du travail. L’évolution de la pyramide des âges mine donc le système par répartition. D’autant plus que les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie active. Au-delà de l’âge du départ à la retraite, c’est donc bien le nombre de trimestres (durée de cotisation) qui importe. La réforme Touraine de 2014 avait fixé une pension de retraite à taux plein à 172 trimestres, soit 43 ans, pour les générations à partir de 1973.
Savants calculs
D'après les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), le déficit des régimes de retraite devrait disparaître à partir du milieu des années 2030. Le collectif Réseau retraites, regroupant des associations et des syndicats, estime que le rapport du COR annonçant un déficit du régime de retraite pouvant atteindre jusqu’à 17 milliards en 2025 est surévalué. Selon lui, il n’y a pas de problème structurel de financement des retraites. D’autres avancent que le déficit est pire. Une note de la revue Commentaire du printemps 2022 argue que le déficit aurait été sciemment sous-estimé, en masquant le gouffre du régime des fonctionnaires. Certains militent pour un système par capitalisation, d’autres veulent tuer les régimes spéciaux, d’autres encore vantent les fonds de pension… En attendant, cette guerre des calculs ne fait pas l’affaire de ceux qui comptent pour vivre. Avec une retraite moyenne sur l’île évaluée à 1 037 euros brut par mois, la plus grande partie des retraités insulaires se serrent la ceinture. Et pourtant, le mythe du « meilleur système social du monde » perdure.
Maria Mariana
Le rapport Charpin de 1999 a mis le feu aux poudres : le système de répartition est mis en danger par le vieillissement de la population. Le système de retraite par répartition, qui se veut vertueux en prônant la solidarité intergénérationnelle, est pris à son propre piège. En Corse, où le nombre de retraités atteint 26 % de la population et montera à 54 % en 2030, la réforme de la retraite est un sujet d’inquiétude.
Un vieux système
Le système de retraite français trouve ses racines en 1673, lorsque Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des Finances de Louis XIV, met en place la Caisse des invalides de la Marine. Elle assure le paiement d’une pension d’invalidité, ainsi qu’une pension de vieillesse aux marins qui atteignent l’âge de 60 ans. En avril 1831, la loi étend le régime de retraite à tous les militaires. Puis la loi du 9 juin 1853 édicte un droit à pension acquis à 60 ans, après 30 années de service pour les fonctionnaires civils d’État. Les premiers régimes de retraite privés arrivent quant à eux avec la révolution industrielle, d’abord les mines, les chemins de fer et la sidérurgie. En 1910, une première loi prévoit une pension de retraite pour les ouvriers et paysans. Et en 1930, le régime d’assurance vieillesse obligatoire est adopté pour les « salariés modestes ». Avec la création de la Sécurité sociale en 1945, et donc l’assurance vieillesse, nait le régime par répartition, avec des cotisations obligatoires pour tous les salariés, et un âge légal de départ en retraite à 65 ans. À partir de 1971, première réforme, celle de Boulin, où les règles de calcul changent. En 1983, sous la présidence Mitterrand, l’âge du départ en retraite est fixé à 60 ans. Mais cette réforme de la retraite à 60 ans se révèle intenable financièrement compte tenu du vieillissement de la population. Mitterrand le savait puisqu'il a même renoncé à ramener à 55 ans l'âge de départ à la retraite des femmes actives. Depuis 1983, petit à petit, et malgré les conflits sociaux que cela engendre, les gouvernements successifs allongent la durée de cotisations, rapprochent les systèmes publics et privés, désindexent les pensions de l'évolution des salaires pour les raccrocher à l'inflation, et repoussent l'âge légal. Aujourd’hui, le gouvernement Macron entend refermer une parenthèse ouverte il y a quarante ans par Mitterrand.
Question d’âge ?
Le chiffre de la proportion d’actifs par rapport aux retraités était de 4 pour 1 il y a quarante ans, il est aujourd’hui autour de 1,5 pour 1 et sera à 1 pour 1 dans moins de dix ans. En effet, l’augmentation de l’espérance de vie multiplie le nombre de seniors, tandis que la baisse du nombre d’enfants depuis les années 1970 diminue le nombre de gens pouvant faire tourner l’économie et alimenter le fonds de retraite. À âge de retraite constant, les compétences nécessaires seront chez les jeunes retraités, et non plus sur le marché du travail. L’évolution de la pyramide des âges mine donc le système par répartition. D’autant plus que les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie active. Au-delà de l’âge du départ à la retraite, c’est donc bien le nombre de trimestres (durée de cotisation) qui importe. La réforme Touraine de 2014 avait fixé une pension de retraite à taux plein à 172 trimestres, soit 43 ans, pour les générations à partir de 1973.
Savants calculs
D'après les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), le déficit des régimes de retraite devrait disparaître à partir du milieu des années 2030. Le collectif Réseau retraites, regroupant des associations et des syndicats, estime que le rapport du COR annonçant un déficit du régime de retraite pouvant atteindre jusqu’à 17 milliards en 2025 est surévalué. Selon lui, il n’y a pas de problème structurel de financement des retraites. D’autres avancent que le déficit est pire. Une note de la revue Commentaire du printemps 2022 argue que le déficit aurait été sciemment sous-estimé, en masquant le gouffre du régime des fonctionnaires. Certains militent pour un système par capitalisation, d’autres veulent tuer les régimes spéciaux, d’autres encore vantent les fonds de pension… En attendant, cette guerre des calculs ne fait pas l’affaire de ceux qui comptent pour vivre. Avec une retraite moyenne sur l’île évaluée à 1 037 euros brut par mois, la plus grande partie des retraités insulaires se serrent la ceinture. Et pourtant, le mythe du « meilleur système social du monde » perdure.
Maria Mariana