Processus Darmanin : les oubliés
Il est deux voix politiques.......
Processus Darmanin : les oubliés
Il est deux voix politiques qui - à défaut de pouvoir ouvrir aux oubliés nationalistes, jeunes ou moins jeunes, la porte des discussions avec l’État – portent à ce jour leur sentiment.
A l’occasion des Scontri politico-culturels qu’elle organise chaque année à Corti dans les locaux de l’Università di Corsica, le syndicat étudiant Ghjuventù Indipendentista a été clair et mordant. Il a déploré que la jeunesse soit tenue à l’écart des discussions auxquelles donne lieu le processus Darmanin, rappelé que ce sont l’assassinat d’Yvan Colonna et la révolte des jeunes ayant suivi qui ont conduit Paris à accepter de dialoguer avec les élus corses, souligné le caractère encore stérile de ces discussions, mis en garde les élus de la majorité territoriale siméoniste (et d’autres ?) contre la tentation de l’opportunisme, dénoncé une absence de transparence risquant de susciter de la suspicion et de la discorde au sein de la mouvance nationaliste : « Rappelons que c’est ce tragique événement et l’indignation qui en a suivi qui fut à l’origine d’un changement d’attitude de la France. La révolte de la jeunesse tout entière a permis l’ouverture d’un cycle de discussions entre les élus et le gouvernement qui s’est vite avéré STERILE.
Ce cycle de discussions dont nous sommes tenus éloignés alors que ce sont NOS mobilisations qui en ont créé l’existence. L’opacité autour de ces rencontres fait le jeu de certains (… ) Peut-on laisser le confort d’un fauteuil être plus important que le futur de notre terre ? (…) Nous ne pouvons envisager que des élus se réclamant du nationalisme, participent à créer un fossé entre nationalistes, un fossé entre élus et jeunesse, un fossé entre ce que nous sommes et ce qu’ils prétendent être ». Le sentiment d’être oublié, qu’il y a peu ou rien à attendre des discussions ayant lieu place Beauvau dans le cadre des comités stratégiques, que la majorité territoriale siméoniste ne fait pas dans la transparence et peut-être ne joue pas franc jeu, qu’il importe de se mobiliser et de porter des luttes sur tous les terrains - qui a été exprimé par Ghjuventù Independentista est aussi celui de nombreux nationalistes et explique sans doute la résurgence de l’action clandestine. Plusieurs éléments tendent d’ailleurs à alimenter et renforcer ce sentiment : les entretiens Gilles Simeoni-Gérald Darmanin dont seuls les deux protagonistes connaissent la réelle teneur ; seuls des élus politiques sont autour de la table de la place Beauvau ; l’État veut imposer des « lignes rouges » qui vont à l’encontre de revendications fondamentales du nationalisme (notamment la reconnaissance institutionnelle du peuple corse) ; le soupçon que la majorité territoriale siméoniste veut aboutir à tout prix (Femu a Corsica a apporté de l’eau au moulin en laissant entendre que le statut de résident pourrait être obtenu « sur la base d'une dure de cinq années de résidence » et non plus de dix).
Il est cependant deux voix politiques qui, à défaut de pouvoir ouvrir aux oubliés nationalistes, jeunes ou moins jeunes, la porte des discussions avec l’État, portent à ce jour le sentiment de ces derniers (et en totalité ou en partie leurs attentes).
Corsica et Libera et Core In fronte
La première voix est celle de Josepha Giacometti-Piredda qui, au nom de son parti (Corsica Libera) refuse que le dialogue avec Paris se déroule en passant sous les fourches caudines de fils rouges. Elle porte le sentiment des oubliés à partir d’un questionnement concernant la teneur des discussions avec l’État : « Allait-il s’agir d’ouvrir, enfin, un véritable processus politique sans tabous ni lignes rouges qui permette de prendre en compte toutes les dimensions du conflit politique qui oppose la Corse et la France depuis plusieurs décennies ? Allait-on traiter la « question corse » comme un simple problème d’une entité administrative française ou parlions nous d’un processus de dimension politique incluant la reconnaissance du peuple corse et de l’ensemble de ses droits nationaux ?», et en apportant une réponse claire : « S’il s’agit d’un processus « à vocation historique », comme d’aucuns l’ont trop tôt qualifié, il ne peut exclure la reconnaissance de notre peuple ou bien la considérer comme un artifice symbolique mais sans traduction juridique (…)
L’autonomie, c’est a minima le pouvoir législatif, le pouvoir de voter la loi dans les domaines de compétences transférées aux institutions corses (…) L’actuelle majorité qui mène les discussions ne peut se situer en deçà de ce que sous d’autres mandatures, non nationalistes, nous avions validé. Enfin et surtout, nous ne pouvons être en deçà des revendications communes au mouvement national, validées massivement par les Corses depuis 2015 lors des différentes échéances électorales. C’est pourquoi il est plus que jamais indispensable d’intensifier la mobilisation sur tous les terrains ».
La deuxième voix portant le sentiment des oubliés est celle de Core in fronte qui, lors d’une conférence de presse, a mis en avant les points suivants : « L’assassinat d’Yvan Colonna, au cœur même d’une prison française, et la révolte populaire suscitée ont rappelé à l’État français la constance d’un problème politique irrésolu (…) La reprise du dialogue avec l’État français doit aller dans le sens de véritables négociations politiques pour une avancée statutaire majeure (…) Une avancée statutaire significative doit permettre au peuple corse, reconnu dans ses droits, de retrouver sa souveraineté pleine et entière, conformément au droit international des peuples à disposer d’eux-mêmes (…)
Le colonialisme français n’a pas vocation à s’automutiler, d’où la nécessité pour le Mouvement National, aujourd’hui, de construire un nouveau projet politique et populaire. Celui-ci doit s'inscrire résolument dans la continuité historique et contemporaine de notre résistance, avec pour objectif la fin du conflit et l’émergence de la Nation corse libre (… ) l’État français ne peut feindre d'ignorer ce qu'est un statut d'autonomie : c'est l'obtention du pouvoir législatif (… ) Le dialogue doit être sans tabou, ni préalable (pas de lignes rouges, ndlr) ».
Pierre Corsi