Fusion des communes : L'union ne se décrète pas
La fusion doit être le produit,comme c'est le cas entre Barbaggio et Patrimonio, d'un contexte favorable et d'un objet partagé soit identifiés et exploités,soit imaginés et construits.
Fusion de communes : l’union ne se décrète pas
La fusion, tout comme le mariage, ne peut uniquement résulter d’un arrangement et d’une dot. Elle doit être le produit, comme c’est le cas entre Barbaggio et Patrimonio, d’un contexte favorable et d’un projet partagé soit identifiés et exploités, soit imaginés et construits
Barbaggio et Patrimonio ne feront probablement plus qu’une dans les prochains mois. Ces deux communes de la Conca d’Oro constitueront alors, selon les données démographiques de l’INSEE, une commune nouvelle de plus de 1000 habitants.
De nombreux voyants sont au vert ! La perspective de réunir les deux communes est dans l’air depuis plusieurs années.
Les maires Etienne Marchetti (Barbaggio) et José Poggioli (Patrimonio) qui été réélus sans opposition en mars dernier, ont mené campagne sans faire mystère de leur volonté de fusionner. Les conseils municipaux sont d'accord sur le principe et disposés à aller de l’avant. Les territoires communaux sont imbriqués. Les terroirs représentent une grande partie de l’aire géographique de production des vins de l'AOC Patrimonio. D’importants équipements collectifs (école, réseau de distribution d’eau) sont d’ores et déjà partagés.
L'État encourage les regroupements de communes en bonifiant des dotations. Elus et acteurs économiques des deux communes, refusant de succomber aux sirènes du tout tourisme, du lotissement et du mitage, agissent pour préserver les terrains agricoles et le littoral de la spéculation immobilière. Enfin, des dynamiques existantes de bonne gouvernance sont elles aussi de nature à créer les conditions d’un mariage heureux.
D’une part, ne pas s’accrocher au pouvoir fait partie de l’ADN politique de José Poggioli : entre 2014 et 2020, il a tenu l’engagement d’une alternance à mi-mandat en cédant à son premier adjoint, Jean-Baptiste Arena, le siège de maire, et il est prévu qu’il fasse de même durant la mandature 2020-2026.
D’autre part, Etienne Marchetti, José Poggioli et Jean-Baptiste Arena travaillent ensemble, avec d’autres élus, au sein du syndicat mixte « Grand Site Conca d'Oro, vignoble de Patrimonio - golfe de Saint-Florent » à la construction d’une excellence environnementale et d’un développement durable à partir d’actions communes et complémentaires (charte paysagère, signalétique harmonisée et intégrée, déplacements doux, traitement des effluents, création de la maison Grand site, développement complémentaire terre / mer, parcours de découverte et d’interprétation du patrimoine, gestion du risque incendie …)
Le seul coup d’arrêt qui pourrait survenir serait un vote négatif à l’issue d’un référendum local qui serait organisé soit en cas d’hésitations ou de réticences inattendues, soit pour obtenir des habitants une validation clairement exprimée. Ceci paraît toutefois très improbable car la fusion de leurs deux communes ne peut manifestement que servir les intérêts collectifs et particuliers des habitants de Barbaggio et de Patrimonio.
Fusionner n’est pas forcément pertinent
Il convient aussi de souligner qu’en projetant de fusionner, Barbaggio et Patrimonio s’inscrivent dans l’air du temps.
Même si ce n’est pas le cas en Corse… Chez nous, la dernière fusion en date remonte à loin. Elle est intervenue en 1970, en Balagne, entre les communes de Montemaggiore, Lunghignano et Cassano, et a donné naissance à la commune de Montegrosso.
En revanche, à l’échelle nationale, entre 2015 et 2019, par le jeu des fusions, le nombre de communes est passé de 36 681 à 34 968. En outre, cette tendance est appelée à prendre une nouvelle ampleur du fait qu’elle sera encouragée.
Pour inciter les maires en place et les populations à ne pas faire obstacle, il est prévu qu’outre par un maire, la commune nouvelle sera administrée par des maires délégués des communes ayant fusionné, et que ceux-ci seront automatiquement adjoints et classés selon l’importance de la population de leur ancienne commune.
Il est par ailleurs acté que l’Etat maintiendra la bonification de dotations. Enfin, l’an passé, ouvrant les travaux des Cinquièmes rencontres nationales des communes nouvelles, François Baroin, maire de Troyes et Président de l’Association des Maires de France, a clairement annoncé la couleur : « 2020-2026 sera le mandat de la commune nouvelle ».
Considérant la tendance, les maires et les populations qui refusent toute perspective de fusion relèvent-ils pour autant du pilori ? Rien n’est moins sûr. Une fusion ne peut uniquement être décidée à partir d’incitations financières et de garanties pour les maires de conserver un statut et du pouvoir. Elle ne peut non plus uniquement relever du postulat que le déclin démographique ou la mauvaise santé financière condamne les communes à s’unir envers et contre tout.
La fusion, tout comme le mariage, ne peut uniquement résulter d’un arrangement et d’une dot, et faire l’impasse sur une envie de cheminer et de réaliser ensemble. Elle doit avant tout être le produit, comme c’est le cas entre Barbaggio et Patrimonio, d’un contexte favorable et d’un projet partagé qui ne peuvent se décréter mais doivent être soit identifiés et exploités, soit imaginés et construits. Par ailleurs, il est une dimension qui ne peut être éludée : réduire le nombre de maires et de conseillers municipaux tout en créant des communes toujours plus peuplées risque de nuire à la proximité qui fait qu’encore aujourd’hui, le maire reste un élu apprécié et à la légitimité reconnue.
Alors si nombre de nos communes gagneraient incontestablement à fusionner, il n’est écrit nulle part que la démarche de Barbaggio et Patrimonio soit bénéfique en toutes circonstances. Tout comme la maxime « In vino veritas », le proverbe « L’union fait la force » ne peut prétendre à la pertinence en tout lieu ou tout temps.
Pierre Corsi
La fusion, tout comme le mariage, ne peut uniquement résulter d’un arrangement et d’une dot. Elle doit être le produit, comme c’est le cas entre Barbaggio et Patrimonio, d’un contexte favorable et d’un projet partagé soit identifiés et exploités, soit imaginés et construits
Barbaggio et Patrimonio ne feront probablement plus qu’une dans les prochains mois. Ces deux communes de la Conca d’Oro constitueront alors, selon les données démographiques de l’INSEE, une commune nouvelle de plus de 1000 habitants.
De nombreux voyants sont au vert ! La perspective de réunir les deux communes est dans l’air depuis plusieurs années.
Les maires Etienne Marchetti (Barbaggio) et José Poggioli (Patrimonio) qui été réélus sans opposition en mars dernier, ont mené campagne sans faire mystère de leur volonté de fusionner. Les conseils municipaux sont d'accord sur le principe et disposés à aller de l’avant. Les territoires communaux sont imbriqués. Les terroirs représentent une grande partie de l’aire géographique de production des vins de l'AOC Patrimonio. D’importants équipements collectifs (école, réseau de distribution d’eau) sont d’ores et déjà partagés.
L'État encourage les regroupements de communes en bonifiant des dotations. Elus et acteurs économiques des deux communes, refusant de succomber aux sirènes du tout tourisme, du lotissement et du mitage, agissent pour préserver les terrains agricoles et le littoral de la spéculation immobilière. Enfin, des dynamiques existantes de bonne gouvernance sont elles aussi de nature à créer les conditions d’un mariage heureux.
D’une part, ne pas s’accrocher au pouvoir fait partie de l’ADN politique de José Poggioli : entre 2014 et 2020, il a tenu l’engagement d’une alternance à mi-mandat en cédant à son premier adjoint, Jean-Baptiste Arena, le siège de maire, et il est prévu qu’il fasse de même durant la mandature 2020-2026.
D’autre part, Etienne Marchetti, José Poggioli et Jean-Baptiste Arena travaillent ensemble, avec d’autres élus, au sein du syndicat mixte « Grand Site Conca d'Oro, vignoble de Patrimonio - golfe de Saint-Florent » à la construction d’une excellence environnementale et d’un développement durable à partir d’actions communes et complémentaires (charte paysagère, signalétique harmonisée et intégrée, déplacements doux, traitement des effluents, création de la maison Grand site, développement complémentaire terre / mer, parcours de découverte et d’interprétation du patrimoine, gestion du risque incendie …)
Le seul coup d’arrêt qui pourrait survenir serait un vote négatif à l’issue d’un référendum local qui serait organisé soit en cas d’hésitations ou de réticences inattendues, soit pour obtenir des habitants une validation clairement exprimée. Ceci paraît toutefois très improbable car la fusion de leurs deux communes ne peut manifestement que servir les intérêts collectifs et particuliers des habitants de Barbaggio et de Patrimonio.
Fusionner n’est pas forcément pertinent
Il convient aussi de souligner qu’en projetant de fusionner, Barbaggio et Patrimonio s’inscrivent dans l’air du temps.
Même si ce n’est pas le cas en Corse… Chez nous, la dernière fusion en date remonte à loin. Elle est intervenue en 1970, en Balagne, entre les communes de Montemaggiore, Lunghignano et Cassano, et a donné naissance à la commune de Montegrosso.
En revanche, à l’échelle nationale, entre 2015 et 2019, par le jeu des fusions, le nombre de communes est passé de 36 681 à 34 968. En outre, cette tendance est appelée à prendre une nouvelle ampleur du fait qu’elle sera encouragée.
Pour inciter les maires en place et les populations à ne pas faire obstacle, il est prévu qu’outre par un maire, la commune nouvelle sera administrée par des maires délégués des communes ayant fusionné, et que ceux-ci seront automatiquement adjoints et classés selon l’importance de la population de leur ancienne commune.
Il est par ailleurs acté que l’Etat maintiendra la bonification de dotations. Enfin, l’an passé, ouvrant les travaux des Cinquièmes rencontres nationales des communes nouvelles, François Baroin, maire de Troyes et Président de l’Association des Maires de France, a clairement annoncé la couleur : « 2020-2026 sera le mandat de la commune nouvelle ».
Considérant la tendance, les maires et les populations qui refusent toute perspective de fusion relèvent-ils pour autant du pilori ? Rien n’est moins sûr. Une fusion ne peut uniquement être décidée à partir d’incitations financières et de garanties pour les maires de conserver un statut et du pouvoir. Elle ne peut non plus uniquement relever du postulat que le déclin démographique ou la mauvaise santé financière condamne les communes à s’unir envers et contre tout.
La fusion, tout comme le mariage, ne peut uniquement résulter d’un arrangement et d’une dot, et faire l’impasse sur une envie de cheminer et de réaliser ensemble. Elle doit avant tout être le produit, comme c’est le cas entre Barbaggio et Patrimonio, d’un contexte favorable et d’un projet partagé qui ne peuvent se décréter mais doivent être soit identifiés et exploités, soit imaginés et construits. Par ailleurs, il est une dimension qui ne peut être éludée : réduire le nombre de maires et de conseillers municipaux tout en créant des communes toujours plus peuplées risque de nuire à la proximité qui fait qu’encore aujourd’hui, le maire reste un élu apprécié et à la légitimité reconnue.
Alors si nombre de nos communes gagneraient incontestablement à fusionner, il n’est écrit nulle part que la démarche de Barbaggio et Patrimonio soit bénéfique en toutes circonstances. Tout comme la maxime « In vino veritas », le proverbe « L’union fait la force » ne peut prétendre à la pertinence en tout lieu ou tout temps.
Pierre Corsi