• Le doyen de la presse Européenne

Pour que le héros Manouchian entre au Panthéon

Fusillés par les Allemands le 24 février 1944

Pour que le héros Manouchian entre au Panthéon


Se souvenir de ces 24 hommes et femmes, fusillés par les Allemands le 24 février 1944 reste un devoir pour toutes celles et tous ceux qui continuent de penser que le nazisme fut une offense à la simple idée d’humanité. Ces héros furent fusillés il y a soixante-dix-huit ans et rentrèrent dans la légende sous le terme d’Affiche rouge, cette affiche, tirée à 15 000 exemplaires que l’occupant avait fait imprimer pour les salir. Dans la nuit suivant leur exécution, des mains anonymes inscrivent partout dans Paris : « Mort pour la France. »


Des réfugiés du monde entier


En 1943, Missak Manouchian, un poète arménien réfugié en France en 1925 à l’âge de 19 ans, est choisi pour être le commissaire militaire des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main d’œuvre immigrée) de la région parisienne. À l’exception d’une poignée d’entre eux, les combattants communistes de la MOI étaient arméniens, hongrois, italiens, polonais et avaient pris les armes pour défendre leur pays d’adoption. Manouchian était un rescapé du massacre des Arméniens par la Turquie. Le dernier survivant de ces héros, Arsène Tchakarian s’est éteint le 4 août 2018 à l’âge de 101 ans. Formés aux armes et à la lutte clandestine, les membres du groupe Manouchian se distinguèrent dans la Résistance par leur courage et leur efficacité malgré leur petit nombre — car ils n’étaient guère plus d’une soixantaine de combattants simultanément opérationnels sur Paris — et une répression croissante. Sabotages, attentats individuels : 229 actions leur seront imputées au total en moins de deux ans. Traqués par 130 policiers français de la préfecture et des renseignements généraux, ils sont arrêtés en novembre 1943, emprisonnés, torturés par la Gestapo à qui ils ont été donnés et fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. La seule femme du groupe, Olga Bancic, sera décapitée en Allemagne le 10 mai 1944.

L’Affiche rouge


L’occupant nazi et ses collaborateurs français croient tenir une bonne affaire de propagande. Avec l’aide des fascistes de Je suis Partout, ils composent une affiche avec le visage des héros et l’intitulent « l’armée du crime ». C’est l’Affiche rouge. Le procès du groupe s’ouvre le 15 février 1944 dans un grand hôtel parisien devant une cour militaire allemande. La presse collaborationniste s’en donne à cœur joie. Elle décrit Manouchian comme « ce garçon basané au regard fuyant », « l’homme aux 150 assassinats ». Ses « complices » sont stupides ou monstrueux, animés de motifs crapuleux.

La sentence est sans surprise : la mort pour tous est « prononcée » le 21 février et exécutée le jour même. Mais l’Affiche rouge produit l’effet contraire à celui escompté par les nazis et leurs chiens courants. À moins d’un mois du débarquement, l’opinion est en train de basculer. Les résistants sont salués comme des martyrs.

Un épisode oublié


Pourtant cette tragédie va être oubliée. Le Parti communiste veut, au nom de l’unité qu’il a formée avec de Gaulle, dépeindre une résistance massive et menée par de bons Français. Les noms étrangers sont bannis des discours officiels. Le parti communiste ne se souvient d’eux qu’après le renvoi de ses ministres du gouvernement Ramadier. Alors la médaille de la Résistance est octroyée aux membres du groupe Manouchian. Mais il faut attendre 1955 et l’écriture d’un poème par le grand poète communiste Louis Aragon pour que leur héroïsme soit exhumé. Aragon n’a osé ce geste que deux ans après la mort de Staline, grand fusilleur lui-même de combattants communistes internationalistes. Le poème est publié le 5 mars 1955 par le quotidien communiste L’Humanité. Aragon paraphrase dans ses vers la dernière lettre de Manouchian à Mélinée son épouse, écrite quelques heures avant sa mort.

« Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. On va être fusillés » (...) Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. (...) Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain (…) Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand ». Le poème connaîtra son heure de gloire quand le poète et chanteur Léo Ferré le mettra en musique.

Ne pas oublier les autres héros de la MOI


Parce qu'il fut un héros qui donna sa vie pour battre le nazisme, parce qu'il est devenu le symbole d'un étranger combattant pour la fraternité, Manouchian mérite d'entrer au Panthéon. Un comité s'est mis en place afin d'obtenir cet honneur. Faisons en sorte que cela devienne une réalité.


GXC
Partager :