Finances de la Collectivité de Corse, transfert de fiscalité, sola sperenza ?
Transfert de fiscalité, sola sperenza ?
Finances de la Collectivité de Corse
Transfert de fiscalité, sola sperenza ?
Le budget primitif 2023 de la Collectivité de Corse a été adopté. Tous les groupes d’opposition ont voté contre la copie remise par le Conseil Exécutif après l’avoir durement critiquée. Un peu trop facile. Si complimenter et décerner une mention Très bien ou Bien n’étaient pas forcément pertinents, flageller et infliger 0/20 ne l’étaient pas non plus.
D’abord, quelques données clés tirées du rapport du Conseil Exécutif.
Montant du budget primitif (dépenses et recettes réelles) en légère baisse : - 2,29 % (1,434 milliard € contre 1,468 434 milliards .Recettes de fonctionnement quasiment stables : - 0,52 %. Dépenses réelles de fonctionnement moins élevées : - 6,03 %, essentiellement du fait d’économies de gestion et que ne pèse plus le coût du contentieux Collectivité de Corse / Corsica Ferries. Dépenses réelles d’investissement (représentant 30 % du budget) en nette progression : + 7,96 % (dont 45 % de subventions d’équipement allouées à d’autres collectivités).
Evolution contenue du coût des services généraux : + 1,30 %. Montant de l’emprunt qui permet d’équilibrer les dépenses et les recettes : inférieur de 17 % à celui contracté l’an passé (99,3 M € contre 120 M €). Dette (998 M €) pesant encore très lourd (annuité de 74 millions €) mais capacité de désendettement ramenée de 10,14 à 5,82 années. Épargne brute en hausse : 171,41 M € contre 92,1 M €. Enfin, budget primitif qui permettra, globalement, de maintenir ou même augmenter les crédits de fonctionnement et d’investissement affectés au développement durable et à la cohésion sociale selon la ventilation suivante : aménagement des territoires (77,57M €, - 6,70 1 %) ; action économique (91,5 M €, + 1, 69 %) ; environnement (74 M €, + 7,87 %) ; transports (77 M €, - 6,76%) ; sécurité incendies (69,5,+ 7,82 %) ; culture, vie sociale, jeunesse, sports, loisirs (47 M €, + 4,58 %) ; enseignement, formation professionnelle, apprentissage (106 M € , +2, 35%) ; santé et action sociale (102 M €, + 4,58 %) ; RSA (44,6 M €, - 6,56 %), APA (77, + 1,69 M €).
Si l‘on considère la lourdeur de la machine administrative, le contexte inflationniste, la faible marge de manœuvre pour augmenter les recettes existantes ou en générer de nouvelles, une demande sociale toujours plus forte et aussi, bien sûr, si l’on s’en tient à une lecture comptable, la majorité siméoniste n’a pas à rougir de ce qu’elle a proposé.
Le président du Conseil Exécutif pourrait presque se targuer de pratiquer une gestion de bon père de famille. Il l’a d’ailleurs quasiment fait en affirmant : « Je ne suis pas un magicien ! (…) Nous avons fait au mieux avec des choix politiques qui sont en cohérence avec notre vision de la société ». Les intervenants des groupes d’opposition nationalistes ont cependant durement critiqué la gestion siméoniste. Tous l’ont implicitement ou explicitement jugée plus comptable que politique, et trop calquée sur celle des régions de l’Hexagone. « Vous a fait le choix de maintenir une logique de dépendance » a même lancé Josepha Giacometti-Piredda (Corsica Libera).
Ce qu’ont réfuté Gilles Simeoni : « C’est un budget qui vise à construire un pays et qui correspond à la société » et aussi Louis Pozzo di Borgo, président de la Commission des finances de l’Assemblée de Corse, qui a en outre souligné que pour aller dans le sens des demandes d’une gestion plus nationaliste, 2023 serait une année « charnière » et « décisive » : « Soit le processus aboutit avec un transfert de fiscalité (…) et alors nous pourrons aller plus loin dans l’exercice de nos compétences et dans nos prérogatives. Soit il échoue, et à ce moment-là, nous devrons revoir notre périmètre d’action à la baisse (…) Ce processus (…) doit nous permettre d'avoir un transfert de fiscalité afin d'être maîtres de nos recettes, mais aussi de la façon dont nous allons les utiliser ».
Aucun cadeau mais peu de propositions
Les intervenants nationalistes n’ont, d’ailleurs et par ailleurs, fait aucun cadeau.
Paul-Félix Benedetti (Core in Fronte) a notamment dénoncé « une augmentation permanente des frais de fonctionnement depuis cinq ans », un nouveau recours à l’emprunt à des fins d’équilibre et non de réalisations de grands projets structurants : « 100 M € tous les ans, on va dans le mur ! J’aurais compris si on avait fait un investissement structurant, un barrage, une pénétrante… », une insuffisante territo-rialisation rurale des emplois de la Collectivité de Corse et « un manque de traceur social ». Josepha Giacometti-Piredda (Corsica Libera) a particulièrement déploré une absence de choix politiques structurants. Jean-Christophe Angelini (Avanzemu, Partitu a Nazione Corsa) a insisté sur la non prise en considération des mutations démographiques et de nouveaux enjeux : « Je le dis avec beaucoup d’amertume : la Corse fabrique de moins en moins de Corses, on ne fait plus société (…) Si on est dans une fin de société, ce budget n’est pas le bon. » Ces critiques nationalistes qui pourraient sembler justifiées à l’aune des attentes étant nées à l’issue des « victoireshistoriques », ne le sont guère au vu des réalités qui sont celles de la Collectivité de Corse (faire face aux contraintes financières ayant découlé des transferts de compétences et de décisions antérieures à 2015, impossibilité institutionnelle de générer de nouvelles recettes ou de conduire certaines actions, contexte économique difficile …) Il aurait sans doute été plus judicieux et productif que les opposants nationalistes utilisent leurs temps de parole pour développer des propositions argumentées et chiffrées.
L’opposition de droite (Un Soffiu Novu) a elle aussi été peu force de proposition et a même sacrifié à la futilité lorsque son chef de file Jean-Martin Mondoloni a fait dans l’ironie facile : « Je vous mets au défi de trouver un souffle nationaliste dans ce budget ! Prenons la langue corse, le montant des crédits de paiement d’investissement en 2022 était de 497 000 € contre 489 000 € cette année. Ohimè, tamantu sforzu ! ».
En revanche, elle a visé juste ou même fait mouche quand le même Jean-Martin Mondoloni a relevé un insuffisant financement prévisionnel concernant le traitement et la valorisation des déchets : « Les sommes consacrées aux déchets sont de 4 M €. Entre 2023 et 2025, pour la seule politique de traitement des déchets, en contractualisé, il faudrait investir 142 M € dont 50 à 55 M € assumés par la CDC », déploré l’absence d’un outil d’évaluation permettant de vérifier que « pour chaque euro investi, on aurait des retombées », affirmé que son groupe ne tomberait pas dans « le piège » consistant à attendre l’issue du processus Darmanin-Simeoni et à laisser dire que « la seule hypothèse de sortie serait le transfert de fiscalité en lieu et place des dotations ».
Pierre Corsi