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<< Les parallèles >> d'Alexandre Oppecini

Le jeu du sexe et du hasard !

« Les parallèles » d’Alexandre Oppecini
Le jeu du sexe et du hasard !



Lui, Romain. Elle, Marion. Ils ne se connaissent pas. Par hasard ils se rencontrent devant la porte de gens qui donnent une fête. Elle est complètement extravertie. Il est son opposé. Ainsi démarre la pièce d’Alexandre Oppecini, « Les parallèles ».



La pièce peut se ranger dans la catégorie néo-théâtre-de-boulevard accommodée à la sauce contemporaine. Pimentée par la verdeur du langage, qui appelle un chat un chat y compris en matière de sexualité. Elle, Marion est en ce domaine brut de décoffrage. Lui, Romain est timide cultivant une maladie d’amour – ou plus exactement un échec sentimental – qui le bloque dans ses relations et brime sa personnalité.

Lui, Romain plutôt lunaire. Elle, Marion plutôt solaire. Mais l’un et l’autre se débattent dans les méandres d’une vie qui leur échappe. « Les parallèles » joue la psychologie des personnages ce qui nous vaut des dialogues toniques, rythmés par de bons mots ou des mots d’auteur comme il en plaira aux spectateurs.

La langue crue du dramaturge est l’un des atouts de son écriture, un signe des temps, loin de la Carte du Tendre de Madeleine de Scudéry ou de Catherine de Rambouillet. Néanmoins la verdeur de ce langage ne doit surtout pas cacher la difficulté de ces deux être à communiquer. Leur déconfiture amoureuse et affective réciproque, qui s’exprime de manière contraire, est révélatrice d’une époque où les réseaux sociaux semblent illusoirement porteurs de relations humaines illimitées pour, en fait, se réduire à peu de chose.

La pièce est interprétée par deux merveilleux comédiens. Lui, joué par Benjamin Wangermée. Elle, par Marie Pierre Nouveau. Le premier est remarquable par se gestuelle corporelle qui touche à une chorégraphie expressive de sa sensibilité d’acteur. Etonnante performance… La seconde cultive plutôt une colère rentrée, une agressivité de circonstances, une façon d’affirmer une féminité rugueuse. Magistrale prestation d’une comédienne, qui peut incarner une gamme de personnages très amples.

Dire de « Parallèles » que c’est du néo-théâtre-de-boulevard n’a rien de péjoratif tant s’en faut car en matière d’art : cinéma, peinture, musique, dramaturgie, etc… il n’y a que deux rubriques : le bon. Le mauvais. La pièce d’Oppecini appartient à la première catégorie parce qu’un spectacle de pure distraction, de pur divertissement à l’instar d’un Labiche ou d’un Feydeau relève avant tout d’une mécanique de précision. Son objet ? Être réussi et en l’occurrence c’est le cas !

Michèle Acquaviva-Pache


ENTRETIEN AVEC MARIE PIERRE NOUVEAU


Qu’est-ce qui vous a plu dans le rôle de Marion, cette extravertie à la langue crue qui parle de sexualité comme d’autres de cuisine ?
Le personnage m’a séduit par son aspect décalé et parce que la pièce est une comédie alors qu’on me confie d’ordinaire des rôles dramatiques. Chez Marion j’aime aussi qu’elle revendique sa féminité.


Avez-vous déjà joué sous la direction d’Alexandre Oppecini, l’auteur de « parallèles » ?
Dans son court-métrage, « Sur tes traces », j’incarnais la mère de l’enfant qui était le protagoniste le plus important du film. Ce personnage était plus âgé que moi, mais à l’écran cela m’arrive souvent ! Pourquoi ? Parce que je fais « antique » et parce qu’au cinéma il suffit d’un peu de maquillage pour vieillir une comédienne. Alexandre m’a aussi fait jouer dans sa pièce sur le drame de Furaini qu’il a donné au théâtre de Bastia. Il m’a également distribué dans sa pièce, « Être et avoir l’air » qui mettait en scène trois jeunes essayant de réaliser un court-métrage sur Pascal Paoli.


Vous vous connaissez depuis longtemps ?
Il est venu me voir lorsque je jouais Silvia dans « Le jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux, au théâtre de La Pépinière, à Paris, en 2012.


Comment avez-vous travaillé le personnage de Marion avec sa truculence et son abord abrupt ?
Il a fallu que je me lâche et ce lâcher-prise m’a vite paru ludique. A début j’en faisais des tonnes et peu à peu j’ai affiné mon jeu. Ma gestuelle qui était gauche s’est allégée en s’imprégnant en moi. Je ne devais surtout pas verser dans la grossièreté ou tomber dans la vulgarité. Alexandre Oppecini m’a bien drivé et j’ai eu plaisir à creuser les aspects psychologiques de mon personnage ainsi que son parcours émotionnel. C’est ce qui m’intéresse essentiellement dans un rôle.


Une complicité s’est-elle établie d’emblée avec Benjamin Wangermée qui interprète Romain ?
Je ne le connaissais pas. Je savais seulement qu’on avait le même agent. Notre complicité a été immédiatement évidente. Dès la lecture de la pièce à Paris il y a eu un bon feeling entre nous. Comme comédien Benjamin est très technique. Corporellement il entre tout de suite dans son personnage. Sur un plateau il fait montre d’une grande aisance sensorielle… ce qui n’est pas mon cas ! Il a fait du hip hop et monté un spectacle sur Michael Jackson, cela se ressent sur scène.


Certains disent que « Les parallèles » est une comédie romantique. Etes-vous d’accord avec cette appellation ?
Je dirai… une comédie romantique crue !... Décalée !


Vous êtes connu pour vos personnages dramatiques. Quel est celui qui vous a été le plus dur à endosser ?
La mère dans « Une vie violente » de Thierry de Peretti parce qu’une fois encore j’étais plus jeune que le rôle ! Parce que le réalisateur m’a demandé de jouer massif ! Parce que mon personnage existait dans la vraie vie et que je voulais être dans la vérité de cette personne dont on avait assassiné le fils… Le film terminé j’ai beaucoup appréhendé son regard. Heureusement on s’est bien entendu !


Pourquoi être devenue comédienne ?
J’étais en fait destinée à chanter en grande partie parce que mon père est chef d’orchestre. Mais j’ai loupé le bac. Alors je me suis réinscrite en candidate libre à Ajaccio, ma ville de naissance. J’ai choisi l’option « Théâtre » enseignée par Véronique Reviron. C’est ainsi que j’ai découvert mon envie de jouer, envie qui ne m’a plus quitté depuis car être comédienne c’est avoir plusieurs vies.


Votre parcours ?
Après les cours de Véronique Reviron j’ai fait une formation théâtrale à Aix-en-Provence suivie le « L’Ecole de Charles Dullin » à Paris puis des « Ateliers de Sudden ». De stage en stage j’ai été partie prenante dans « Le jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux à Avignon. J’ai enchaîné avec « Les anonymes », film de Pierre Schoeller sur l’affaire Erignac. J’ai continué à la TV et au cinéma. En ce moment je réécris un de mes textes, « Apoplexie » qui dit beaucoup de moi et touche à l’universel.


Entre la Corse et Paris, l’équilibre est-il difficile ?
La Corse m’aide à accepter Paris… Et vice versa !


Vos projets ?
Une tournée avec « Les parallèles », en Corse d’abord. Terminer la réécriture d’« Apoplexie ». Interpréter « Le jeu de l’amour et du hasard », en mars, à « L’Epée de bois » à Vincennes, mis en scène par Philippe Calvario.

Propos recueillis par M.A-P
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