De l'influence de la guerre en Ukraine sur l'avenir de la Corse
Jamais l'exécutif corse ne s'est trouvé dans une situation aussi paradoxale que ce dernier mois.
De l'influence de la guerre en Ukraine sur l'avenir de la Corse
Jamais l'exécutif corse ne s'est trouvé dans une situation aussi paradoxale que ce dernier mois. D'un côté, il demande des discussions sur une autonomie qui ne serait pas qu'administrative mais également financière et de l'autre, il requiert des rallonges budgétaires notamment en matière de continuité territoriale. En d'autres termes, les nationalistes corses exigent un statut d'autonomie mais à condition que tout soit financé par un état déjà généreux, en fonction des choix opérés par la seule Collectivité. En bon français on appelle ça vouloir le beurre, l'argent du beurre et tout le reste aussi.
Bruxelles bien moins généreuse que la France
On se rappelle qu'un jour, Jean Guy Talamoni fut à l'initiative d'une commission européenne au sein de l'assemblée alors présidée par Paul Giacobbi. Cela ressemblait fort à une poire pour la soif mais les nationalistes se sont alors mis à espérer une tutelle européenne qui, à les entendre, eut été bien plus compréhensive que l'État français. Entre-temps, les nationalistes sont devenus majoritaires et président aux destinées de notre île.
Et force est de constater que l'économie mondiale se contractant, les rêves d'hier n'ont rien à voir avec les réalités d'aujourd'hui en témoignent les difficultés à obtenir l'aval de la Commission européenne pour la longue DSP. Ironie de l'histoire : les nationalistes en sont à espérer une aide totale de l'État français, cet état vilipendé à longueur de discours. Dans le même temps, l'exécutif supplie qu'on lui rallonge la dotation de continuité territoriale à cause de la flambée des prix du carburant. La démarche n'est pas absurde mais évidemment elle fait un peu désordre alors même que la Corse affirme pouvoir s'assumer en partie grâce à ses propres moyens.
Car enfin, c'est bien ça être autonomie et surtout responsable : recevoir une dotation budgétaire en début d'année et s'en débrouiller sans être obligé de revenir tous les soirs de l'année venir gratter à la porte du donateur pour obtenir un petit quelque chose en plus. Sinon à quoi servirait-elle cette autonomie qui reviendrait à profiter toujours plus des largesses de l'État sans que celui-ci ait son mot à dire ?
Et la guerre en Ukraine dans tout ça ?
L'Europe s'est formée après guerre pour affirmer l'existence politique du vieux continent hors le glacis soviétique. Il a fallu aplanir les difficultés avec l'Allemagne qui sortait du nazisme afin d'éviter les risques d'un nouveau conflit. La possession de l'arme nucléaire par la France et la Grande-Bretagne en plus de la protection de l'OTAN constituaient de sérieuses garanties. Pour un temps indéterminé, l'Allemagne était privée de son débouché historique, pour ne pas dire naturel, l'Est européen à cause du glacis soviétique. Elle n'a accepté de participer à un ensemble comprenant l'Europe méditerranéenne que du bout des lèvres tellement le mode des fonctionnements des deux modes de culture est antinomique.
En haut, un monde dominé par le rigorisme protestant, en bas des pays en grande partie catholique (un peu orthodoxe) qui croient aux arrangements, aux combinazione, aux clientélismes. Et au centre une France hypercentralisée. L'unité a été difficile mais rendue possible grâce à la société d'abondance et à la menace soviétique. Désormais c'en est fini et chacun retrouve ses tropismes. L'Allemagne louche vers l'Europe de l'Est tandis que la vocation contrariée de la France reste une Afrique qui la rejette. Avec la guerre en Ukraine, l'Allemagne recherche la protection de l'OTAN et se prépare avec les USA au gigantesque chantier de la reconstruction de ce pays, reconstruction qui échappera en grande partie à l'Europe du sud.
La Corse dans un goulot d'étranglement
La Corse risque fort d'être une victime collatérale de la guerre. Bruxelles entend désormais économiser sur tout et accélérer le processus de mise en concurrence. Or la Corse a surnagé grâce à l'aide d'un état protecteur. Désormais cette période est terminée et Core in fronte a raison de signaler que le système dont bénéficie la Corse encore aujourd'hui est celui qui prévalait pour sauver la SNCM.
Mais Core in fronte a tort de croire que la Corse pourra une fois encore ruser et s'en tirer comme autrefois. Il faut tout réinventer si nous voulons que la Corse cesse d'exister dans la mendicité. L'Allemagne et les pays du nord n'accepteront plus très longtemps de subventionner une Europe méridionale en marge des règles qui prévalent en Europe. Surtout quand il faudra trouver des centaines de milliards pour reconstruire l'Ukraine. Nous ferions bien de nous imprégner de cette réalité faute de quoi nous risquerions fort de connaître de difficiles réveils.
GXC