Festivale di l'Arti Sonori
Rencontre avec une extra- terrestre
Festivale di l’Arti Sonori
Rencontre avec une extra-terrestre
Le Festivale du l’Arti Sonori n’a pas manqué de consacrer, lors de l’une de ses soirées, un derby : Bastia – Ajaccio. Aux manettes trois jeunes femmes : ITI, Mitsy, Déborah Lombardo. Deux belles propositions.
ITI, l’extra-terrestre en référence au film, E.T., de Spielberg ou une invitation à une création, « Hypnose ». Un concert lumineux et solide, carré et évanescent, planant et âpre. Convocation au rêve, à des univers éthérés qui croisent ou se heurtent à une réalité qui n’est guère orgasmique. « Hypnose », une alliance des contraires très maîtrisée, très organisée.
ITI, la musicienne, est très concentrée sur son jeu qui s’épanouit sur ordinateur, contrôleurs, micro, qui manie électronique et acoustique avec des accents très concrets de guitare électrique ainsi qu’avec sa voix qui émerge tel un souffle venant des profondeurs pour se marier à des envolées aériennes. « Hypnose », c’est également des ponctuations de lumière, parfois légères parfois intenses jusqu’à orchestrer sur scène un ballet de flux et de reflux éclatant.
Dans le live d’ITI il y a autant d’énergie que de nostalgie qui courent sur des sonorités rock, techno, psychédéliques au parfum des années 70. Il y a une recherche d’harmonie à l’opposé d’une certaine fadeur. Il y a aussi des incursions surprenantes comme cet écho de flamenco à un moment qui embarque le spectateur autre part pour réintégrer vite, avec évidence, le monde d’ITI. « Hypnose », une musique qui pulse, qui vibre, qui est colorée sans cesser de s’affirmer rigoureuse avec des instants de poésie.
En première partie de la soirée : « La bulle », concert-performance. Aux commandes : Mitsy à la composition, à la conception, à la vidéo avec la participation active de la danseuse, Déborah Lombardo. « La bulle », c’est sur grand écran une histoire qui ne résiste pas à des poussées de rage. « La bulle », allégorie bien venue incitant à réfléchir sur la fragilité de la vie, sur l’instabilité du temps car le passé engloutit un présent stérilisé dans le futur. Le film déroule d’abord un visuel noyé dans le bleu roi, ensuite serti de rouge, de jaune, de vert au gré de fleurs qui éclosent et se dévorent elles-mêmes.
Récit troublant sur des trépidations exaltées. Puis l’attirail floral laisse place à des séquences très expressives où la danseuse prisonnière d’un étroit couloir lutte contre l’étouffement. L’écrasement… En un combat vital.
Le Festival des Arts Sonores se veut le reflet d’un réel si impétueusement mouvant qu’on à du mal à le saisir, à en appréhender les circonvolutions. Il est là pour interpeller.
Michèle Acquaviva-Pache
ENTRETIEN AVEC ITI
Pourquoi ITI ? Pourquoi ce nom précisément ?
J’aime le concept de l’extra-terrestre. Petite un de mes amis me surnommait ainsi. Le film de Spielberg m’a plu quand je l’ai découvert sans que ce soit pour moi une œuvre cinématographique culte. Disons que m’appeler ITI c’est un clin d’œil…
Depuis quand faites-vous de la musique ? Par quel instrument avez-vous débuté ?
J’ai commencé par le piano à 7 ans et j’ai suivi des cours pendant dix ans. A 15 ans je me suis mis toute seule à la guitare, puis je suis passée à la batterie dans un groupe rock… Mes parents sont musiciens. Mon père interprète du flamenco en amateur. Ma mère joue au piano du classique et du jazz… La musque a toujours été présente dans ma vie !
Comment s’est effectué ensuite votre apprentissage musical ? Quelle formation avez-vous suivi ?
Au piano j’ai reçu une formation classique, en suivant les conseils d’amis je me suis lancée dans l’improvisation. Après le bac j’ai obtenu une licence de musicologie à Paris VIII – Saint Denis. Cet enseignement m’a donné beaucoup de clés pour progresser et m’a débloqué. Le solfège n’a plus été un frein. J’ai appris à lire et écrire les partitions. Dans la foulée je me suis intéressée à la physique du son, au mixage ainsi qu’à la MAO (Musique assistée par ordinateur). Toujours en région parisienne j’ai multiplié les stages et les expériences dans des média alternatifs… Une histoire d’amour m’a propulsé en Corse. J’y suis restée. J’aime Bastia. J’apprécie son réseau professionnel et sa sociabilité.
Sur scène vous proposez une composition progressive. Vous pouvez préciser ?
Cela signifie tout simplement que mes compositions suivent une forme musicale qui évolue et qui ne répondent pas à la structure : couplet-refrain. C’est également lié à mes possibilités matérielles. J’utilise, en effet, un logiciel qu’on peut paramétrer afin d’être la moins contrainte par l’électronique et pour pouvoir improviser comme j’en ai envie.
Pourquoi baptiser votre concert, qui est une création, « Hypnose » ?
« Hypnose » est le titre de l’album que je prépare depuis quelque temps déjà et que j’interprète en live sur scène. « Hypnose » correspond à mon un état d’esprit dans lequel je souhaite embarquer les spectateurs. Dans cette composition il y a de la transe et des contrastes. Elle oscille entre romantisme et violence. Il y a un côté douceur, beauté et un autre plus rude. Je pense que ce double aspect provoque une dynamique. J’espère produire de la sorte quelque chose de surprenant alternant le brut et le doux, le tranchant et le planant.
Que représente à vos yeux ce passage à l’Alb’Oru ?
L’aboutissement de deux ans de travail. C’est une date importante. Emporter l’adhésion du public est magnifique. C’est ma troisième occasion de me produire sur cette scène des quartiers sud. Pour le live j’utilise un ordinateur, quatre contrôleurs midi, un micro, une guitare. Je recours à un format alliant pop, mélodie, rythme et sons issus du quotidien comme des bruits de rue ou de casseroles !
Quel est le fil conducteur de votre concert ?
Le voyage… Au fond mes mélodies proviennent des sons que j’entends autour de moi. Au final, rien n’est vraiment calibré, tout répond à l’oralité…
Dans la plaquette de présentation du festival on souligne que vous êtes très inspiré par le rock psychédélique ?
Adolescente j’ai beaucoup écouté ce genre de musique parce qu’il exprime très fort une notion de liberté et qu’elle laisse une large place à l’improvisation tout en entretenant un lien avec l’oralité. J’étais, par exemple, passionnée par les Pink Floyd qui parvenaient à un bon équilibre entre liberté et expérimentation avec leur musique envoûtante.
Qu’attendez-vous de votre prestation au Festival des Arts Sonores ?
Avec ma musique non clivante je voudrais briser le plafond de verre que je sens au-dessus de moi !... J’aime chatouiller les oreilles de mes auditeurs. Certains sont assez rétifs, d’autres bienveillants ou enthousiastes. C’est vrai que ma musique peut avoir un aspect… abrasif, mais elle est recherche de liberté et c’est ça qui peut convaincre le public.
En quoi le Rézo, structure de soutien aux musiques actuelles vous a-t-elle aidé ?
Le Rézo m’a offert l’opportunité de jouer à l’Alb’Oru en décembre 2021, puis au début 2022. Cette structure participe au montage de dossiers et de formalités administratives. Elle met en relation avec des « pros » de l’édition musicale. Grâce à elle j’ai eu une résidence d’artiste à Sant’Angelo avec un ingénieur du son et en juillet dernier je me suis produit à Venaco.
Propos recueillis par M.A-P