Le combat des boues rouges
Une colère aux causes multiples
Le combat des Boues rouges
C'est en avril 1972 que Le Provençal Corse, un des deux quotidiens de l'île, révèle qu'une société italienne, la Montedison, installée sur la côte toscane en face du Cap corse, déverse avec l'autorisation des autorités italiennes 3000 tonnes quotidiennes de déchets hautement toxiques dans la mer qu'ensuite les courants emportent vers la Corse distante d'à peine 20 mille marins.
« Opposez-vous, même par la force, au rejet des boues rouges ! »
La découverte de plusieurs cétacés morts, le long des côtes, et les travaux scientifiques de la scientifique Denise Viale sensibilisent l'opinion. Le professeur Enzio Tongiorgi, de l'Université de Pise, affirme : « Les boues rouges sont hautement cancérigènes » et Paul-Émile Victor, l'explorateur du Groenland, mondialement connut s'écrie : « Opposez-vous, même par la force, au rejet des boues rouges ! »
Le samedi 17 février 1973, des milliers de Bastiais manifestent emmenés par des élus, les autonomistes de l'ARC et les autorités religieuses. La sous-préfecture de Bastia est prise d'assaut et le sous-préfet Miguet est molesté. Edmond Simeoni, l'un des dirigeants de l'ARC, l'Action régionaliste corse et Vincent Duriani, adjoint communiste du maire de Bastia, sont alors arrêtés et emprisonnés. Une mobilisation sans précédent début alors. Le 26 février, le Comité anti boues rouges, lance un appel à la première opération Isula morta. La grève est totale malgré l'opposition de la CGT. Des cortèges de soutien sont organisés dans les villes du continent où les Corses sont nombreux. Pour la première fois, les clans sont dépassés et même obligés de faire cause commune avec le mouvement régionaliste. Simeoni et Duriani sont relâchés.
Une colère aux causes multiples
Mais la colère touche à tous les domaines : le 7 janvier, plusieurs organisations régionalistes et autonomistes lancent un appel depuis Castellare di Casinca. Ils dénoncent l'état de soumission de la Corse et l'État français. Ils demandent une autonomie interne dans un cadre légal. L'appel que l'ARC refuse de signer fait grand bruit. D'autant qu'il entre en résonance avec d'autres mobilisations pour la conservation de la terre comme celle qui parvient à empêcher l'implantation d'un vaste complexe touristique de 20 000 lits dans le domaine de Pinia.
Le 4 juin et 5 juin 1973, lors de la conférence méditerranéenne contre la pollution tenue à Beyrouth, deux représentants du comité anti boues rouges font connaître le caractère nationaliste de l'action menée en Corse. L'époque est marquée par le combat des Palestiniens qui occupent au Liban de nombreux camps de réfugiés. Le discours est prononcé par José Stromboni qui va arrêté quelques mois après pour appartenance au FPCL, un groupe clandestin qui revendique des actions violentes. Il est ovationné par la foule.
LE 26 juillet 1973, l'Action régionaliste corse, sous la pression des évènements, devient l'Azzione per a rinascita di a Corsica sans pour autant rejoindre l'appel de Castellare. Edmond Simeoni revendique l'autonomie interne dans le cadre français comme l'avait demandé Pasquale Paoli en 1768.
Le plasticage du bateau de la Montedison
Le 15 septembre 1973, tandis que la justice italienne interdit l'appareillage de deux bateaux de la Montedison, l'un de ces navires le Carlino I, est plastiqué par des nageurs de combat inconnu et rendu inutilisable. En Corse, la joie est à son comble et même les chefs de clans saluent l'acte. Le 1er décembre, cet exploit est revendiqué par une récente organisation clandestine, u Fronte paesanu corsu du liberazione dont l'acronyme rappelle ceux de groupes radicaux palestiniens, un mouvement apparu en octobre de la même année après une série d'attentats. L'État français va faire arrêter José Stromboni et Mathieu Filidori présumés chef de l'organisation clandestine qui est dissoute en conseil des ministres.
La Montedison condamnée
Le 27 avril 1974 s'ouvre le procès des dirigeants de la Montedison qui sont condamnés. Mais par-dessus tout, le combat de la Corse a été salué dans le monde entier par des hommes politiques, des scientifiques internationalement connus. Le ministère public italien par la voix de Ruggero Papino a déclaré : « La Corse s'est littéralement soulevée. Le retentissement de ce soulèvement a eu de larges échos dans l'opinion publique européenne. » Le gouvernement français a tardivement élevé une protestation mais trop tard. Il a été démontré aux Corses que la colère de la rue et une violence clandestine bien orientée font plus que cent pétitions. Le mouvement nationaliste ne l'oubliera pas. L'année suivante se produisent le drame d'Aleria et l'émeute de Bastia. En 1976, c'est la naissance du FLNC.
GXC