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Exposition à Una Volta jusqu'au 10 novembre

L'Ukraine avant et pendant

Exposition à Una Volta  : L’Ukraine avant et pendant…


Un pays qui ne sera plus jamais pareil, c’est ce que nous donne à voir la photographe ukrainienne, Oksana Parafeniuk… et ce pays c’est le sien ! Le quotidien du conflit voilà la sève à vif des vues prises par le grand reporter, Laurent Van Der Stockt. Des photos exposées jusqu’au 10 novembre à Una Volta (Bastia) par le CMP (Centre Méditerranéen de la Photographie), dirigé par Marcel Fortini.




Oksana Parafeniuk capte la vie en Ukraine avec une attention minutieuse et répercute de façon pénétrante la brutalité de la guerre à vaste échelle déclenchée par la Russie, le 24 février 2022. Des hostilités en Crimée d’abord et à l’est du pays en particulier sont, en effet, antérieures au conflit généralisé. Echos de la violence des combats ces terrils, ces sites industriels du Donetsk. Répercussions des bombardements sur la population : l’obligation de se réfugier dans des abris souterrains et autres métros. Migrants agglutinés devant un train pour fuir la guerre. Civils se rôdant aux armes pour être prêts au combat.

Empilements évidents de sacs de sable pour préserver des déflagrations des immeubles de Lviv. Evidence… pas si évidente puisque la ville est située tout à l’ouest de l’Ukraine, loin de la Russie. Evidence … pas si évidente encore puisque la cité a accueilli durant des siècles des Ukrainiens, des Russes, des Juifs, des Allemands. Lviv, capitale internationale autrefois, longtemps centre mythique de l’Europe orientale.

« Toute l’Ukraine, en lutte pour sa liberté, est en proie à une douleur et un chagrin immense. Maintenant plus que jamais, je comprends l’importance de documenter sur mon pays, de préserver la mémoire des villes ukrainiennes et des Ukrainiens, chaque jour qui passe », écrit Oksana Parefeniuk dans la présentation de ses photographies. Une de ses œuvres, évocation puissante de la fragilité humaine : cette vue prise sur les hauteurs de Kiev quelques jours avant la guerre… Tout était calme et tranquillité ?!

Laurent Van Der Stockt est photojournaliste. Ses photographies disent la violence de l’actualité. Elles content ces enfants, ces femmes, ces hommes en fuite essayant de traverser, dans des conditions périlleuses, un cours d’eau près d’Irgin. Elles dévoilent un cadavre au bord d’une route ou dans un bois. Elles révèlent ce soldat posté en sentinelle afin de contrer une avancée éventuelle de l’ennemi. Elles montrent des carcasses de blindés russes détruits par l’armée ukrainienne.

Tiré sur un grand format, il y a ce squelette d’immeuble de Kiev éventré par des raids aériens et hanté par le spectre d’une femme, qui rappelle le personnage de Munch hurlant de terreur, tableau baptisé, « Le cri » … Clameur d’angoisse face à l’incertitude et ses maux.

Michèle Acquaviva-Pache


ENTRETIEN AVEC MARCEL FORTINI


Pourquoi l’Ukraine ? Pour montrer ce qu’on ne voit pas à la télé ou sur les réseaux sociaux ?
Parce que l’actualité l’imposait, pour soutenir aussi la scène photographique ukrainienne et le photojournalisme qui nous informe en étant au plus près de la vérité…


Comment avez-vous découvert la photographe, Oksana Parafeniuk ?
Grâce à l’organisation, Diagonale, soutenue par le ministère de la Culture. Je cherchais un ou une photographe qui avait travaillé avant le conflit et continuait à le faire pendant la guerre. Diagonale m’a fait parvenir un dossier comportant dix artistes ukrainiens ayant des regards très différents. J’ai retenu Oksana car elle est la plus proche du photojournalisme. Son regard est pertinent et percutant.


Qu’apporte ce regard ?
Elle observe les choses de l’intérieur, c’est sa caractéristique. Le conflit se déroule chez elle, sous ses yeux. Son regard est précieux car il renvoie des atmosphères d’hier et d’aujourd’hui.


Son travail sur l’avant et pendant le conflit est donc essentiel pour saisir ce qui se passe en Ukraine ?
Elle a fait, par exemple, des portraits de Zelinsky avant même qu’il soit président. Elle a pris des images d’anciens combattants de la première guerre en Ukraine. Elle nous propose également une scène de jeunes ukrainiens s’exerçant avec des fusils de bois afin de pouvoir affronter l’ennemi…


Comment faut-il regarder ses photographies ?
Devant un JT on a droit à trois secondes d’images. Devant une exposition comme celle d’Una Volta on a le temps de s’attarder, de revenir en arrière puis de reprendre la progression chronologique. On est au contact de l’image pas trop vue par ailleurs. On peut mieux saisir l’ambiance restituée par le- la – photographe. On n’est plus dans l’engrenage du furtif.


Depuis quand suivez-vous les photographies de Laurent Van Der Stockt ?
Depuis ses débuts il y a trente ans ! Je l’ai rencontré après son retour de Sarajevo où il couvrait la guerre dans l’ex-Yougoslavie. En 1998 je l’ai invité à une résidence d’artiste à Bastia. Il préparait un sujet sur la jeunesse en France de l’an 2000. Ensuite Laurent est venu ici à de multiples reprises pour présenter son travail sur les « printemps arabes », sur Israël / Palestine, sur Mossoul… A chaque conflit j’essaie de montrer ce que font les photojournalistes.


Avec internet et les réseaux sociaux, avec le moindre impact des télés traditionnelles le photojournalisme n’est-il pas menacé ? Le statut des photojournalistes n’est-il pas de plus en plus précarisé ?
Il est vrai que les rédactions-en-chef des quotidiens et des hebdos missionnent de moins en moins de photojournalistes sur le terrain. Mais il y a un esprit de résistance tel que le montre un festival comme « Visa pour l’image » à Perpignan qui soutien le photojournalisme, un métier qui exige de l’expérience et qui est dangereux. Les photojournalistes sont-ils tous précarisés ? Non, quand ils travaillent pour de grands journaux, ainsi Laurent Van Der Stockt, envoyé spécial du « Monde ». C’est moins satisfaisant en ce qui concerne les jeunes qui partent en indépendants et qui doivent payer de leur poche leurs assurances.


Quelle est la singularité de Laurent Van Der Stockt ?
Il ne cherche pas le scoop. Il est dans le présent. Il respecte son sujet, ses témoins. Il n’esthétise pas les choses. Ses images il les construit et se place dans le long terme en suivant un conflit de bout en bout.


Qualité primordiale du photojournalisme ?
Témoigner de la vérité des faits. Être dans la documentation. Avoir du respect pour ce qui est photographié. S’éloigner du sensationnel. Sur le terrain, dans une actualité brûlante, être sincère. Déployer une alchimie du savoir faire et du faire savoir.


Une photo exposée vous a-t-elle particulièrement émue ?
Dans ce genre d’exposition il n’y a pas une photographie plus touchante qu’une autre parce qu’on est en présence d’un ensemble, d’un concept général. Personnellement je ressens une forte émotion en regardant ce jeune couple photographié par Oksana Parafeniuk qui s’exerce avec des fusils en bois à affronter l’ennemi. Il y a aussi ce grand tirage d’une prise de vue de Laurent van Der Stockt après un bombardement à Kiev au début de la guerre avec dans le fond une femme terrifiée.


En visitant l’exposition faut-il bannir le trop d’émotion et s’obliger à avoir du recul ?
L’émotion n’est pas à rejeter devant de telles photographies… Et puis on a tous des attitudes différentes ! L’exposition procure une temporalité favorable au recueillement, au questionnement, à l’appréciation de ce que l’on voit.


Quels sont vos projets pour le CMP que vous avez fondé et que vous dirigé ?

Le 1 er décembre le CMP présente à l’Alb’Oru l’exposition, « Graffitag » dans le cadre du Contrat de ville. Le Centre Méditerranéen de la Photographie participe aussi au festival, « Photaumnales » de Clermont sur Oise.

Propos recueillis par M.A-P



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