Teatru di u Cumunuru
Conversation sur le communisme
Teatru di u Cumunu
Conversation sur le communismeDans son « Programme d’automne » le Théâtre du Commun de Noël Casale a mis à l’affiche « Conversation sur le communisme », dialogue entre Bernard Friot, économiste et sociologue et Frédéric Lordon, philosophe et économiste. Un texte adapté par Pascal Omhovère et Jenny Delécolle.
Argument maître de la pièce : en quoi a révolution est-elle encore d’actualité et le communisme également… Bernard Friot, communiste et catholique est sur scène interprété par Pascal Omhovère, Frédéric Lordon, marxiste hétérodoxe par Noël Casale. Entre les deux, qui ont en partage un anticapitalisme radical, les échanges peuvent être vifs quand leur débat en arrive à comment sortir du trou où nous enferme le financialisation à l’extrême du néolibéralisme. Autrement dit : comment sortir la tête de l’eau pour échapper à la noyade orchestrée par la « phynance » ?
Leurs analyses se rejoignent lorsqu’il est question de pointer du doigt l’incapacité de la social-démocratie d’apporter des solutions pérennes aux problèmes actuels. Même consensus pour ce qui est des résultats mineurs et fragiles des revendications classiques menées par les travailleurs ou pour ce qui est des stratégies gradualistes conduites par les forces syndicales. On a alors l’impression que leurs réflexions mêlent des aspects contradictoires : efficacité à court terme et ancrage dans une temporalité longue, sauf si on se réfère à une dialectique typiquement marxiste.
Le point fort de Bernard Friot est de prendre appui sur ce qu’il nomme le « Déjà-là » qui interdit de faire table rase d’acquis sociaux, économiques, sociétaux des travailleurs. Ce « Déjà-là », il en prend l’exemple dans le développement de la Sécurité Sociale en 1945. D’une organisation originelle patronale et paternaliste, les communistes Marcel Paul et Ambroise Croizat vont faire quelque chose de complètement différent dans sa substance et dans son esprit par sa gestion aux mains des salariés et dans son optique de salaire différé. Cet exemple tant décrié par les pouvoirs établis Friot l’étend à sa proposition de « salaire à la qualification personnelle », qui n’est rien moins qu’un nouveau droit économique au bénéfice de l’individu de sa majorité à sa mort, droit sans ressemblance avec « le revenu de base » qui n’est selon lui qu’un pansement sur la jambe de bois du néolibéralisme.
Dire que « Conversation sur le communisme » est une pièce facile serait exagérée… Mais elle se mérite par une attention soutenue. Par le sentiment absolu de ne pas avoir perdu son temps tant le propos en est stimulant.
Michèle Acquaviva-Pache
Théâtre du Commun cet automne
« Bastia an Zéro Vingt », pièce de Noël Casale.
« On disait que cette montagne de glace ressemblait à un palais » d’après Tarjei Vesaas.
« Les carnets du sous-sol » d’après Dostoïevski.
«Minetti, portrait de l’artiste en vieil homme » de Thomas Bernhard.
« Il n’y a pas d’or au fond des mers » d’après Magnus Enzensberger, Renaud Watwiller, Joseph Conrad.
« Conversation sur le communisme » d’après F Lordon et B Friot.
ENTRETIEN AVEC NOËL CASALE
Vous venez de présenter à Bastia, puis à Ajaccio, plusieurs créations sous l’intitulé, « Programme d’automne ». N’était-ce pas un véritable festival de théâtre ?
Je peux accepter ce terme… Mais dans festival il y a la notion de fête, or ma proposition de programme avait pour but de partager avec le public des textes qui aident à réfléchir au présent… Ce mot de festival me semble aussi… fourre-tout !
Vous avez donné votre « Programme d’automne » sur trois semaines. Ce programme comment l’avez-vous bâti ?
Notre compagnie, « Le théâtre du Commun » a commencé cette entreprise début 2018. On a mis cinq ans pour créer et présenter huit spectacles, pour animer des ateliers, pour faire des dizaines de lectures publiques, pour organiser des rencontres auprès des scolaires. Nous nous sommes investis dans un travail de territoire et de proximité qui relève d’une politique culturelle. A partir de 2020 – comme tout le monde – on a subi les confinements dus à une pandémie dont on n’est pas sorti. A part « Bastia an Zéro Vingt » on a opté pour des textes de petite forme qu’on peut jouer partout.
De ces textes pour penser le présent vous dites qu’ils sont d’inactualité. Paradoxe ?
Certains textes sont directement inspirés par les crises que nous traversons et d’autres non. Mais avec leur recul ils nous amènent aussi à une réflexion sur le temps présent. Ainsi « Les carnets du sous-sol » de Dostoïevski nous interpellent sur l’enfermement et nous reportent au confinement. Ainsi les textes sur le Titanic, en particulier celui de Joseph Conrad, nous interroge sur la relation de l’humain et de la machine.
Par les thèmes abordés vous avez eu le souci de la diversité ?
Diversité des thèmes et des écritures puisqu’il y a des textes de fiction et des essais. Cette diversité on la retrouve également dans mon travail d’auteur puisque, sur six pièces, il y a trois comédies. Mais cette année contrairement à des spectacles précédents où j’ai mis en scène des auteurs femmes : Virginia Woolf, Leslie Kaplan, Marguerite Duras, dans « Programme d’automne »il n’y a pas d’écriture féminine.
Comment choisissez-vous vos acteurs ?
Si je songe à Valérie Schwarcz, Xavier Tavera, Jacques Filippi j’ai travaillé avec eux depuis longtemps, je les connais… et je les admire. J’ai confiance en eux. Ils sont pour moi la promesse d’un éblouissement.
Vous organisez des ateliers un peu partout en France et sur la Corse. De quelle manière les concevez-Vous ?
Il y a trois ans s’est tenu un atelier sur « Œdipe Roi » de Sophocle. Actuellement s’en déroule un sur « Roméo et Juliette » de Shakespeare. Le travail sur « Œdipe Roi » a commencé en novembre 2018 pour déboucher sur une création en novembre 2019, suivie d’une tournée jusqu’en 2021. Ce spectacle incluait « A Filetta ». Pour « Roméo et Juliette » le travail a débuté en septembre 2022 au rythme d’une séance d’une semaine par mois dans l’optique d’une création à l’été ou à l’automne 2023. Ce genre d’atelier est ouvert à tous, professionnels et amateurs. Il rassemble une vingtaine de personnes. Se développant sur la durée il est l’occasion de se donner le luxe du temps. On peaufine les choses à l’Alb’Oru mais on peut encore être accueilli à Una Volta, à Art’Mouv’. Pour « Roméo et Juliette » l’association, « Corse Malte » nous a ouvert son local à l’ancien hôpital de Toga.
Pourquoi monter « Roméo et Juliette » maintenant ?
La pièce traite d’une question cruciale : qu’est-ce que naître, passer son enfance et son adolescence, essayer de grandir dans une société complètement gangrénée par la haine, par les assassinats, par les guerres civiles à répétition. Comment dans ces conditions on fait pour s’aimer à 14 ans – l’âge de Roméo et Juliette – quand on appartient à des clans opposés ? Notre spectacle sera donné en corse et en français et nous avons eu l’appui de « Festa di a lingua » de la CdC.
Dans « Bastia an Zéro Vingt » et d’autres spectacles il y a référence au Titanic. Notre époque vous parait-elle naufragée ?
Pas complètement… Non, en fait… on n’est pas en train de couler, mais une période disparait, celle de la génération née dans les années 60. Un autre monde vient… Même accrochés à des planches, difficile de naviguer dans ces eaux… Si la haine gagne du terrain au plan social, politique, économique peut-être est-ce qu’on n’a pas su faire face aux situations qu’on devait affronter.
Le livre que vous lisez actuellement et qui vous invite à méditer sur le présent ?
« M, l’ascension de Mussolini » d’Antonio Scurati. Un livre stupéfiant tant il restitue le chaos qui a suivi la guerre de 1914 – 1918. Un chef d’œuvre par son écriture.
Êtes-vous plus à l’aise dans des lieux assez vastes ou dans des endroits plus intimes ?
Je ne suis jamais à l’aise. Jamais tranquille. J’ai le trac… mais il passe dès l’entrée en scène.
Propos recueillis par M.A-P