Le traité de paix de Sartène
La fin de la guerre entre deux quartiers de Sartène
Le traité de paix de Sartène
Grâce à l'intervention pressante du gouverneur de la Corse, le lieutenant-général Lallemand, ce 7 décembre 1834, à 11 heures du matin, les cloches de Sartène annoncent la fin de la guerre entre deux quartiers de Sartène. Les représentants des quartiers du Borgu et de Santa Anna pénètrent ensemble dans l'église paroissiale. La messe dite, toutes les personnes comprises dans l'inimitié qui dure depuis des années et a provoqué la mort de dizaines d'hommes jurent sur le saint autel d'oublier leurs griefs et de vivre en frères avant de signer le traité de paix suivant.
Au nom de Dieu, de la Patrie et du Roi des Français. Par-devant nous RoccaSerra notaire royal à la résidence de Sartène, y demeurant et domicilié, chef-lieu du canton et de l'arrondissement de Sartène, département de la Corse soussigné et en présence des témoins ci-après qualifiés et soussignés, se sont volontairement constitué d'une part tous les individus présents désignés dans l'inimitié de Sartène sous le nom de parti Santa Anna, et de l'autre tous les individus également présents connus sous le nom de parti du Borgo répondant pour les absents et soussignés, lesquels nous ont exposé ce qui suit :
La Ville de Sartène après avoir été le modèle de la modération et le foyer d'une société bien réglée, s'est trouvée tout à coup désolée par des événements sanglants…
Aujourd'hui le deuil est partout ; il n'y a personne qui n'ait à déplorer la perte d'un parent affectueux, d'un père ou d'un fils ; au milieu de ce triste tableau, l'on voit un vieillard vénérable, ministre des Autels, qui avait servi de père à trois de ses neveux, orphelins dès l'enfance, destinés à le remplacer, une mort prématurée et cruelle a éteint la belle vie de ces trois infortunés… Arbitre de la guerre, n'ayant plus rien à craindre il pouvait la continuer ; cependant son âme généreuse n'a pu résister aux prières toutes paternelles qui lui ont été adressées par Monsieur le Lieutenant général baron Lallemand de donner la Paix à la Ville de Sartène…
En conséquence toutes les personnes comprises dans l'inimitié de Sartène se sont rendu ce matin à onze heures dans l'église paroissiale de cette ville, où après avoir invoqué le secours du Saint-Esprit et ouï la Messe célébrée par Monsieur le curé Lucciani elles ont juré en présence du Saint Autel et de la Nation au nom de l'honneur et du Roi des Français, entre les mains de Monsieur le Lieutenant général Pair de France, Commandant la dix-septième Division militaire de tenir et garder le présent contrat de paix.
1 ° Article premier : Pardon et oubli pour tout ce qui se rattache aux funestes événements passés ; paix, confiance et union pour l'avenir. Les signes extérieurs de guerre et d'inimitié disparaîtront immédiatement.
2 ° Article Deux : Les individus poursuivis par la Justice pour les faits de Sartène devront se constituer dans le délai d'un mois pour être jugés.
3 ° Article Trois : On laissera à la Justice son libre cours, les partis n'existant plus dès ce jour, personne ne pourra agir ni pour aggraver le sort des prévenus ni pour les soustraire à l'action de la Loi.
4 ° Article Quatre : Si les poursuites dirigées contre les prévenus Michel Durazzo, Jean Paul RoccaSerra, fils de Pierre Paul et Paul Marie Susini venaient à cesser, ou s'ils sont acquittés, Monsieur le Lieutenant général prendra à leur égard les mesures qu’il jugera indispensables pour la conservation de la paix.
5 ° Article Cinq : Devront aussi s'éloigner dans les lieux et pendant le temps qui seront fixés par Monsieur le Lieutenant général les sieurs : Jérôme RoccaSerra du feu Jean Paul, Paul François RoccaSerra, du sieur Jean Paul dit Palluccio et Pierre de feu Michel Pietri…
6 ° Article Six : Pour donner enfin une dernière preuve de la sincérité des vœux que les parties font pour la prospérité de la paix, elles s'imposent l'obligation d'exécuter tout ce que Monsieur le Lieutenant général croira devoir prescrire pour le maintien de la tranquillité à Sartène…
7 ° Article Septième : Les habitants de Sartène ci-dessus désignés, Borgo, et Santa Anna s'interdisent le port d'armes a feu en Ville et reconnaissent que la plus grande partie de leurs maux vient de la facilité avec laquelle on y a recours. Ils formeront le vœu que cet exemple soit suivi par tous leurs concitoyens. Monsieur Lieutenant général pourra dans des circonstances graves abandonnées à sa sagesse lever en tout ou en partie la susdite prohibition.
8 ° Article huit : Les personnes qui aiment l'honneur et la Paix du Pays sont invitées pour prêter aide et assistance pour la franche et loyale exécution du présent contrat, de considérer les contrevenants comme parjures et les abandonner à l'exécration du monde entier. Après avoir donné aux parties acte de leur dire et conventions lecture leur a été faite dans les deux langues ; chacun des individus intéressés y a apposé sa signature.
GXC